Salvini, le chef de l'extrême droite italienne, touché mais pas coulé


Vendredi 14 Février 2020

Convaincu d'oeuvrer pour le bien des Italiens, le souverainiste Matteo Salvini est sûr qu'il reviendra au pouvoir et son renvoi en justice pour avoir bloqué un bateau de migrants quand il était ministre de l'Intérieur n'est pour lui qu'une péripétie dans sa stratégie de reconquête.
"Mes deux enfants ont le droit de savoir que, si leur papa était souvent loin de la maison, ce n'est pas parce qu'il passait son temps à séquestrer des êtres humains mais parce que défendre les frontières et la sécurité de son pays était son devoir", a lancé Matteo Salvini mercredi devant les sénateurs.
"Or tout le monde en Italie, qu'on me trouve sympathique ou antipathique, savait et sait qu'en votant pour la Ligue, en votant pour Salvini, nous aurions tout fait pour bloquer les débarquements d'immigrés clandestins", a-t-il ajouté.
Après avoir échoué fin janvier à s'emparer avec son parti de la région d'Emilie-Romagne, fief de la gauche dont il voulait se servir comme marche-pied pour reconquérir le pouvoir, le patron de l'extrême droite a encaissé un nouveau coup dur mercredi avec son renvoi devant les juges décidé par le Sénat.
Mais l'ancien sécessionniste lombard n'est pas du genre à s'avouer vaincu. "Les adversaires doivent être battus dans les urnes, pas dans les tribunaux", a affirmé mercredi, celui qui ne cesse de réclamer des législatives anticipées, fort des sondages qui donnent la Ligue en tête, avec environ 30% d'intentions de votes.
Prolixe et déterminé, ce Milanais de 46 ans, arrivé en 2013 à la tête d'un parti au bord du gouffre, a fait de la Ligue (anciennement "du Nord") une formation nationaliste triomphante qui a dépassé dans les urnes son allié de droite Silvio Berlusconi avant de le lâcher pour former une majorité gouvernementale avec les anti-système du M5S.
Fils d'un chef d'entreprise, Matteo Salvini est né et a grandi dans la capitale lombarde: collège catholique, scoutisme et matches du Milan AC, puis militantisme, petits boulots et quelques cours à la fac. Il a adhéré à la Ligue du Nord dès l'âge de 17 ans et a été élu conseiller municipal de Milan à 20 ans. Il est ensuite devenu journaliste au quotidien La Padania et à la radio Padania Libera, deux organes proches de son parti qui lui ont permis de peaufiner son aisance orale. Et en 2004, cet eurosceptique est entré au Parlement européen.
Mais à mesure que son étoile personnelle montait, son parti s'enfonçait dans la crise. Son patron et fondateur Umberto Bossi, diminué par une attaque cérébrale en 2004, a été balayé par un scandale de détournement de fonds publics en 2012. Aux législatives de 2013, le parti est tombé à 4%. Arrivé à sa tête fin 2013, M. Salvini a changé le discours du parti, tournant vers Bruxelles les diatribes que son mentor Bossi lançait contre le gaspillage et les "diktats" de Rome.
Cet homme portant la barbe, rétif aux costumes-cravate, paraissant toujours en colère et d'un aplomb sans faille est vite devenu omniprésent dans les médias, avec un ton direct s'embarrassant rarement du politiquement correct.
Allié avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, grand admirateur de Vladimir Poutine et de Donald Trump, il s'en prend avec virulence aux immigrés, à l'islam, à l'euro, aux unions homosexuelles... "J'ai tout entendu: je suis un criminel, un raciste, un fasciste", lance-t-il régulièrement. Mais "je suis communiste à l'ancienne, je connais plus d'usines que ces gens (de gauche) qui ne fréquentent que des banquiers".
Il se présente aussi en défenseur des valeurs chrétiennes, malgré une critique virulente des efforts du pape François en faveur des migrants et une vie privée agitée: il a eu deux enfants de deux femmes différentes, s'est séparé fin 2018 de sa compagne animatrice de télévision avant de s'afficher avec une jeune femme de 20 ans sa cadette.
Devenu ministre de l'Intérieur, en juin 2018 il n'a pas souvent mis les pied au ministère, préférant enchaîner les déplacements et meetings, en perpétuelle campagne.
Partout, il insiste sur son intransigeance face aux migrants, même si les flux avaient déjà drastiquement baissé avant lui et même si sa politique des "ports fermés" n'a pas empêché des centaines d'arrivées chaque mois.
Parmi ses promesses tenues, il a supprimé les permis de séjour humanitaires, élargi la notion de légitime défense, renforcé les services de police, durci les conditions d'entrée dans les eaux territoriales pour limiter la marge de manoeuvre des ONG qui viennent en aide aux migrants.
En revanche, la stagnation économique a hypothéqué ses promesses de baisses spectaculaires d'impôts et une enquête est en cours sur des soupçons de financement de son parti par la Russie.


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