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Selon ladite note, il s’agira de consacrer la dimension climatique dans les différentes politiques publiques, tout en ajoutant que des mesures incitatives à caractère environnemental sont prévues. Tel est le cas de la promotion des instruments financiers verts, en concertation avec Bank Al-Maghrib et les institutions financières compétentes en la matière.
Absence et décalage
Comment peut-on expliquer cet intérêt au problème du changement climatique ? « Il faut différencier entre deux niveaux en analysant le dossier de lutte contre le changement climatique au Maroc. Il y a l’échelle internationale où l’Etat marocain est actif et présent dans tous les forums et meetings concernant la question climat. Et il y a le niveau national où le gouvernement a du mal à suivre et à s’approprier les ambitions et les engagements de l’Etat au niveau international. Autrement dit, il y a un véritable décalage, sur le plan national, entre les ambitions annoncées et/ou affichées par l’Etat et les politiques publiques nationales déployées sur le plan interne.
Ce décalage porte particulièrement sur l’appropriation du récit climatique marocain et la gestion institutionnelle du dossier du réchauffement climatique», nous a expliqué Driss Serhan, chercheur en politiques publiques. Et de préciser : « La non-intégration des exigences du changement climatique dans les politiques publiques a toujours été l’une des défaillances qui ont été observées et soulignées par plusieurs études et rapports.
Rappelons, à ce propos, le rapport du CESE qui a constaté en 2015, concernant l’analyse des stratégies sectorielles au regard de leur prise en compte de l’évolution du risque climatique et des vulnérabilités climatiques des territoires, que malgré les avancées réalisées par quelques secteurs, il manque une démarche structurelle globale pour, d’une part, intégrer le risque climatique en amont de la conception et la planification à moyen et long termes des stratégies sectorielles et, d’autre part, réviser d’une manière dynamique les orientations des politiques sectorielles en fonction de l’évolution des vulnérabilités climatiques des territoires».
Notre interlocuteur soutient que ce décalage est également observé à l’échelle locale. « Une analyse fine des mesures, des actions et des activités annoncées par certaines régions dans le cadre du « Plan territorial de lutte contre le réchauffement climatique», fait apparaître que la transposition de la problématique du changement climatique dans l’action locale n’a pas débouché sur la mise en place de nouvelles actions ou mesures, mais elle a plutôt permis l’assemblage et le renforcement des actions préexistantes qui ont été isolées, marginalisées et oubliées en leur donnant une nouvelle légitimité », a-t-il constaté.
Notre source cite le Plan Maroc Vert (PMV) comme exemple de cette incapacité des secteurs à intégrer les enjeux liés à la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi si le PMV est érigé comme un levier du développement durable destiné à adopter les mesures d'intervention adaptatives les plus efficaces et les plus économiques et censé accorder une attention particulière à la sauvegarde des ressources naturelles pour une agriculture durable, sa mise en œuvre a révélé un programme « techniciste », « productiviste » et indifférent concernant la spécificité du secteur agricole ainsi que vis-à-vis des expériences internationales, notamment européennes où ce type de modèle a eu de fâcheuses conséquences, comme l’appauvrissement des sols, l’épuisement des ressources naturelles, l’émission des GES, etc.
En effet, le PMV ne prend pas en considération les conséquences écologiques du développement «agressif» de la production. A tel point que dans certaines régions, les décideurs n’ont pas jugé utile d’examiner la compatibilité de certains objectifs de production avec les disponibilités en ressources naturelles locales.
C’est notamment le cas de certaines filières fortement consommatrices d’eau dans des régions qui en manquent de plus en plus. D’autant plus qu’il s’agit en grande partie de filières essentiellement dirigées vers l’export (filières agrumicoles, oléicoles, maraîchères et fruitières), fortement utilisatrices d’intrants dommageables pour l’équilibre du milieu, gaspilleuses d’une ressource rare qui est l’eau ».
En suspens
Driss Serhan se demande comment le gouvernement compte consacrer la dimension climatique dans les différentes politiques publiques, sans que ses interventions n’aient des répercussions sur l’équilibre budgétaire, sur les inégalités, sur l’investissement ou sur la productivité et la croissance.
Sachant que certaines mesures d’atténuation des émissions de carbone ou d’adaptation ont un coût excessivement cher. « Plusieurs interrogations demeurent également en suspens sur cette volonté gouvernementale de consacrer la dimension changement climatique dans les politiques publiques nationales concernant les secteurs prioritaires et l’arbitrage entre ces derniers.
En effet, et jusqu’à aujourd’hui, seuls les secteurs des énergies renouvelables, de l’eau et de l’agriculture accaparent la totalité des crédits budgétaires destinés à lutter contre les effets néfastes du changement climatique».
Driss Serhan estime que le véritable enjeu est ailleurs. Il s’agit, selon lui, de l’absence des choix de société décisifs concernant les modes de production et de consommation.
« Si le Maroc a effectué des avancées notables dans le dossier climat, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas modifié drastiquement certaines façons de faire sur le plan économique et social. En effet, ses engagements sur le plan de la lutte contre les effets néfastes du changement climatique n’ont entamé en rien ses orientations économiques.
Si le Maroc a opté au lendemain de l’indépendance en faveur d’une économie de marché et d’une adhésion à la théorie de la croissance exogène, orientée vers l’exportation et permettant de s’intégrer à l’économie mondiale, cette orientation demeure intacte. En effet, ces deux choix continuent de conditionner toutes les politiques publiques marocaines », a-t-il conclu.
Hassan Bentaleb