Quand le sensationnel prend le dessus sur l’essentiel

Une citoyenne s’immole par le feu : L’Etat se mure dans un silence assourdissant


Hassan Bentaleb
Mercredi 20 Avril 2016

L’Etat communique  peu ou pas du tout. Notamment en ce qui concerne les affaires qui secouent l’opinion publique nationale. Le cas de l’immolation par le feu d'une vendeuse ambulante à Kénitra en atteste largement.  En effet, nombreux sont ceux qui se demandent si les services des ministères de la Justice et de l’Intérieur ont ouvert ou non une enquête sur les circonstances ayant conduit la défunte à commettre un tel acte et sur l’implication présumée des autorités locales dans une telle tragédie. Des marchands ambulants ont même manifesté avant-hier à Kénitra pour réclamer l'ouverture d’une enquête, selon une dépêche de l’AFP.
« L’information manque énormément concernant ce sujet et  il y a un emballement médiatique qui rend difficile de faire le tri entre le vrai  et le faux », nous a indiqué Allal El Basroui, avocat au Barreau de Khouribga. Et de poursuivre : « Les médias parlent de retard, voire d’absence d’une enquête mais cela n’a rien de logique puisque dans chaque cas, il y a des  enquêtes administratives qui ont été diligentées avec célérité via des rapports expliquant le pourquoi et le comment des incidents. Ceci d’autant plus qu’une enquête se fait par étapes et l’audition des témoins ou des parties concernées n’est qu’une partie de celles-ci ».
Mais pourquoi n’y a-t-il pas encore eu d’enquête judicaire ? « Pour que le Parquet puisse diligenter une enquête, il doit y avoir des éléments pénaux permettant l’ouverture d’un tel dossier. Les rouages de la justice ne se mettent en branle que s’il y a crime ou préjudice à caractère pénal », nous a expliqué notre source. Et de préciser : « Il pourrait y avoir eu une enquête interne au niveau du Parquet dans sa relation avec le ministère de la Justice mais il s’agit là d’un rapport administratif tenu secret ».  
Mais Maître Allal El Basraoui estime que ce dossier risque d’être long et compliqué puisque la femme s’est immolée de son plein gré par le feu et la responsabilité directe du caïd accusé d’avoir saisi la marchandise de cette femme étalée sans autorisation sur le domaine public reste difficile à prouver.  « L’absence d’information empêche de voir clair et pousse nos concitoyens à des prises de positions parfois injustifiées. Ce fut le cas concernant l’agression de Dounia Boutazout  qui a poussé plusieurs personnes à prendre  position contre l’actrice sans pour autant connaître les vraies circonstances qui ont sous-tendu  cette affaire ».   
Une absence d’information qui a incité plusieurs associations de défense des droits de l’Homme à  ne pas prendre position. En effet, elles attendent les résultats de l’enquête du ministère de l’Intérieur pour se faire une idée de l’affaire avant de réagir. « Beaucoup d’associations sont opposée à toute immolation par le feu, car cet acte désespéré  porte atteinte à un droit sacré, à savoir le droit à la vie. C’est pourquoi, il y a eu une certaine  réticence à s’engager à propos de ce dossier mais cela n’empêche pas le fait que ces associations sont conscientes des causes qui ont induit une telle tragédie », nous a déclaré un militant des droit de l’Homme sous le seau de l’anonymat.   D’après lui, la récente profusion des cas d’immolation par le feu traduisent le doute et  le manque de confiance dans le système judiciaire national.
Notre source estime que s’il y a quelqu’un qui aurait du être immédiatement traduit devant  la justice pour non-assistance à personne en danger, c’est la personne qui a enregistré la vidéo de l’immolation et celles qui ont assisté à la scène sans bouger le petit doigt.  En fait, l'article 431 du Code pénal stipule que : « Toute abstention volontaire de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui, ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours, est puni de l'emprisonnement de trois à cinq ans ». « Aujourd’hui, faire le buzz sur le net semble plus important que le droit à la vie et le vrai débat doit commencer par poser la vraies questions sur les vrais coupables », a conclu notre source.


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