“Delhi in a day” (Delhi en un jour), réalisé par Prashant Nair, raconte l’arrivée d’un touriste britannique dans une famille riche de la capitale et sa découverte ahurie du quotidien des domestiques, bien loin de ses rêves de vivre un séjour spirituel au pays de Gandhi.
Dans un scénario rappelant la vie de millions de familles de la nouvelle classe moyenne dans l’Inde urbaine, les patrons se moquent, houspillent et maltraitent les employés à leur service pour cuisiner, laver, repasser, conduire et effectuer mille tâches ingrates pour un salaire de misère.
Le réalisateur a voulu utiliser certains ressorts de la comédie, dit-il dans un entretien à l’AFP, pour illustrer les réalités de la vie moderne dans un pays qui a connu de nombreux bouleversements en 20 ans de croissance économique.
“Les riches emploient des gens à qui ils demandent de tout faire”, résume Prashant Nair, 34 ans. “Ils s’arrogent le droit de les insulter, de les utiliser comme bon leur semble et même de les accuser de vol, parce que les domestiques sont toujours les premiers suspects”.
“J’ai voulu montrer comment le seul but des domestiques est d’apaiser leurs maîtres, parce qu’ils vivent dans un constant climat d’insécurité, avec la peur d’être renvoyés pour la moindre erreur”, explique-t-il.
Selon le réalisateur, l’écart entre patrons et employés de maison s’est creusé dans un contexte d’éclatement des liens traditionnels dû à la migration massive d’une population rurale défavorisée à la recherche d’un emploi dans les grandes villes.
Le personnel de maison est souvent très jeune et issu des Etats les plus pauvres de l’Inde, comme le Bihar et l’Uttar Pradesh. Leurs salaires mensuels ne dépassent parfois pas les 1.200 roupies (15 euros), quand ils sont logés chez leurs employeurs - souvent une minuscule pièce sommairement meublée.
A la tête du syndicat des employés de maison de New Delhi, le Delhi Shramik Sangathan, Ramendra Kumar espère que ce film, diffusé dans 65 cinémas depuis vendredi, donnera de l’élan à une campagne pour une meilleure protection juridique des domestiques.
“Un ouvrier d’usine peut saisir la justice pour demander une pension ou d’autres bénéfices à son employeur, mais un domestique ne peut rien revendiquer”,
dénonce-t-il.
“Il n’y a aucune législation en vigueur pour définir leurs droits. Il n’y a pas une seule loi pour les protéger. Ils vivent à la merci de leurs maîtres et nombre d’entre eux en profitent pour les exploiter”, dit-il.
Depuis 2010, son syndicat a enregistré plus de 400 plaintes de domestiques disant avoir été battus ou maltraités après avoir cuisiné trop de légumes, oublié de laver la vaisselle ou avoir dormi trop longtemps.
En avril dernier, la presse nationale avait fait ses gros titres d’un fait divers relatant l’arrestation d’un couple de médecins accusé d’avoir enfermé chez eux leur domestique de 13 ans pendant leurs vacances en Thaïlande.
Selon le réalisateur, de telles histoires existent à l’infini en Inde et de nombreuses familles vivent dans une opulence qui repose sur l’exploitation du personnel de maison.
“En société et dans les soirées à New Delhi, les riches essaient d’être polis et de faire preuve de bienséance mais lorsqu’ils sont chez eux, leur ton n’est plus le même”, accuse-t-il.