Quand la mauvaise administration des résidents à l’étranger s’avère une cause d’insécurité


Asmaa Souissi *
Lundi 24 Février 2014

Quand la mauvaise administration des résidents à l’étranger s’avère une cause d’insécurité
Dimanche 16 février 2014, deux policiers tunisiens ont été assassinés par des inconnus, appartenant à des groupes islamistes extrémistes. Alors que la Tunisie entendait enterrer la hache de guerre entre clans diamétralement opposés, ces deux meurtres politiques et terroristes rappellent à l’ordre la classe politique tunisienne. L’heure est à la mobilisation contre le HCTE...
Si dans l’assassinat de chaque brave martyr, il n’y a qu’une main qui a commis l’acte abject, celle de Gathgathi dans le cas de Chokri ; au-delà, beaucoup d’autres mains sont complices. Outre les commanditaires directement responsables de tout geste lâche commis contre les martyrs, leurs familles et la nation toute entière, d’autres complices ont une responsabilité indirecte. Certains, pour avoir joué à la désinformation tels tous ces politiques qui ont tu la vérité pendant une année, et qui essaient depuis quelques jours de duper le peuple pour lui faire avaler la pilule de la mort de l’assassin, comme par hasard au lancement des commémorations du premier anniversaire de l’assassinat. 
D’autres sont complices par leurs attitudes visant à semer le discrédit sur les thèses avancées par l’un ou l’autre martyr, allant jusqu’à flirter ouvertement avec la tête du mal. Que de fois n’a-t-on entendu Chokri citer la main sioniste et les services de renseignements derrière la déstabilisation du pays et la prolifération du terrorisme ! Faute de n’avoir eu d’alliés à son courage qu’une poignée de compatriotes subissant ce qui pourrait être aisément qualifié de « ghetto intellectuel », Chokri s’est exposé au pire, sans bénéficier de la part de la majorité d’une élite stérile ne fût ce que d’une solidarité morale. Alors qu’il s’échinait à expliquer que la main du sionisme et des renseignements étrangers se cachait derrière le complot ciblant la Tunisie, d’autres qui veulent à tout prix s’imposer en monopole de patriotisme, se plaisaient à flirter avec les auteurs et les complices du mal, poignardant de sang-froid les thèses du martyr, lui attribuant d’avoir «pété les plombs», ainsi qu’à tout Tunisien ayant réussi à décrypter le mal et à le dénoncer sans réserve.
Honorer les martyrs, c’est d’abord agir pour faire éclater la vérité, mais c’est aussi poursuivre leur lutte pour que leurs sacrifices ne soient pas vains. C’est notamment à travers la proposition de mécanismes correcteurs que se poursuit la lutte, de sorte à endiguer les facteurs dont la conjugaison a fait qu’au matin du 6 février 2013, il y avait en Tunisie deux catégories de Tunisiens aux énergies diamétralement opposées : la catégorie investie jusqu’à la mort pour le bien du pays et du peuple, d’un côté, et la catégorie de malades habités par le satanisme, prêts à démolir l’Homme, et le sens de l’humain, tant ces malades sont aveuglés par l’internationale du crime qui leur a injecté rage du pouvoir et d’accumulation de la richesse via un virus importé. 
Cette importation n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte de contacts ouvrant la porte à l’endoctrinement atteignant dans les cas extrêmes lavage et formatage des cerveaux  subis par beaucoup de Tunisiens vivant à l’étranger, suite à leur passage par des circonstances en ayant fait des êtres vulnérables, donc proies faciles aux prédateurs. 
 
Quel rôle pour le HCTE ? 
 
Cet article est justement relatif à la mise sur pied d’un Haut conseil de Tunisiens à l’étranger (HCTE), dont la mission sera entre autres, de prévenir la vulnérabilité, d’y pallier à temps en vue d’éviter que le désespoir continue à transformer des Tunisiens en machines à tuer, prêts à descendre de sang-froid leurs compatriotes, déversant sur eux une haine à laquelle ils sont étrangers, guidés par le souci aveugle d’obéir à un maître dont ils ont fait un dieu.
Dans son article publié récemment sur les colonnes d’«Espace Manger » sous le titre «Haut conseil des Tunisiens à l’étranger”... des erreurs de conception », Samia Zayani, membre du Forum des sciences sociales appliquées-section Europe, présente les faiblesses de conception de l’organe en gestation et l’inadéquation de sa structure proposée avec les objectifs annoncés. Elle pointe par ailleurs le flou qui risquerait de vider l’instance de sa substance, en la subordonnant aux politiques, aux partis et à quelques associations partisanes.
Conviée par des résidents à l’étranger à débattre de la création du Haut conseil des Tunisiens à l’étranger, l’auteur de l’article susmentionné, ambitionne de contribuer à terme à la création de passerelles entre OSC œuvrant à l’étranger et ceux en Tunisie, dans l’objectif de renforcer la contribution des résidents à l’étranger à l’effort de développement de la Tunisie. 
Il y a lieu de souligner, dans ce cadre, certaines corrections majeures à apporter à la version proposée du projet en cours de débat par le gouvernement. Tout débat sur cette question ne peut faire fi des douloureux événements que traverse le pays, mais aussi la part de responsabilité des insuffisances d’encadrement de la population à risque, notamment celle résidente à l’étranger. L’insécurité qui règne en Tunisie depuis trois ans, reste en partie l’œuvre de certaines bandes résidant à l’étranger.
La Tunisie est aujourd’hui dans des relations si déséquilibrées avec les pays du Nord, que l’effort à fournir pour renverser la vapeur doit être à la fois interne et externe, tant au niveau du pouvoir qu’au niveau du contre-pouvoir, lesquels sont des piliers distincts et complémentaires de toute démocratie se voulant durable. Ce n’est qu’à ce titre que l’on pourra évoluer progressivement vers des relations plus équilibrées, sans lesquelles il est difficile d’instaurer une démocratie et de faire valoir ses pleins droits à l’étranger. Aujourd’hui, une part de la difficulté d’instaurer la démocratie découle d’une dissymétrie des relations Tunisie-Occident. La non-réciprocité place nos dirigeants dans une subordination répercutée tout au long de la hiérarchie sociale tunisienne, avec la double conséquence suivante :
- Les droits du Tunisien vivant à l’étranger sont bafoués tant par les dirigeants du pays d’accueil que par nos représentations diplomatiques ;
- Se sentant de facto avoir tous les droits dans notre pays, l’Occidental va jusqu’à s’octroyer la légitimité de se prononcer sur des questions touchant aux affaires internes de notre pays, influençant les prises de décision politique.
Les tristes événements que vit le pays depuis quelques semaines, sont en partie la conséquence d’un déséquilibre depuis l’ère coloniale, qui a produit, au-delà des exclus du pays, parmi les résidents tunisiens à l’étranger des laissés-pour-compte. Stigmatisation, puis exclusion et enfin marginalisation ont poussé et poussent toujours au désespoir, au point de devenir des proies faciles du terrorisme, dont l’extrémisme qui guette l’occasion pour convertir progressivement un maximum de jeunes en criminels prêts à terroriser et assassiner dès qu’ils sont sollicités par le maître. 
 
*Militante féminine tunisienne


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