Quand l’émission “Hiwar” se trompe de profil et d’adresse


M’Hamed Hamrouch
Mercredi 28 Juillet 2010

Hafid Boutaleb Joutei, invité de la première chaîne

L’idée de départ est excellente. L’Université marocaine comme objet de débat sur le plateau de l’émission « Hiwar » ? On ne remerciera jamais assez la première chaîne nationale d’avoir pensé à ce haut lieu de savoir et de nous avoir changé de ces ennuyeux et néanmoins inénarrables débats politiciens auxquels on a eu jusqu’ici droit. Dire que l’on ne pouvait rater le rendez-vous sous aucun prétexte, d’autant moins que l’invité est un gros calibre rodé et érodé pour tant d’années de militantisme en faveur de l’Université marocaine. Président de l’Université Mohammed V Rabat-Agdal, ancien président du Syndicat national de l’enseignement supérieur SNE-Sup, l’un des artisans les plus en vue du projet de réforme de l’Université marocaine, sans oublier sa précieuse contribution à l’élaboration du célèbre Rapport sur le cinquantenaire du Royaume post-Indépendance. L’animateur de « Hiwar » tenait là une occasion en or pour niveler le débat de son émission vers le haut, agiter des idées, intéresser et restituer cet espoir que le débat, le vrai, est encore possible par les temps qui courent. Or, il ne s’est rien passé. Rien, peut-être non. Mais pas là où vous pensez. En effet, dans cette fameuse boîte à idées. Ce qui est sûr, c’est que Mustapha Alaoui, puisque c’est de lui qu’il s’agit, semblait se tromper d’époque et, plus grave encore, de profil. Il est vrai que Hafed Boutaleb Joutei est un homme de gauche convaincu, plus précisément socialiste, mais cela devrait-il pousser l’animateur à en faire une fixation et, plus encore, y trouver le prétexte d’accuser le parti auquel appartient l’invité, l’USFP, de tous les maux inimaginables qui devraient affecter l’Université marocaine ? Il paraît que Mustapha Alaoui ou bien aime trop les partis politiques, ou les déteste trop. Alors trop, mais trop, c’est trop. Inviter un président d’université, cela devait supposer que le débat tourne logiquement autour de cette université. Or, il semble que l’université n’était qu’un prétexte à Mustapha Alaoui pour renouer avec son sujet dada : les partis politiques. Sinon, comment expliquer que la première question à avoir été posée à l’universitaire Boutaleb porte sur le dernier congrès du MUR (Mouvement unicité et réforme) et le lien, supposé ou réel, de ce mouvement islamiste radical avec le Parti justice et développement (PJD) ? D’entrée, le débat part, quand ce n’est pas dans tous les sens, du moins sur une fausse piste. Car, comment expliquer que M. Boutaleb invité en tant que président d’université et supposé nous édifier donc sur les problèmes, ou les coups d’éclat de l’université, soit interpellé sur le rapport entre le MUR et le PJD ? Comment comprendre encore que la simple appartenance de M. Boutaleb à un parti politique national soit instrumentalisée et serve de prétexte pour accabler et M. Boutaleb et l’USFP de cette responsabilité (fictive) de la crise, réelle ou imaginaire, de l’Université marocaine ? Jusqu’où alors pourrait-on encore pousser le ridicule ? « C’est l’arbitraire », s’empresse de lancer M. Boutaleb, en appelant à recentrer le débat sur le sujet pour lequel il a fait le déplacement ce soir, soit l’Université marocaine, le bilan et la réforme de l’enseignement, la recherche scientifique, le budget de l’enseignement … Tout cela, il n’a pas été entendu de la même oreille par un Mustapha Alaoui plus intéressé par la provocation que par le souci de la confrontation d’idées, de connaissances et de propositions susceptibles d’aider l’Université marocaine, et plus globalement la question de l’enseignement au Maroc, à se surpasser, à avancer, et contribuer à apporter sa pierre, grande ou petite, à l’édifice d’une société de savoir, épanouie et éclairée. De tout cela, l’animateur n’en a eu cure. Ce dernier a dangereusement dévié de sa mission de journaliste qui, rappelons-le, n’est pas et ne peut en aucun se substituer au rôle du justicier, distribuant à tout vent des jugements sans appels. « Des certificats de bonne conduite », comme le lui a si bien rappelé Hafed Boutaleb Joutei. « Nous devons faire preuve de modestie », a martelé ce dernier. « De quel droit et du haut de quelle irresponsabilité pourrais-je statuer sur la légitimité ou l’illégalité de telle ou telle ONG, fût-elle islamiste ? », s’est-il demandé. Quand à cela, il faudrait ajouter que le débat, le vrai, a fait place à « l’interrogatoire », on imagine facilement comment et pourquoi son émission s’est transformée en véritable « tribunal ». Pour la réforme universitaire, l’avenir de la recherche scientifique et du savoir, repassez probablement pour la prochaine rentrée. Bonne rentrée, quand même.


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