Public Enemies de Michael Mann

Dillinger, le truand moderne


Mohammed Bakrim
Lundi 20 Juillet 2009

Il n’y a pas mieux qu'un Michael Mann pour rehausser la programmation cinéma de l'été. En effet, les films de Michael Mann sont l'illustration d'une heureuse variante de l'application de l'équation entre exigence artistique et attente du spectateur. Il est venu de la télévision où il faisait office déjà d'un véritable "auteur" en signant le scénario de l'une des séries cultes du petit écran Starsky et Hutch. Il commence sa carrière au cinéma avec Le solitaire au début des années 80. Mais ce sont les années 90 qui vont le voir devenir un des cinéastes les plus brillants des Etats-Unis; je cite notamment Heat où il met en scène un duel au sommet resté dans les annales, confrontation au sommet entre Robert de Niro et Al Pacino. Un moment inoubliable de cinéma avec la séquence mythique de l'attaque de la banque qui débouche sur de véritables scènes de guérilla urbaine ; un climax de choix quand les deux protagonistes se retrouvent dans une poursuite nocturne à l'aéroport. Des indicateurs qui font office de valeurs esthétiques récurrentes chez Mann: un cinéaste de l'image (versus des cinéastes de la scène), urbain et nocturne. Le tout au service d'une dramaturgie centrée sur un héros solitaire, marginal et moderne. Dans Public enemies, il s'attaque à une figure historique du gangstérisme américain, Dilinger. Ce n'est pas une énième variante d'une biopic (Mann en a signé une Ali, biographie du célèbre boxeur) mais une approche distanciée d'un genre hollywoodien par excellence, le film de gangster. Les cinéphiles retrouvent avec plaisir la touche Mann, véritable virtuose du cinéma numérique, on se souvient des images époustouflantes aussi bien Collateral ou Deux flics à Miami. On se régale ici avec un style réaliste et épique. Une esthétique qui puise dans les acquis du numérique pour forger une image belle et expressive. Avec Mann, on parle d'abord d'un beau film. Ensuite, il y a, bien sûr, le drame construit au tour d'un héros tragique constamment confronté à des choix radicaux; dépendant d'une décision fatale. Ce sont des héros romantiques portés par un désir d'absolu. Dillinger, incarné par un Johnny Depp plus que convaincant, nous est présenté bien sûr comme un truand implacable, mais aussi comme un type humain produit d'une époque et d'un contexte politique. Le récit est centré sur l'homme, amené par les circonstances à se transformer en ennemi public numéro un. Il met en place un groupe soudé, adopte des méthodes et un style de comportement qui en font une figure moderne de la mythologie américaine, cette nation constamment confrontée à ses démons. Le pays sort à peine de la grande dépression (le film aborde une séquence historique qui démarre en 1933) quand la machine policière, judiciaire et médiatique se mobilise autour de l'évasion de Dillinger. Le film pointe du doigt d'une manière intelligente, allusive, discrète, les collisions, les manipulations et les connivences entre ses pouvoirs constitutifs d'une certaine modernité. Il met en avant aussi les méthodes extrêmes mises en place par la police, acculée par les politiques et les médias à obtenir rapidement des résultats, dans ce qui pourrait bien passer pour un clin d'œil à certaines méthodes en vigueur au niveau de la politique américaine des dernières années. En somme, du très bon cinéma.


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