Programme national d’assainissement : La nouvelle donne


Hassan Bentaleb
Jeudi 10 Février 2011

Programme national d’assainissement : La nouvelle donne
Un total de 79 stations de traitement des eaux usées seront réalisées à l'horizon 2012 pour un investissement global de plus 15 milliards de dirhams, a annoncé mardi à Rabat, le Premier ministre, Abbas El Fassi.
Dans le cadre de l'accélération du rythme de réalisation du programme national d'assainissement liquide et d'épuration des eaux usées, et afin de promouvoir la politique environnementale, combler le déficit en matière d'infrastructures et faire face à toute forme de pollution, il a été procédé au renforcement du raccordement au réseau d'assainissement liquide à hauteur de 72%, a ajouté M. El Fassi, lors de l'ouverture des travaux de la 7ème  session du Conseil national de l'environnement.
Il a également indiqué que, dans le cadre de ce programme, 42 stations de traitement des eaux usées ont été réalisées.
Mais qu’en est-t-il réellement de Programme national d’assainissement (PNA) cinq ans après son application? « Il avance dans des bonnes conditions », ont rassuré certaines sources.  Près de 8.5 milliards de DH ont été engagés et les travaux ont été achevés dans plus  de 50 communes et sont en cours dans une quarantaine d’autres. Le taux des eaux traitées dépasse aujourd’hui les 20% contre 7% en 2005.
Au total, 42 stations de traitement des eaux usées ont été réalisées et près de 77 communes gèrent actuellement d’une manière professionnelle le secteur de l’assainissement. Et d’ici 2012, 79 stations de traitement des eaux usées seront réalisées pour un investissement global de plus 15 milliards de DH.
Pourtant, le Maroc accuse un grand retard en matière de traitement des eaux usées. Et ces dernières continuent de constituer une source majeure de pollution  des eaux côtières, de surface et souterraines.
Ces pollutions présentent des risques sanitaires graves et engendrent des coûts considérables pour l’amélioration des ressources en eau.
Au Maroc, les volumes d’eaux usées rejetés sont estimés à 666 Mm3 en 2010 et atteindraient 900 Mm3 à l’horizon 2020.  10 grandes villes rejettent près de 67% contre 33% en provenance de 305 villes moyennes et petits centres urbains.
La plupart de ces eaux usées sont déversées dans le milieu naturel sans traitement dont 8% seulement sont épurées.  L’Atlantique reçoit à lui seul 356 Mm3/an, soit 54 %. La Méditerranée recueille 29 Mm3/ an (4.5%) et  le reste soit l’équivalent de 659 Mm3 (41.5%) est versé dans les rivières et oueds.
Cette augmentation des eaux usées est due, selon les experts, à la croissance de la population urbaine (4,4 à 5 %/an) et  à l’élargissement des branchements aux réseaux d’eau potable (53% en 1972 à 86% en 2004) ainsi qu’à l’augmentation de la consommation individuelle en eau potable (85 L/capita/J  en 1972 à 116 L/capita/J en 1992) et à l’allongement des connexions au réseau d’assainissement (73% en 2006).
Ces dernières années, l’accroissement de la demande en eau pour la consommation humaine, industrielle, agricole et les sécheresses répétées qui sévissent au Maroc ont sensibilisé les décideurs à considérer les eaux usées comme une ressource hydrique appréciable, d’où la nécessité de réfléchir à un programme national d’épuration des eaux usées.
Lancé en 2005, avec un coût d’investissement qui s’élève à 43 milliards de DH et ciblant près de  260 villes et centres urbains de plus de 10 millions habitants, le PNA avait pour ambition de raccorder 80% de la population urbaine au réseau collectif d’assainissement et de réduire d’au moins 60% la pollution des eaux usées avant leur rejet en milieu naturel.
La première tranche de ce programme a porté sur la période 2006-2008 et  elle a ambitionné de couvrir 130 villes et centres urbains comptant une population de 6,7 millions habitants.
Cependant, si plusieurs stations d’épuration ont été construites, rares sont celles qui sont encore fonctionnelles en raison de problèmes de suivi, d’entretien ou d’inadaptation de la filière de traitement.
En effet, la construction des stations de traitement des eaux usées a débuté au Maroc depuis les années cinquante. Une soixantaine de STEP ont vu le jour.  Mais depuis 1994, la grande majorité d’entre elles ont été soit hors service ou non raccordées au réseau pour des raisons diverses.
Une étude réalisée conjointement entre la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et l'Office national de l’eau potable (ONEP) en 1993 a pu inventorier 63 stations dont seulement 26 ont été en état de marche, parmi lesquelles dix sont gérées par les collectivités locales. Pour le reste, elles ont été soit hors service ou  non connectées.
La mission conjointe entre la DGCL et l'ONEP a montré également que ces STEP souffrent de l’inadaptation de la filière de traitement aux conditions locales, de défaut de conception des ouvrages, de manque d'entretien, de problèmes de gestion (absence de budget, de cadres techniques compétents) et d’absence de planification à court et long termes.
Aujourd’hui, la capacité totale des STEP fonctionnelles et celles projetées est de 203 Mm3/an et seulement 30 % des eaux usées qui seront produites en 2010 (estimées à 660 Mm3), seront traitées.
Pour sa part, Omar Sobhi, professeur à la Faculté des sciences d’Abou Chouaib Doukkali à El Jadida, estime que les chiffres avancés par les pouvoirs publics incitent à la prudence du fait de la difficulté de les vérifier. Il croit que depuis 2005, le Maroc a pu réaliser au total 30 STEP.
M. Sobhi a indiqué que le vrai problème du Royaume ne réside pas dans la construction de nouvelles stations d’épuration, mais dans le coût d’investissement et de fonctionnement qu’engendre ce genre de stations car les techniques utilisées sont dans leur majorité importées de l’étranger et les moyens financiers des collectivités locales sont limités. « On est face à des procédés importés qui coûtent énormément sans oublier les coûts des bureaux d’études qui sont dans leur majorité des bureaux étrangers. La seule rescousse reste l’Etat, mais lui aussi a des moyens limités », a-t-il précisé.
M. Sobhi cité l’exemple de la STEP de Marrakech qui a coûté près de 1,3 million de DH   mais avec une capacité de traitement très limitée. Aujourd’hui, elle a atteint  95% de sa capacité et sera incapable prochainement de  traiter l’ensemble des eaux usées de la ville.
Notre source précise qu’il y a aussi le problème du cadre législatif relatif à la création des STEP, qui existe mais qui ne fonctionne pas faute de décrets d’application. « L’exemple du principe pollueur-payeur est non applicable du fait de l’absence de ce cadre législatif », note-t-il.
La multiplication des intervenants a été aussi pointée du doigt. Le manque de coordination entre eux fragilise le secteur.
En effet, il existe plusieurs ministères directement ou indirectement impliqués dans la planification, la gestion et le suivi de l’eau et des eaux usées, ainsi que dans des activités de contrôle de la pollution.
Ainsi, il y a le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement chargé du lancement, de la promotion et de la coordination de la protection des ressources en eau, la réduction de la pollution et l’application de la législation. Il est également responsable des études d’évaluation de l’impact environnemental et de la sensibilisation du public. Il y a aussi le ministère de l’Equipement qui est responsable de la planification et de la gestion des projets et de la mise en œuvre de l’allocation des ressources.
L’Office national de l’eau potable (ONEP), à travers la DG Environnement pour la mise au point de l’Initiative de dépollution de la Méditerranée «Horizon 2020» est en charge de la protection et du suivi des eaux ainsi que de l’application de la législation. En 2000, l’ONEP s’est vu octroyer une responsabilité supplémentaire en ce qui concerne les eaux usées : celle-ci l’engage à collecter, traiter et réutiliser les eaux usées, en cas de demande émanant des municipalités.
Le ministère de la Santé est essentiellement responsable de la qualité de l’eau potable, mais il joue aussi un rôle important dans l’élaboration des normes et des lois. Le rôle du ministère de l’Intérieur en matière d’environnement est général. Il agit à travers la Direction générale des collectivités locales, qui est responsable des ressources en eau potable et de l’évacuation des eaux usées dans les communautés.
Les Agences de bassins sont en charge de l’évaluation, de la planification et de la gestion des ressources en eau au sein d’un bassin hydrographique. Elles sont responsables de l'élaboration de plans de gestion intégrée de l'eau et de la supervision de leur mise en œuvre. Elles sont également compétentes en matière de suivi de qualité de l’eau et de mise en application de lois liées à la protection des ressources en eau.
Notre interlocuteur pense que la solution pour résoudre la problématique des STEP au Maroc réside dans la création de petites stations avec des moyens simples et des techniques qui prennent en compte le contexte et les possibilités financières de chaque ville. Il pense également à une implication forte du secteur privé qui doit investir davantage mais qui reste, selon lui, peu convaincu de l’utilité de ce genre de projets et de leur rentabilité.
«Le secteur privé peut profiter de la réutilisation des eaux usées. Il faut un peu de volontarisme et de courage. Pourtant, les exemples de réussite sont là. Prenez le cas de la ville ocre où des professionnels du tourisme ont profité du traitement des eaux usées pour l’arrosage des terrains de golf », a-t-il déclaré.
Néanmoins, il estime que le vrai problème concerne le monde rural où la gestion des eaux usées et des ordures est catastrophique en l’absence de politiques de gestion élaborées dans ce sens et du manque de moyens financiers.
« Le pari, c’est la formation de cadres marocains dans ce secteur  afin de trouver  une solution à la question du recours aux  cadres et bureaux d’études étrangers», a-t-il conclu.

La responsabilité des collectivités locales


La loi n° 78-00 portant charte communale laisse au conseil communal le soin de décider (art 39) de la création ou de la gestion des services publics communaux, notamment dans le domaine de l’assainissement liquide et la collecte, le transport, la mise en décharge publique et le traitement des ordures ménagères et des déchets assimilés. Les modes de gestion pouvant être envisagés sont les régies directes, la régie autonome, la concession ou toute autre forme de gestion déléguée des services publics. Ces charges sont stipulées par le dahir pourtant loi n° 1-76-584 du 30 novembre 1976 relatif à l’organisation financière des communes, qui rend obligatoire pour les communes : les dépenses d’entretien de la voirie communale et de tous les ouvrages d’édilité publique, tels que les égouts, canalisations, réservoirs d’eau,… les dépenses nécessaires pour assurer la salubrité et l’hygiène de la commune, en particulier la lutte contre le paludisme et les maladies épidémiques.
En matière d’assainissement, tant liquide que solide, le schéma directeur d’aménagement urbain, au respect des options et des prescriptions duquel tant le conseil communal que son président sont appelés à veiller (art 38 et 50 de la charte communale), doit définir les principes devant guider l’assainissement ainsi que les lieux de rejets des eaux usées, les endroits devant servir de décharges publiques ainsi que les zones grevées de servitudes de protection des ressources en eau (art 4, 3 et art 5 de la loi n° 12-90 relative à l’urbanisme, promulguée par le Dahir n° 1-92-31 du 17 juin 1992).


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