Pour une culture accessible et des médias transparents


Réalisé par le think-thank français *
Mercredi 19 Septembre 2012

Pour une culture accessible et des médias transparents
Cent jours après l’élection de François Hollande,
le think-tank «Cartes sur table» diffusait cent
propositions.
Le débat citoyen qui a suivi a permis de détailler et d’enrichir celles qui ont le plus retenu l’attention.
La Fondation
Jean-Jaurès, haut lieu de la rénovation de la pensée
socialiste en France, en a publié
récemment quatre, sur le thème
de la culture
et des médias.


Le 13 août 2012, « Cartes sur table » a publié, sous un format inédit de moins de 140 signes chacune, cent propositions.
Ces cent propositions n’avaient pour objectif ni de critiquer les actions déjà conduites, ni de faire entendre une voix supplémentaire dans les grands débats philosophico-politiques du moment, mais d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur cent mesures concrètes pouvant contribuer à améliorer la vie quotidienne de la population française et la situation du pays. Il s’agissait également de susciter le débat avec les citoyens.
Ce dernier objectif a été pleinement atteint. Nombreux sont ceux qui nous ont pris la peine de  réagir sur les idées proposées, en soutenir certaines, en critiquer d’autres, souligner des manques et apporter des compléments.
Ce débat citoyen né des cent propositions a donné l’envie à « Cartes sur table » d’aller plus loin en publiant, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, une version détaillée et enrichie des propositions qui ont le plus retenu l’attention et rencontré l’adhésion.
Le premier de ces feuillets regroupe quatre propositions pour une culture accessible et des médias transparents :
1. Offrir de l’espace public à l’art ;
2. Investir dans les jeunes artistes ;
3. Attribuer une « allocation culture » à chaque élève ;
4. Renforcer le devoir de transparence qui s’impose aux médias.
Quatre propositions qui apportent des solutions concrètes à des questions simples.
Comment faire en sorte que l’art et le public se rencontrent quotidiennement ?
Comment offrir une visibilité nationale aux artistes dont la réputation reste à construire et soutenir ainsi les créateurs de demain ? Comment garantir que chaque enfant et chaque adolescent puisse aller au moins deux fois au cinéma ou au théâtre dans l’année tout en s’achetant quelques disques ? Comment contribuer à renouer les liens entre lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et médias « traditionnels » ?

Offrir de l’espace public à l’art
Comment faire en sorte que l’art et le public se rencontrent quotidiennement ?
En offrant de l’espace public à l’art.
Chaque exposition, chaque rencontre avec le public est un véritable accélérateur pour la carrière d’un artiste : elle lui permet de prendre conscience très rapidement de ses qualités ou de se confronter à ses limites. Or, s’il est particulièrement difficile pour les artistes d’accéder à une notoriété suffisante pour pouvoir vivre de leur talent (il leur faut très souvent patienter de longues années et exercer pendant ce temps une activité annexe), il leur est également peu aisé de trouver des lieux réguliers de rencontre avec le public.
Parallèlement, de nombreux établissements publics ont occasionnellement, pour répondre à des besoins variés (cours de peinture organisés par les mairies, lectures en bibliothèques, expositions dans les écoles, etc.), recours à des artistes qu’ils découvrent grâce au réseau de connaissance de leurs employés ou par le fruit du hasard. La rémunération des prestations peut se révéler complexe pour ces établissements qui doivent choisir entre paiement de droits d’auteurs, paiement d’une prestation confiée à un auto-entrepreneur, ou – cas très rare – versement d’un salaire.
Réserver dans les édifices publics tels que les mairies, les bibliothèques municipales ou les écoles des espaces à des expositions d’œuvres d’art en contrepartie de la participation de leurs auteurs à des animations, des formations ou des cours gratuits, permettrait d’offrir aux artistes des lieux de rencontre quotidienne avec le public. Cela serait également l’occasion pour les acteurs publics d’élargir leurs contacts avec le monde artistique.
Les objectifs et contraintes artistiques du partenariat pourraient être indiqués dans une charte. Celle-ci permettrait d’une part de garantir l’adéquation des œuvres exposées avec le public amené à les observer et, d’autre part, de s’assurer que les artistes n’utilisent pas l’espace mis à disposition à des fins commerciales.
Les résidences d’artistes pourraient se voir confier la mise en contact des artistes et des établissements publics. L’Etat leur donne en effet déjà pour objectif d’« accompagner des artistes dans le développement de leur activité » et « de contribuer à offrir au public une diversité de propositions artistiques ou critiques ».
Le coût d’une telle mesure serait quasiment nul pour la puissance publique. Les établissements publics offrant de l’espace aux artistes auraient certes à prévoir puis à maintenir des installations assurant la mise en valeur et la sécurisation des œuvres, mais ces frais pourraient être couverts par le budget consacré aux rémunérations occasionnelles d’artistes.
Cette mesure offrirait enfin au public de ces établissements l’occasion d’une rencontre quotidienne avec l’art sous toutes ses formes.

Investir dans les jeunes artistes
Comment offrir une visibilité nationale aux artistes dont la réputation reste à construire et soutenir ainsi les créateurs de demain ? En investissant dans les jeunes artistes.
Deux mesures simples permettraient d’améliorer les conditions de vente et d’achat des œuvres d’art dans le domaine privé tout en promouvant des artistes dont la réputation est à établir : d’une part la création d’une plateforme offrant une visibilité nationale à tous les jeunes artistes et, d’autre part, la mise en place d’un système d’incitation fiscale à l’achat d’œuvres de jeunes artistes.
Si le mécénat d’entreprise est un système qui finance efficacement les artistes, les entreprises choisissent en effet trop souvent de s’adresser à des artistes déjà reconnus sans avoir de visibilité complète sur l’offre artistique qui leur est ouverte.
Les jeunes artistes, dont la réputation est à faire, en pâtissent plus que d’autres.
La création d’une plateforme nationale gérée par l’Etat et recensant les jeunes artistes de façon évolutive et exhaustive augmenterait leur visibilité. Cette plateforme pourrait être mise en place en coopération avec les établissements de formation artistique et les instances représentatives des artistes professionnels, et son contenu diffusé de manière active auprès des mécènes potentiels.
Parallèlement, pour raviver le lien entre artistes et citoyens, un système d’incitation fiscale à l’achat d’œuvres de jeunes artistes ou encore à la découverte de jeunes troupes pourrait être instauré. Cela permettrait un rapport plus personnel à l’objet culturel que les mesures de mécénat des particuliers déjà existantes – notamment la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations – qui ne concernent que le don et non l’achat. Grâce au partenariat ainsi organisé entre publics et artistes, le début de carrière de ces derniers se trouverait facilité, les citoyens se verraient placés dans un rôle valorisant et l’Etat tirerait profit de l’activité économique qui en résulterait.
Ces deux mesures ne coûteraient pas à l’Etat plus de trois millions d’euros – un million d’euros pour la mise en place et l’administration de la plateforme et de 1,5 à deux millions d’euros pour le système d’incitation fiscale (soit un crédit d’impôt de 10 % pour des dépenses d’achat d’œuvre ou de soutien à un projet d’un montant de 500 euros qui bénéficieraient, six à huit fois par an, à 5.000 jeunes artistes différents) –, c’est-à-dire moins de 1 % du budget qui est consacré à la restauration et à l’entretien des monuments historiques.
A terme, le public pourrait se voir proposer sur la plateforme recensant l’ensemble des jeunes artistes de financer directement certains d’entre eux, en s’inspirant de ce qui se fait aujourd’hui sur certaines plateformes internet privées, mais dans le cadre de « plans d’épargne artistique » soutenus et portés par la puissance publique.

Attribuer une allocation «culture» à chaque élève
Comment s’assurer que chaque enfant et chaque adolescent puisse aller au moins deux fois au cinéma ou au théâtre dans l’année tout en s’achetant quelques disques ? En attribuant une allocation « culture » à chaque élève.
Il existe déjà au niveau des collectivités locales de nombreuses initiatives destinées à encourager la consommation culturelle des jeunes, sous forme de cartes, de chèques, etc. Le caractère local de ces initiatives garantit que les acteurs impliqués dans leur élaboration et leur mise en œuvre se connaissent et proposent des offres en prise avec le quotidien et les besoins des citoyens.
Ces initiatives locales sont toutefois caractérisées par leur disparité. Certaines parties du pays sont beaucoup plus favorisées que d’autres et on observe peu de synergies entre les différentes collectivités impliquées. Ainsi, si ces initiatives favorisent la consommation culturelle des plus jeunes et contribuent à la réduction des inégalités sociales dans ce domaine, il n’en demeure pas moins aujourd’hui en France des inégalités territoriales fortes pour l’accès à la culture des jeunes.
Le versement par l’Etat aux écoliers, collégiens et lycéens, d’une allocation « culture » annuelle, cumulable avec d’autres subventions et distincte de l’allocation de rentrée scolaire, contribuerait à la réduction des inégalités d’accès à la culture. Chaque élève pourrait en bénéficier pendant la durée de la scolarité obligatoire pour financer sa consommation de biens culturels, qu’il s’agisse d’expositions, de séances de cinéma, de spectacles musicaux ou théâtraux, ou encore d’achats de vidéos ou de musique.
Le coût de cette allocation « culture », si son montant était fixé à cinquante euros par an – ce qui permettrait à chaque jeune d’accéder au moins une fois par trimestre à un bien culturel –, serait de 600 millions d’euros pour l’Etat, c’est-à-dire l’équivalent de moins de 1 % du budget 2012 de l’Education nationale.
L’impact éducatif d’une telle allocation doit être souligné.
Pour la mise en œuvre de cette allocation « culture », il conviendrait de s’inspirer des programmes déjà existants et de promouvoir le développement de partenariats avec et entre les collectivités. La création d’un label national pourrait par ailleurs inciter les collectivités n’offrant pas à l’heure actuelle de tels programmes à en mettre en place.
L’allocation « culture » aurait enfin un rôle pédagogique, d’où son caractère universel: consommateur autonome d’une allocation financée par l’argent public, chaque jeune prendrait conscience, en tant que citoyen, de son droit d’accès à la culture et du contrat implicite liant les citoyens à la collectivité.

Renforcer le devoir de transparence qui s’impose aux médias
Alors que la presse écrite vit des jours difficiles et que les grandes messes des 20-heures peinent à retenir les téléspectateurs, comment contribuer à renouer les liens entre lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et médias « traditionnels » ? En renforçant le devoir de transparence qui s’impose aux médias.
Les médias, qu’ils soient écrits ou audiovisuels, ont une responsabilité sociale particulière en tant que créateurs et diffuseurs de contenus. Ils impriment, pour reprendre les termes du supplément média des Lignes directrices Développement durable du Global Reporting Initiative, les esprits de leur public et doivent par conséquent garantir la pertinence et la crédibilité de leur contenu et accepter d’en rendre compte.
Or, alors même que la plupart des médias fait aujourd’hui partie – simple constat objectif – de grands groupes qui ont des intérêts économiques variés, tous ne respectent pas, loin de là, le devoir implicite de transparence que leur impose cette responsabilité sociale particulière et qui exige la plus grande clarté sur de potentiels conflits d’intérêt.
Afin que les groupes de médias et l’ensemble de leurs intervenants externes ou internes fassent systématiquement apparaître les activités extérieures qu’ils mènent ou dont ils dépendent directement, un devoir de transparence pourrait être formalisé à travers l’établissement de règles de déclaration contraignantes s’imposant aux médias publics comme privés.
La démarche adoptée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) – mise en place d’une charte déontologique exigeant de chaque collaborateur qu’il révèle ses conflits d’intérêt –, après la parution début 2012 d’une enquête dénonçant des collusions entre experts et institutions financières privées, pourrait servir d’exemple pour la formalisation de ce devoir de transparence.
Certes, internet apparaît aujourd’hui comme un instrument formidable pour assurer la révélation quasiment instantanée de l’existence de conflits d’intérêt ou de relations posant problème. Mais, afin de renouer les liens avec un public légitimement prudent, ce sont les médias eux-mêmes qui doivent devenir les garants actifs de leur transparence. Au-delà des règles déontologiques, on pourrait d’ailleurs imaginer qu’un temps d’antenne d’une dizaine de minutes soit réservé chaque semaine sur l’une des chaînes publiques – et en simultané sur l’une des radios publiques –, avant le journal télévisé de 20-heures, à un médiateur des médias qui serait directement saisi par les téléspectateurs.
Comment faire en sorte que l’art et le public se rencontrent quotidiennement ?
Offrir une visibilité nationale aux artistes dont la réputation reste à faire et soutenir ainsi les créateurs de demain ? Garantir que chaque enfant et chaque adolescent puissent aller au moins deux fois au cinéma ou au théâtre dans l’année tout en s’achetant quelques disques ? Contribuer à renouer les liens entre lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et médias « traditionnels » ?
« Cartes sur table » apporte ainsi des solutions concrètes à ces questions simples.

* «Cartes sur table» en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès


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