Pour la crédibilité de la recherche scientifique : De la piraterie maritime à la piraterie scientifique


PAR Dr. Hassan Amili
Mercredi 9 Juin 2010

Pour la crédibilité de la recherche scientifique : De la piraterie maritime à la piraterie scientifique
Jamais je n’aurais imaginé que viendrait le jour où je me verrai, par obligation intellectuelle, contraint à transférer mon centre d’intérêt  de la recherche dans le domaine de l’histoire maritime marocaine et les notions qui lui sont adossées, notamment : Jihad, Course et Piraterie ; vers le domaine de la piraterie scientifique, communément reconnue sous le vocable de plagiat.
Il m’avait fallu beaucoup de patience et de perspicacité pour parvenir à domestiquer les deux notions de Course et de Piraterie, et à comprendre pourquoi elles confondent dans l’esprit des profanes (non avertis), car déceler  la différence qui existe entre les deux est une affaire très ardue. Ce fut la raison pour laquelle j’eus à leur consacrer en 1989 une partie importante d’un chapitre de ma thèse de D.E.S. intitalée «Le Jihad maritime à l’embouchure de Bouregreg durant le 17e siècle» sous l’excellente supervision du Pr. feu Si Mohammed Hajji.
Ce travail fut reconnu, à l’époque, comme étant la première recherche académique sérieuse à se consacrer au domaine maritime et à mettre toute la lumière sur ses aspects professionnels, techniques, militaires et politiques.
Dès lors, la hantise à poursuivre la recherche dans ce domaine m’habita et la fascination me poussa à inscrire une thèse pour l’obtention du Doctorat d’Etat sous le titre «Les Marocains et l’espace maritime aux 17e et 18e siècles» sous la supervision du Dr. Ahmed Bouchareb, que j’avais soutenu au printemps 2002 ; sans, pour autant, étancher ma soif, ni assouvir ma curiosité, du fait que la recherche dans ce domaine fut, encore, à ses compétences scientifiques pour pouvoir se pencher sur d’autres aspects et pénétrer d’autres époques.
Dans cette perspective, j’eus l’honneur d’adhérer au Comité marocain de l’histoire maritime avant sa dissolution ; puis j’eus l’opportunité de faire partie du GRIHMM, un groupe de chercheurs qui comprenait, entre autres, Leïla Maziane, une jeune «chercheuse » qui venait de terminer ses études en France et qui avait soutenu, en 1999, une thèse sous le titre «Salé et ses corsaires (1666-1727) : Un port de course marocain au XVIIe siècle» , c'est-à-dire dix ans après la mienne. Sa thèse fut consacrée et obtint, en conséquence, un prix français.
Jusque-là, tout paraissait dans l’ordre des choses, sauf qu’une odeur aux relents scandaleux commençait à se dégager et que je vais tâcher de mettre à nu.
Comme j’étais, entre 1992 et 2002, complètement absorbé par la préparation du doctorat, je détournai, volontairement, mon esprit de tout ce qui pouvait perturber ma concentration. J’avais soupçonné, à travers le peu de chose que j’avais appris sur le travail de ladite «chercheuse «que celui-ci avait l’aspect du déjà-vu et manquait d’originalité. Mais j’avais pensé, naïvement, qu’elle avait, certainement, apporté quelques pierres à l’édifice que nous étions en train de construire.
Cependant, un concours de circonstances alla me permettre d’être à la fois témoin et victime du flagrant délit lorsque je fus choisi comme membre du comité scientifique à débattre avec la «chercheuse»  ses travaux postérieurs à sa thèse afin d’obtenir le certificat d’habilitation.
Cette occasion me permit de mieux prendre connaissance de la plupart de ses articles et de ses interventions aux colloques et revues hors du pays. Je me trouvais, sans équivoque, en présence de la version française de mon propre travail arrangé différemment – pour camoufler l’usurpation – et parsemé d’erreurs historiques criards, tellement « l’auteur «fut prisonnier de « son sujet «de prédilection (Salé et ses corsaires (1666-1727) .
C’est alors que je décidai de lire, intégralement, ce travail dans le but de classer les a priori.
Personne ne pourrait imaginer le degré d’abattement qui m’envahissait en parcourant des paragraphes, voire des chapitres entiers, fruit d’un travail acharné, réalisé dix ans auparavant, usurpé par une autre personne qui n’éprouva ni gêne ni remords à se l’approprier.
Je passai, ensuite, à «sa thèse «en espérant trouver une explication concernant le choix du sujet, le mépris manifesté à l’égard de l’effort déployé par d’autres, ainsi que l’origine de cette arrogance que «la chercheuse «manifestait en se déclarant une référence en la matière devant les chercheurs étrangers.
C’était à ce stade de la vérification que je pus m’arrêter sur l’immensité du forfait et de l’énormité de l’offense. Le piratage s’opérait de manière soutenue et  délibérée. Tel un vrai pirate, «la chercheuse » ne se contenta pas de prendre possession du bateau de mes idées, mais elle se chargea de me jeter par-dessus bord vers les mers de l’inconnu afin de gommer les traces de son crime. Elle dressa, par la suite, son pavillon sur le bateau de la recherche scientifique relative au domaine maritime et se mit à se délecter du butin amassé comprenant tous les documents et les sources d’information qui m’avaient coûté beaucoup de peines et de souffrances, particulièrement «Les Sources inédites de l’Histoire du Maroc».
Ainsi, pour donner une illustration de l’abattage dont je fus l’objet, «la chercheuse » mena la charge dès l’introduction de sa thèse en prétendant que mon travail cité dessus n’avait approché la période de Moulay Ismaïl que de «manière timide «et qu’il était limité à la période de l’apogée du Jihad Maritime, c'est-à-dire, jusqu’aux abords de 1640 ; alors qu’en fait, ma dite thèse avait, au contraire, couvert tout le 17° siècle comprenant la période qui vit le règne du fameux Sultan jusqu’à l’échec en 1699 de la mission diplomatique en France d’Abdellah Ben Aïcha.
En remettant les choses à leur place, cela constituait la preuve irréfutable, que notre «éminente chercheuse»  s’était basée, pour le moins, sur la partie de mon étude couvrant la période indiquée, époque durant laquelle la flottille de Moulay Ismaïl luttait pour sa survie et après laquelle aucune opération maritime intéressante ne fut enregistrée jusqu’à l’avènement de Sidi Mohammed Ben Abdellah à la 2e moitié du 18e siècle.
Au contraire, c’est Mme Maziane qui avait débordé le cadre limité de son sujet pour envahir toute la période du 17e siècle étudiée dans ma thèse, sans quoi, le volume de son travail aurait été dérisoire. Cependant, elle ne pouvait pas y parvenir sans s’adosser entièrement sur 14 de mes 16 chapitres. Autrement dit, sa «thèse » fut, globalement, une copie réaménagée de la mienne.
Si toutefois, il est admis que des chercheurs puissent avoir recours aux travaux de ceux qui les ont précédés, il est, cependant, inadmissible, voire suspect, qu’ils empruntent le même cheminement, qu’ils utilisent les mêmes procédés analytiques et qu’ils aboutissent aux mêmes conclusions, sans rien ajouter, sans, pour autant, citer les sources ni rendre le mérite aux ayants droits.
Et dans un souci d’étayer les accusations, je vais présenter une comparaison entre le contenu de mon œuvre et celui de l’exercice de «la chercheuse»; cette comparaison, à elle seule, est en mesure de révéler l’étendue du forfait perpétré que toute personne disposant d’un brin de discernement pourrait saisir aisément.
Je tiens à préciser que ce qui me dérange beaucoup plus que l’acte de piraterie commis, c’est surtout le degré d’impertinence et d’arrogance qu’un apprenti-chercheur puisse afficher à chaque rencontre, lorsqu’il stigmate le plagiat pratiqué à une grande échelle par des auteurs qui écrivent dans des langues étrangères à l’encontre de ceux qui écrivent en arabe, alors que lui-même en fait partie. Je profite de cette occasion pour dire à notre «chercheuse » :  «qu’elle jouisse du butin et de la consécration, bien qu’à mon sens non mérités, qui s’en sont suivis. Néanmoins, je m’accroche, sans relâche, à ce qu’elle me restitue mon sujet, car il est le creuset dans lequel je puise la fierté d’appartenir à une école initiée par mon Maître et celui de toute une génération, en l’occurrence feu Si Mohammed Hajji, qui nous a décerné un PRIX SPECIAL, fruit d’une formation crédible exempte de toute forme de délinquance intellectuelle et de concession sordide et qui nous a inculqués comment préserver les valeurs de l’honnêteté, de l’humilité et de la patience.

Chercheur spécialiste
de l’histoire maritime
1-Professeur d’Etude Supérieur – Laboratoire d’Archéologie et du Patrimoine Culturel du Littoral (LAPCL) – Fac. Des Lettres Mohammedia – Université Hassan II – Mohammedia.
 2-«Al Jihad al Bahri bi massab Abi Raqraq khilal al qarn assabia achar
«- Publiée par Université Hassan II – Mohammedia – Faculté des Lettres – Mohammedia – 2006.
3-«Al Maghariba wa al majal al bahri
fi al quarnaïne 17 wa 18 «
 4-Groupe filière du Laboratoire Maroc et Mondes Occidentaux (MMO)
de la Faculté des Lettres Casablanca Ibn Msik, dirigé par notre respecteux
professeur et Doyen
Dr. Abdelmajid Kaddouri
 5-Publications des Universités
de Rouen et du Havre et Presses Universitaires de Caen 2007.


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