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En effet, le Comité a jugé que Madrid a violé plusieurs dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et il a ordonné une réparation adéquate, y compris une indemnisation financière pour le préjudice subi et une réadaptation. Le Comité onusien a précisé, en outre, que Madrid doit désormais se prémunir contre de telles violations à l'avenir, en particulier par la révision de la loi organique n°4/2015 sur la protection de la sécurité publique, adoptée le 1er avril 2015. L'Espagne doit également revoir la dixième disposition additionnelle de cette loi relative au "Régime spécial de Ceuta et Mellilia", qui autorise la pratique aveugle des expulsions automatiques.
« C’est une bonne nouvelle pour les mineurs non accompagnés et une grande victoire pour les ONG œuvrant dans le domaine de la défense des droits des mineurs », nous a fait savoir Omar Naji. Et de poursuivre : « L’Espagne a été condamnée auparavant par la Cour européenne des droits de l’Homme mais jamais par le Comité onusien. C’est une première condamnation de l’Espagne par l’ONU. Nous croyons que cette décision va certainement calmer les ardeurs des gardes-frontières espagnols».
De son côté, le ressortissant malien ayant atteint l’âge de la majorité depuis lors et qui travaille actuellement comme jardinier à Madrid, n’a pas hésité à exprimer sa joie après avoir pris connaissance de la position du Comité de l’ONU le concernant, rapportent plusieurs médias espagnols et il a affirmé que cette décision doit être largement diffusée afin que ces renvois à chaud ne se reproduisent plus.
De son côté, Said Mchak, chercheur en droit international de la migration, la décision du Comité des droits de l’enfant n’a rien d’anormal et elle était même fort attendue. « Nous ne pouvons pas parler d’une décision inédite. La Cour européenne des droits de l’Homme a plusieurs antécédents en matière de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Et même le Comité onusien a des antécédents concernant les enfants migrants », nous a-t-il expliqué. Et de préciser : « Ces deux instances s’intéressent moins au statut juridique de l’enfant. Leur priorité demeure la protection et le respect de l’intérêt supérieur de celui-ci. Ils veillent à ce que les Etats d’accueil le prennent bien en compte. Le cas de l’enfant malien s’inscrit parfaitement dans ce registre. En fait, l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant est clair. Il stipule que toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, doivent prendre en considération primordiale l’intérêt supérieur de l’enfant».
Mais que veut dire «intérêt supérieur de l’enfant » ? Selon plusieurs juristes, cette notion demeure floue et même la Convention relative aux droits de l’enfant n’en donne pas de définition précise. Même le Comité des droits de l’enfant n’a pas proposé de critères permettant de juger de ce qui relève de cet intérêt. Pourtant, la Convention a veillé à renforcer la protection de l’enfant en insistant sur la préservation de son bien-être et de son droit de se développer dans un environnement favorable à sa santé mentale et physique. Elle a également considéré l’article 3.1 relatif à “l’intérêt supérieur de l’enfant” comme l’un des quatre principes incontournables pour appliquer la totalité des droits de la Convention, sachant que les quatre articles fondamentaux de la Convention sont liés entre eux. Ainsi, l’article 2 relatif au droit à la non-discrimination et l’article 6 se rapportant au droit à la survie et au développement doivent être pris en considération pour déterminer ce qui constitue l’intérêt de l’enfant dans une situation donnée. De plus, la prise en compte de l’opinion de l’enfant (article 12) permet de soutenir le décideur dans l’établissement de son intérêt supérieur. Les juristes tiennent, néanmoins, à préciser que le concept d’« intérêt supérieur de l’enfant » renforce le statut de l’enfant comme étant un sujet de droits mais ne donne en aucun cas le pouvoir décisionnel à celui-ci.
Quelles implications cette décision pourrait-elle avoir à l’avenir ? « Elle peut servir comme argument pour les ONG défendant les droits des enfants. En fait, cette décision signifie que l’Espagne en tant que partie défenderesse a accepté la jurisprudence de ce comité onusien et ne rejettera pas, dans le futur, d’autres plaintes déposées par les individus ou les ONG qui les représentent », nous a affirmé Said Mchak. Et de conclure : «Pratiquement, cela veut dire que Madrid entérinera toutes les décisions prises par ce comité et donnera à ces décisions une force contraignante du fait de l’engagement politique et moral de l’Etat espagnol envers la Convention internationale des droits de l’enfant ». Des propos qui rassurent plusieurs militants associatifs qui voyaient d’un mauvais oeil la proposition de loi concernant la protection des enfants proposée par le gouvernement autonome de Sebta et qui va permettre le renvoi des mineurs marocains non accompagnés vers la mère patrie. Selon les autorités espagnoles, leur nombre a augmenté de 300% entre 2017 et 2018 passant de 802 à 3.344 enfants. Des chiffres qu’il faut néanmoins prendre avec des pincettes et beaucoup de réserve.