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Mounir, 26 ans, est un fumeur de haschisch depuis cinq ans. Il n'a jamais eu de problème pour trouver de la marchandise. Ce n'est toutefois plus le cas depuis quelques semaines. «Depuis le début de Ramadan, le haschisch est devenu très difficile à trouver. Je dois faire le tour de la ville pour acheter un simple morceau car comme les vendeurs en obtiennent moins, ils écoulent leurs produits en plus petite quantité», a-t-il déploré avant d'ajouter que le peu de cannabis qui circule encore se révèle être d'une qualité médiocre, avec un effet faible: «Sur le peu qui reste sur le marché, il y a 70% de déchets. T'es obligé d'en mettre trois fois plus pour que ça te fasse le même effet».
Mais Mounir n'est pas le seul à ressentir cette crise de l'approvisionnement. Said, 30 ans, un consommateur invétéré, pense aussi que le marché est devenu très opaque : « Avant, tu pouvais te procurer quelques grammes facilement. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas et les prix ont doublé. La consommation de haschisch est en train de devenir un luxe ».
Pourtant, la pénurie du marché local ne date pas d'aujourd'hui. Elle remonte selon certains spécialistes à 2004. Elle trouve son explication dans le recul des superficies cultivées en cannabis qui ont diminué de plus de la moitié, ce qui a fortement impacté la production qui a chuté de 2.760 à 1.066 tonnes.
Selon un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDUC), un organisme de l'ONU basé à Vienne, les terres emblavées en kif sont passées durant la période 2004-2008, de 130.000 à 60.000 hectares. La politique marocaine d'éradication de la culture du cannabis et l'augmentation des saisies opérées semblent donner ses fruits et la production semble durement touchée.
Mais le recul des superficies des cultures de cannabis suffit-il à expliquer cette pénurie sur le marché local ? La réponse est non. Zrikaa, un ancien dealer, pense comme beaucoup des vendeurs interrogés que d'autres facteurs ont intensifié le phénomène. On évoque la question de l'exportation révélant que la plupart de la résine de cannabis produite au Maroc est acheminée vers l'Europe, les pays d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne. « Le haschisch marocain est connu par sa qualité et sa teneur. Il a su se forger une réputation internationale. La demande extérieure est forte et rentable », précise-t-il.
L'assèchement du marché casablancais peut être induit aussi, selon Zrikaa, par l'augmentation du nombre de consommateurs de cannabis au cours des dernières années, tout particulièrement au sein de la population jeune et masculine, et ce à tous les stades de la consommation, de l'expérimentation à l'usage répété et régulier. « La consommation de haschisch s'est banalisée et a intégré les moeurs car elle est considérée comme peu nocive et elle est socialement tolérée».
A côté de cette population de consommateurs quotidiens et réguliers, Zrikaa a noté l'entrée en jeu d'une autre population constituée de jeunes MRE et d'étrangers qui passent leurs vacances au Maroc ainsi que les consommateurs d'alcool qui se convertissent à la consommation de haschisch pendant le mois sacré.
Vu l'offre et la demande actuelles, le prix du cannabis a subi une hausse importante. Désormais, un gramme se vend à 30 DH au lieu de 10 DH, soit une hausse de 200%. Cependant, le haschisch de bonne qualité n'existe plus. Maintenant, il n'y a que de la mauvaise qualité qui circule car cette dernière a un prix, que « seuls les étrangers et certains nantis peuvent payer», nous a déclaré Soufiane. Aujourd'hui, pour chercher du hash de bonne qualité, il faut se déplacer vers les périphériques de la ville. Médiouna, Deroua, Dar Bouazza sont devenus de nouveaux points de vente. Les marchands de détail se font de plus en plus rares dans la ville blanche. Les vagues successives d'arrestations ont poussé un grand nombre d'entre eux à changer de métier et beaucoup se sont convertis dans la vente de psychotropes jugés plus rentables (une capsule vaut aujourd'hui 25 DH au lieu des 4 DH d'avant le Ramadan).