Ils le doivent à une gouvernance à côté de la plaque
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Latifa Cherif: M. le ministre, je vous invite à visiter une cité universitaire, sans en avertir son directeur, et à déjeuner avec les étudiants. Si vous terminez votre repas, je serai la première à vous applaudir !C’est dans un langage direct et sans détours que Latifa Cherif, députée du Groupe socialiste–Opposition itthadie, a fustigé l’état des cités universitaires marocaines. «M. le ministre, je vous invite à visiter une cité universitaire, sans en avertir son directeur, et à déjeuner avec les étudiants. Si vous terminez votre repas, je serai la première à vous applaudir!». Cette réplique cinglante a fait écho à un sentiment largement partagé : l’inadéquation des conditions de vie des étudiants avec les ambitions d’un Maroc qui aspire à devenir une locomotive régionale.
Le ministre, visiblement en difficulté, a reconnu la vétusté des restaurants dans de nombreuses cités universitaires. Trois catégories ont été identifiées: des structures anciennes nécessitant des rénovations urgentes, des cités de qualité moyenne à stabiliser et des projets neufs qui, bien que prometteurs, restent encore embryonnaires.
Dans une tentative de rassurer, Azzedine El Midaoui a annoncé une série de visites sur le terrain et un engagement à réhabiliter ces espaces de vie, en collaboration avec les commissions parlementaires. Mais les promesses de réhabilitation et les engagements de visites sur le terrain apparaissent comme une répétition d’un vieux refrain politique bien connu, où les annonces remplacent trop souvent l’action. Pourquoi faut-il attendre la pression parlementaire pour qu’émerge une volonté d’agir ?
Le logement dans ces cités universitaires constitue un autre point noir. Bien que le ministre ait vanté des partenariats avec le secteur privé pour la construction de nouvelles cités dans des villes comme Béni Mellal ou Oujda, ces initiatives peinent à compenser des décennies de retard accumulé et le rythme des réalisations reste désespérément lent. Pendant ce temps, des milliers d’étudiants continuent de s’entasser dans des chambres insalubres, victimes des lenteurs administratives et du manque d’ambition.
Le ministre a justement épinglé les lenteurs administratives qui entravent l’action de l’Office national des œuvres universitaires sociales et culturelles (ONOUSC), tout en plaidant pour une simplification des procédures. Mais ce problème n’est, en réalité, que le symptôme d’une gouvernance fragmentée et inefficace.
Autre pierre d’achoppement pointée du doigt par le Groupe socialiste–Opposition ittihadie : les bourses universitaires, décrites comme insuffisantes pour répondre aux besoins d’une population étudiante croissante. Certes, le taux de satisfaction des demandes atteint 93%, selon le ministre, mais cette statistique flatteuse cache une réalité moins reluisante. Les montants alloués demeurent dérisoires face au coût de la vie et ne suffisent pas à éviter le décrochage universitaire, particulièrement dans les régions les plus défavorisées. Que vaut une bourse si elle ne permet ni de se loger, ni de se nourrir, encore moins d’étudier sereinement ?
Le recours au registre social unifié et à une plateforme électronique dédiée pour la gestion des bourses a été mis en avant par le ministre, qui plaide pour une diversification des sources de financement. Toutefois, cette déclaration n’a guère convaincu les députés, qui appellent à des réformes structurelles pour garantir une justice sociale effective et éviter les disparités évidentes entre régions.
Lors de cette séance animée, une autre revendication essentielle a émergé : celle de la justice territoriale. Les représentants de la nation ont appelé à la création d’une université indépendante dans la région de Drâa-Tafilalet, où la dispersion des facultés entre Agadir et Meknès crée des inégalités criantes.
Pour le ministre, l’implantation des universités dans des régions périphériques constitue un levier de développement local. Il a évoqué un programme de restructuration visant à renforcer cette dynamique et à réduire les disparités territoriales. Mais cela demeure une ambition éternellement annoncée, jamais réalisée.
Dans sa plaidoirie finale, Azzedine El Midaoui a défendu une vision ambitieuse, insistant sur l’excellence de certaines filières à accès limité, tout en appelant à une adaptation constante des formations aux mutations socio-économiques mondiales. Mais ces paroles sonnent creux face à l’étendue des carences actuelles. La réalité est implacable : le gouvernement semble naviguer à vue, incapable de répondre aux attentes d’une jeunesse en quête d’opportunités et de dignité.
Cet échange entre le ministre et les députés ittihadis met en lumière les défis considérables qui attendent le secteur de l’enseignement supérieur au Maroc, otage d’un immobilisme chronique. Alors que les aspirations des étudiants et des familles s’élèvent, les réponses du gouvernement restent insuffisantes face à des problématiques structurelles profondes. La réussite du projet marocain d’éducation et de recherche scientifique ne se mesurera pas seulement en chiffres, mais dans la capacité à offrir dignité et espoir à toute une génération. L’avenir du pays en dépend.
Mehdi Ouassat