Pèlerinage sans pépins c’est possible : Pour peu que l’on fasse l’effort de se soucier de la dignité de ses ressortissants


Hassan Bentaleb
Jeudi 30 Août 2018

“La négligence, l’indifférence et l’humiliation subies par les pèlerins marocains cette année n’ont rien de nouveau. Ce fut  toujours le cas, mais cette année a été la pire. En effet, c’est la première fois que des pèlerins marocains ont passé la nuit à la belle étoile, dans la rue et sous les ponts». C’est ainsi que Rabiaa El Hassan, journaliste marocaine en Arabie Saoudite, a commenté les dizaines de témoignages des pèlerins marocains en détresse postés sur la Toile. Et d’ajouter : «Et ce n’est pas du côté des autorités saoudiennes qu’il faut chercher des responsables. C’est plutôt du côté marocain qu’il faut le faire».
Pour notre source, les conditions du déroulement du pèlerinage (transport, restauration, résidence...)   ont toujours été déplorables et chaque année la situation ne fait qu’empirer davantage. « Une chape de plomb s’est abattue sur ce dossier et personne n’a osé critiquer la situation », nous a-t-elle indiqué. Et de poursuivre : « Mais cette année et grâce aux réseaux sociaux, le voile a été levé sur les souffrances des pèlerins marocains inscrits sur la liste officielle. En effet, il y a toujours eu des cas de disparitions, de mort, d’arrestations…  sans parler des cas des pèlerins souvent installés loin du Haram et qui doivent se taper  plusieurs kilomètres de marche par jour dans des conditions météorologiques épuisantes. Il y a également le cas de ceux qui sont entassés par 10 dans des chambres d’hôtels censées accueillir 4 personnes seulement.  Cet état des choses dure depuis  près de 20 ans alors que d’autres pays ont amélioré la situation de leurs pèlerins en augmentant les budgets y afférents et en affinant les procédures de préparation».
Comment peut-on expliquer cette situation ? Notre source pointe du doigt les membres de la délégation marocaine chargée du Haj qui sont en place depuis vingt ans. « Ils se sentent intouchables et ils sont indifférents aux critiques et ne jugent même pas utile de communiquer avec les pèlerins », nous a-t-elle expliqué.  Et d’ajouter : « Cette délégation ne dispose pas de médecins disponibles sur place  ni de moyens de transport (ambulances, voitures, autocars…) ni de quoi payer la restauration et l’hébergement des pèlerins. Ce qui suscite tellement de questions sur l’usage fait des sommes d’argent payées par les pèlerins (près de 45.000 DH par personne)».   
Qu’en est-il de l’ambassade et des consulats marocains en Arabie Saoudite ? «Ils disent qu’ils ne sont pas concernés. Leur travail  consiste à délivrer des documents administratifs et ils ne disposent pas d’un bureau dédié aux pèlerins », nous a indiqué Rabiaa El Hassan. Et de poursuivre : «Ceci d’autant plus que les membres de la délégation du Hajj ne coordonnent pas avec les représentations diplomatiques sur place. Une source du consulat marocain nous a même avoué que ladite délégation ne prend jamais la peine de les contacter et poursuit directement son chemin vers La  Mecque».
Une situation inacceptable voire insoutenable comparativement à ce que font d’autres pays chaque année pour assurer un bon déroulement de la saison du Hajj. «Il suffit d’aller voir auprès des délégations de Tunisie, d’Algérie, du Sénégal, de la Guinée ou de Djibouti pour se rendre compte  de la différence  dans le traitement et la gestion de ce dossier. Ces pays passent des mois à préparer la saison et leurs délégations se composent de personnes compétentes et expérimentées. Du côté marocain, on n’a même pas de guides pour les  pèlerins marocains âgés qui ne parlent que tamazight et ne connaissent rien à l’histoire et à la géographie de La Mecque ni aux préceptes de l’islam», nous a confié notre source. Et de conclure : «Le ministère des Habous et des Affaires islamiques et les responsables doivent rendre des comptes. La délégation a pour mission de régler les problèmes et elle dispose des moyens à même de lui permettre de le faire en collaboration avec les autorités saoudiennes».
Le département d’Ahmed Toufik s’est finalement manifesté. Tardivement comme il est de convenance pour ce ministère. Son communiqué impute la responsabilité des incidents de cette année aux autorités saoudiennes et précise qu’une réunion d'urgence a été tenue à ce propos entre  la délégation marocaine et l'Etablissement des Moutawifs (Guides) des pèlerins des pays arabes.  
Selon ce communiqué,  les membres dudit Etablissement ont  affirmé que celui-ci œuvre depuis des années à trouver des solutions pratiques en vue d’atténuer les problèmes chroniques rencontrés par les pèlerins. Ainsi, concernant le transport, ils estiment que  l’unique solution à ce problème,   notamment entre Arafat et Mouzdalifa, est l’élimination du système de deux groupes par bus et le recours au système d'un seul groupe, ce qui requiert des dépenses supplémentaires.
Pour ce qui est de la restauration réservée aux pèlerins, ledit Etablissement souligne que chaque année, il fait appel à des sociétés accréditées afin d'assurer la nourriture à tous les pèlerins durant l'accomplissement des rituels du Hajj.
La même source note que des repas stérilisés ont été servis pendant cette saison sous la supervision d'une société spécialisée dans la sécurité alimentaire, et ce dans le souci d'améliorer les services fournis au cours de l'accomplissement des rituels, relevant qu'il était impossible pour cette société de répondre aux besoins et habitudes alimentaires de tous les pèlerins, en dépit des efforts déployés pour remplacer les plats qui ne répondent pas au goût des pèlerins.
L'Etablissement ajoute, d'autre part, que les conditions d'accomplissement des rituels requièrent patience, tolérance et coopération, tout en accordant la priorité aux personnes les plus âgées, aux malades et aux femmes dans le transport et le logement, ce qui contraint certains d'entre eux à descendre le Mont Arafat à pied et à s'installer dans les couloirs des camps à Mina, chose qui est strictement interdite par la Défense civile saoudienne.
Le communiqué précise, enfin, que les deux parties ont convenu de poursuivre la concertation afin d'aplanir tous les obstacles et résoudre les problèmes que pourraient rencontrer les pèlerins à l'avenir.


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