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Les combats, qui ont pris au piège des millions de civils, ont éclaté le 15 avril dans ce pays d'Afrique de l'est, l'un des plus pauvres du monde, entre l'armée, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo.
"Même en imaginant le pire, nous ne pensions pas que cette guerre durerait si longtemps", confie à l'AFP Mohamad al-Hassan Othman, un habitant du sud de Khartoum qui a fui.
"Tout a changé dans nos vies. Nous ne savons pas si nous rentrerons chez nous ou si nous devons commencer une nouvelle vie", ajoute-t-il.
Les combats se sont jusqu'à présent essentiellement concentrés à Khartoum et au Darfour, une vaste région frontalière du Tchad, déjà meurtrie par une guerre civile dans les années 2000.
Le chef de l'armée a accusé jeudi les FSR d'avoir tué le gouverneur de l'Etat du Darfour-Ouest, parlant d'une "attaque perfide".
Le gouverneur Khamis Abdullah Abakar a été capturé puis tué après avoir accordé une interview par téléphone à une chaîne de télévision saoudienne mercredi, dans laquelle il tenait des propos critiques envers les paramilitaires.
L'Association des avocats du Darfour, un groupe plaidant pour le retour à la démocratie, a aussi condamné cet "assassinat", le qualifiant d'acte de "barbarie".
En deux mois, aucun scénario de retour à la paix ne se dessine. A Khartoum, des quartiers entiers n'ont plus d'eau potable. L'électricité fonctionne quelques heures par semaine et la plupart des hôpitaux dans les zones de combat sont hors d'usage.
Les violences ont fait plus de 1.800 morts, selon un bilan en mai de l'ONG ACLED.
Plus de 2,2 millions de personnes ont fui, dont plus d'un million ont quitté Khartoum, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), tandis que plus de 528.000 réfugiés sont arrivés dans les pays voisins.
Mercredi, l'armée de l'air a mené "des frappes aériennes pour la première fois sur El-Obeid", une ville à 350 kilomètres au sud de Khartoum, "encerclée par les forces paramilitaires", selon plusieurs témoins.
Les civils qui n'ont pas fui, n'ont plus "ni nourriture, ni eau, ni médicaments", raconte un habitant de Khartoum, Ahmed Taha. "Nous n'avons plus rien. Le pays est dévasté. Où que vous regardiez, vous voyez les impacts des bombes et des balles."
Pendant plusieurs semaines, l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis ont servi de médiateurs à des négociations entre les deux camps dans la ville saoudienne de Jeddah, en vue d'obtenir un cessez-le-feu. Riyad a annoncé pour le 19 juin une conférence internationale sur l'aide au Soudan.
Mais les nombreuses trêves annoncées n'ont quasiment jamais été respectées, empêchant l'aide humanitaire de parvenir jusqu'à des millions de civils désespérés.
Près de la moitié de la population, soit 25 millions des 45 millions d'habitants du Soudan, dépend désormais de l'aide humanitaire pour survivre, selon l'ONU.
"De nombreux déplacés arrivant de la capitale ont perdu non seulement tous leurs biens et leur maison, mais aussi des membres de leur famille pendant les combats à Khartoum", raconte Anja Wolz, une coordinatrice de Médecins sans Frontières (MSF).
L'organisation, qui travaille dans des dispensaires de campagne pour les déplacés à Madani, à 200 kilomètres au sud-est de Khartoum, a dit jeudi avoir remarqué "une augmentation préoccupante" des habitants fuyant la capitale.
Selon les derniers chiffres de l'ONU, l'aide humanitaire est à présent parvenue jusqu'à 1,8 million de personnes, soit une fraction de ceux qui en ont besoin.
"Nous souffrons et souffrons encore de cette guerre depuis deux mois", témoigne Soha Abdelrahmane, une habitante de Khartoum, ajoutant que plusieurs villes du Darfour, comme El-Geneina et Nyala, sont en "état de siège".
Le chef de la mission de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, a estimé mardi que les violences dans cette région pourraient constituer des "crimes contre l'humanité".
"Les attaques de grande ampleur contre les civils, basées sur leurs origines ethniques, qui seraient commises par des milices arabes et par des hommes armés en uniformes des FSR, sont très inquiétantes", a-t-il expliqué.
Au début des années 2000, le général Daglo, à la tête des miliciens arabes Janjawid, avait mené la politique de la terre brûlée contre des minorités ethniques au Darfour sur ordre du dictateur d'alors, Omar el-Béchir.
La guerre y a fait environ 300.000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU. Les Janjawid ont officiellement donné naissance en 2013 aux FSR.