"Parlez-vous maths ?": un livre pour lever les malentendus

Nul en maths? Et si c'était à cause du français? Deux profs de maths s'efforcent, dans leur ouvrage "Parlez-vous maths ?", de lever les malentendus créés par le double sens des mots dans la vie courante et dans le langage mathématique. 
Agnès Rigny et Pierre Lopez, tous deux enseignants en classe préparatoire dans le sud-ouest de la France, parlent d'expérience.
Agnès Rigny raconte à l'AFP : "J'étais en cours et je parlais de la partie vide d'un ensemble. Une élève ne comprenait pas ce que je voulais faire et moi je ne comprenais pas ce qu'elle ne comprenait pas, jusqu'à ce que je réalise qu'elle ne comprenait pas le mot partie. Elle ne comprenait pas qu'une partie d'un ensemble puisse être vide."
Ce fut le déclic. Le vocabulaire employé par les mathématiciens est plein de faux-amis qui renvoient à des images familières, mais sont autant de chausse-trappes, sources de confusion, d'incompréhension, voire de blocage total. 
"Une courbe n'est pas forcément courbe, par exemple une droite est une courbe!"
"Autre exemple : +Les allocations familiales vont devenir fonction des revenus+. Mais les allocations familiales ont toujours été fonction des revenus, même si elles étaient identiques pour tous ! C'est un exemple de fonction constante..." 
Ni cours de mathématique, ni dictionnaire à proprement parler, le livre recense, classés par ordre alphabétique, les mots "qui ont un sens différent en mathématiques et en français, les mots qui peuvent renvoyer à d'autres images que les images mathématiques", expliquent les auteurs.
"Nous proposons chaque fois une sorte de traduction : +Quand un professeur dit..., il veut dire..., mais l'élève peut penser à...".
Ils expliquent par exemple la différence entre le "ou" du mathématicien et celui du "commun des mortels". "+Fromage ou dessert+ pour un mathématicien décrit l'une de ces trois situations : 1. seulement fromage, 2. seulement dessert, 3. fromage et dessert." A ne pas tenter au restaurant.
"Avec Pierre Lopez, on est assez désolé de voir qu'il y a une forme d'incompréhension, on voudrait que la transmission des maths se passe bien, donc on s'est pas mal appuyé sur notre expérience de profs, mais c'est aussi un jeu sur le langage", explique Agnès Rigny. 
Car les auteurs jouent volontiers la carte de l'humour, rendant sympathiques les termes les plus cauchemardesques des nuls en maths.
Exemple : le calcul intégral. "Cela n'a rien à voir avec un casque intégral!", postulent les auteurs. "Quoique...". "Un casque intégral prend toute la tête. Eh bien, quand on calcule une intégrale, on prend en compte +toutes+ les valeurs de la fonction (ça prend la tête aussi...)".
Le livre s'adresse aux enseignants car "ça peut éventuellement leur donner des outils pour comprendre pourquoi parfois il y a des malentendus", et à l'autre bout, aux étudiants.
"Mais le public qu'on aimerait vraiment toucher, ce sont des gens qui ont fait des maths dans leur jeunesse et qui n'en n'ont pas forcément gardé des bons souvenirs", dit Agnès Rigny.  La prof a un petit faible personnel pour les mots "fermé" et "ouvert", "pour leur côté poétique". "Quand j'ai appris qu'une partie ou un ensemble pouvaient à la fois être ouverts et fermés, j'ai trouvé ça génial, parce que ce n'est pas le cas dans la vie. Ça m'a ouvert tout un monde".
Pierre Lopez avoue de son côté ne pas pouvoir dériver une fonction, "encore actuellement", sans se voir "au milieu de l'océan dériver sur un radeau...".