Liberté et démocratie pour l’Afrique

L’Afrique devra inventer elle-même son système politique qui garantirait l’avenir de ses populations sans l’intervention d’aucune force extérieure.


Par Isidore Kpotufe
Mercredi 6 Août 2014

Liberté et démocratie pour l’Afrique
 
 
A travers mes différents articles sur les systèmes politiques et les formes de gouvernance en Afrique (I & II), j’ai évidemment démontré que la démocratie basée sur le concept occidental ne serait point un système politique qui pourra accompagner l’Afrique dans sa quête d’atteindre le minimum requis de développement pour ses peuples. Une des raisons est que les institutions et structures sur lesquelles repose un Etat démocratique ne sont pas en harmonie avec les valeurs, pratiques et cultures africaines. Et c’est ce qui justifierait aussi l’échec de l’Etat en Afrique.
Après plus de 55 ans d’indépendance, la grande majorité des populations africaines connaît une pauvreté extrême qui s’explique par des guerres civiles et conflits sans fin, d’éprouvantes conditions de vie (…), et que les différents traitements préconisés par les autoproclamés partenaires au développement du contient n’ont pas pu guérir. La mal gouvernance et la corruption, le clientélisme et le népotisme, le sida, entre autres, ne sont pas les grands obstacles au développement du «continent le plus populaire», puisque ce sont eux-mêmes les «produits finis» de l’échec du système hérité du colonialisme et les ajustements structurels et institutionnels imposés par le néocolonialisme, paradoxalement soutenus par des bailleurs de fonds et institutions financières qui  ne cessent ainsi de se présenter comme les détenteurs du développement des peuples africains.  Il faudra pour cette raison élaborer une approche plus pragmatique de la gouvernance en Afrique.
 
L’échec de la démocratie 
en Afrique
Ce système politique autrefois connu sous forme de gouvernance fait grand débat au sein des communautés africaines depuis des décennies en raison de la complexité de son application. La démocratie a toujours été considérée comme «la moins mauvaise» de tous les systèmes politiques: Non! Pas en Afrique. Quand l’expérience liée à la question ne relève que du soutien apporté aux leaders-terroristes qui ne cessent de lécher le sang des plus vulnérables dans la société et marauder les ressources naturelles de leurs territoires sans honte ni pitié. La démocratie basée sur le pluralisme politique, constate-t-on, n’a pu répondre  aux grandes exigences de l’Afrique et dont on ne cesse de mesurer les conséquences aussi graves que le calvaire christique : la haine et la division, les tueries pendant les élections ne sont que quelques-uns des exemples. La démocratie est une nouvelle forme de dictature promue avec intérêt par nos grands ennemis de tous les temps et aveuglément calquée par les politologues africains qu’on pourrait qualifier de paresseux. La démocratie n’a jamais fait preuve de développement durable. Un projet de développement, par exemple la construction d’autoroutes, de barrages hydrauliques, d’infrastructures scolaires et sanitaires, etc. entamé par un parti politique au pouvoir serait abandonné  dès l’arrivée au pouvoir  d’un autre parti (souvent partageant des idéologies différentes) puisque le parti en question doit tenir ses engagements faits aux populations pendant les campagnes. Et c’est rare qu’ils atteignent les objectifs de leurs propres projets. Ces projets oubliés donc, de grosses sommes d’argent seront perdues, c’est le peuple qui est le grand perdant. Dans d’autres cas, un parti politique au pouvoir «ne sera pas au service» des populations qui partagent des idées ou proviennent des régions n’ayant rien  à  voir avec les siennes».
 
La démocratie n’est pas 
«le gouvernement par 
le peuple»
Abraham Lincoln avait peut-être une bonne intention en disant que la démocratie est […] le «gouvernement par le peuple»[…] mais en Afrique cette théorie est foncièrement erronée. Que la démocratie est le gouvernement par le peuple engendre le mythe de l’autogouvernement par lequel le peuple se gouverne lui-même, définit ses propres priorités,  et trace les repères pour leur accomplissement. Dans une telle société, toute question en connexion avec le bien-être du peuple (politique publique, projet de développement…) est soumise à des analyses objectives de la part des citoyens eux-mêmes.  Dans une société où le peuple se gouverne, toute décision et action du leadership devraient être soutenues par la majorité sans contradiction puisque c’est le peuple lui-même qui prend la décision et mène l’action.
 
La démocratie n’est pas 
le «gouvernement pour 
le peuple»
Le «gouvernement pour le peuple» c’est servir le peuple sans rien attendre en retour – puisque le gouvernement, c’est le «peuple» lui-même dans la mesure où l’on cultive le sens de la démocratie comme le «gouvernement par le peuple». Ce serait donc une grande insulte aux compétences analytiques des Africains  qui en sont conscients d’affirmer que la démocratie est le «gouvernement par le peuple et pour le peuple». En Afrique, la rémunération globale d’un président en exercice (y compris salaires et indemnités)  dépasse deux fois la valeur nette globale d’un président américain – par exemple Barack Obama.  Comment pourrait-on justifier ce paradoxe quand il est dit que la «démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple». On ne peut pointer du doigt un seul pays africain qui a atteint le plus bas niveau de prospérité et de liberté économique en fonction des compétences démocratiques : c’est une très petite minorité du peuple qui bénéficie de ce système. Aussi, la démocratie a donné libre cours à la prolifération des formations politiques qui, en réalité, et très souvent  n’est pas inspirée du bien public, ce qui serait justifié par le simple  fait que beaucoup de ces regroupements politiques deviennent actifs seulement à l’approche des élections. Ces groupements d’individus avides de pouvoir et de gloriole feraient beaucoup plus de bien en mettant utilement leurs ressources, par exemple par la création d’entreprises qui pourraient sortir quelques dizaines ou centaines de personnes de la pauvreté. 
 
La « libécratie » 
pour l’Afrique
Bien évidemment, dans notre société, tout le monde ne pourra pas économiquement ni socialement être égal ; chaque individu doit être libéré de la tyrannie économique, de l’esclavage politique et de la dépendance intellectuelle.  Telle doit être la vision  des sociétés africaines, mais on ne pourra jamais l’atteindre sous la direction des organismes démocratiques que nous impose surtout le néocolonialisme.
Les Africains ont besoin de liberté dans tous ses sens et non de démocratie qui donne tout pouvoir au gouvernement négligeant gravement l’essor du peuple. La libécratie[1], elle, créerait un espace où tous les citoyens, malgré leur position sociale,  pourront librement participer à leur développement sans l’intervention d’aucune force extérieure, car l’avenir de la population ne pourra être laissé à une petite minorité: le résultat serait catastrophique! 
Journaliste indépendant 
et web activiste dirigeant d’IMANI francophone.
[1] La libécratie est un 
néologisme inventé par l’auteur du présent papier appelant ainsi à la création d’un système politique adapté aux institutions profondes africaines, par lequel les populations africaines assureront elles-mêmes leur avenir.
 
 
    
 


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