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Les refoulements des migrants s ’intensifient dans les pays du MaghrebPourtant, les tentatives de passage ne cessent pasHassan Bentaleb
Mardi 13 Octobre 2020
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Les refoulements massifs des migrants vers leurs pays d’origine ou des pays tiers dévoilent-ils le nouveau visage des politiques migratoires des pays d’Afrique du Nord ? Selon Alarme Phone Sahara (APS), plus de 2.500 citoyens de différents pays d'Afrique subsaharienne ont été victimes des opérations de refoulements effectuées entre fin septembre et début octobre 2020 par le Maroc et l'Algérie. De son côté, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué que 540.000 migrants ont été expulsés de la Libye et de l’Algérie vers le Niger entre janvier et octobre derniers; soit le double du chiffre enregistré en 2018 (267.000 personnes). L’Algérie demeure le pays maghrébin le plus actif au niveau du nombre des personnes expulsées. Selon le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), près de 500 migrants ont été expulsés hebdomadairement de l’Algérie vers le Niger. MSF a évalué, de son côté, à près de 24.000 le nombre de ceux qui ont été expulsés, certains de force, vers le Niger, rien qu'entre janvier et octobre 2019. Selon le HCR, depuis le début de septembre, elle a expulsé plus de 3.400 migrants d'au moins 20 nationalités vers le Niger, dont 430 enfants et 240 femmes. Cela porte le nombre de personnes expulsées sommairement vers le Niger au cours de cette année à plus de 16.000, dont un peu plus de la moitié sont des Nigériens. Ces refoulements sont souvent effectués par des convois de camions ou de bus remplis de Nigériens qui sont remis à l'armée de leur pays dans ce que l'on qualifie d'opérations de rapatriement «officielles» alors que d'autres migrants sont transportés dans des convois de nationalités mixtes et abandonnés dans le désert près de la frontière. Le HCR a observé que les rafles et les expulsions en Algérie ont fortement augmenté depuis le début de la pandémie de Covid-19 en mars et que même des enfants non accompagnés et des enfants séparés de leur famille lors des rafles - certains âgés de moins de 10 ans - ont été détenus et expulsés. Pour Hassan Ammari, activiste auprès d’Alarmphone Watch the Med, les chiffres concernant le refoulement des migrants demeurent incomplets et inexacts puisqu’il s’agit seulement de données récupérées grâce à des témoignages, à des articles de presse ou à des organismes humanitaires ou autres. « Les expulsions des migrants se passent souvent en catimini, loin des caméras et des regards indiscrets. Cette situation est plus palpable dans le cas de l’Algérie et de la Libye où règne la culture du secret », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « La plupart des données sont récoltées au niveau des frontières entre l’Algérie et le Mali ou entre l’Algérie et le Niger, notamment au niveau de la ville d’Assamaka. Même le HCR et l’OIM sont très réservés concernant la publication de ces chiffres. Parfois, les deux organismes onusiens sont déconnectés de la réalité et ne savent rien sur ce qui se passe sur le terrain. Cette situation risque de perdurer en l’absence d’un observatoire indépendant qui fournirait des statistiques fiables pour toute la région ». Notre interlocuteur estime qu’il y a de nouveau un durcissement des politiques de refoulement depuis l’année 2017. Un durcissement qui atteste, selon lui, de la vigueur des pressions européennes sur les pays de transit des migrants. De son côté, Mohammed Charef, directeur de l'Observatoire régional des migrations, espaces et sociétés (ORMES) (Faculté des lettres et des sciences humaines d’Agadir) considère que les refoulements ont servi de monnaie d'échange dans les politiques migratoires des pays du Maghreb. Et cela ne concerne pas que les migrants subsahariens. « Souvenez-vous des expulsions opérées par les Algériens contre des migrants marocains ou celles opérées par les Libyens contre les Tunisiens ou par les Mauritaniens contre les Sénégalais », a-t-il rappelé. Et de préciser : « Les expulsions ont toujours existé et elles n’ont jamais cessé. C’est l’ampleur et le nombre des expulsés qui changent. Globalement, ces refoulements sont consentis et se font en préparation avec l’OIM, mais cela n’empêche pas qu’il y ait des expulsions forcées. Et ce genre de refoulements est possible dans des pays comme la Libye et l’Algérie vu qu’ils ont des frontières communes avec des pays subsahariens. Et ce n’est pas le cas du Maroc ou de la Tunisie. Les refoulements forcés coûtent cher et exigent toute une logistique ». Mais, est-ce que ces politiques de refoulement sont fructueuses ? « Absolument pas, répond Hassan Ammari. La preuve en est l’augmentation du nombre de tentatives de passage vers l’Europe. Sur certaines routes migratoires, nous avons constaté une augmentation de 200% à 300%. Tel est le cas des flux en provenance de l’Afrique de l’Est (Somalie, Soudan, Ethiopie…) ou de l’Afrique de l’Ouest (Cameroun, Guinée Bissau, Sénégal...) ». Et de préciser : « Nous avons constaté également la hausse des départs à partir du Rif où nous avons compté le passage de 175 personnes en seulement 72 heures. Les départs à partir des côtes algériennes ont également augmenté. Idem pour la Tunisie. Mieux, nous avons observé la réactivation des anciennes routes migratoires comme c'est le cas pour les routes en provenance du Liban qui étaient actives durant la moitié des années 1990 et le début des années 2000. C’est le cas également de la route maritime entre le Maroc et le Portugal qui était active entre 1995 et 1998 ou les routes des Îles Canaries. Il est clair que la situation de crise sanitaire liée au Covid-19 n’a pas empêché des milliers de jeunes de tenter de chercher de nouvelles perspectives sous d’autres cieux; notamment en Espagne et en Italie ». Pour sa part, Mohammed Charef estime qu'avec ou sans politiques d’expulsion, la question migratoire demeurera d’actualité tant qu’il y aura un déséquilibre mondial sur tous les plans (économique, social, juridique…) et tant qu’il y aura un besoin européen de migrants. « Il y a tout un pan de l’économie européenne qui dépend de la main-d’œuvre irrégulière. Même dans les forums internationaux, le patronat défend cette main-d’œuvre considérée comme moins coûteuse, maniable à volonté et corvéable à merci…)», a-t-il noté. Et de rappeler : «Pas plus tard que la semaine dernière, la France a organisé un pont aérien pour faire venir des saisonniers marocains en vue de « sauver les récoltes » de clémentines. Ce sont les agriculteurs corses qui ont financé les cinq vols ayant acheminé cette main-d’œuvre. Mais, cette nécessité reste non reconnue par les politiques». Concernant la réactivation des anciennes routes migratoires, le directeur de l’ORMES estime que cette réactivation est tout à fait normale. «Vous fermez les portes devant un migrant, il passe par la fenêtre. Et c’est connu que dès qu’un lieu de passage est surveillé, il devient plus dangereux et plus cher et, du coup, on cherche de nouvelles routes ou on revient aux anciennes qui ont tendance à être oubliées mais pas totalement. Prenez le cas du Maroc, Gibraltar a constitué, durant le début des années 2000, le point de passage essentiel pour les migrants, mais dès l’installation d’un système européen de surveillance, la situation a complètement changé avec l’émergence d’autres routes comme celle des Iles Canaries (qui ont constitué pendant les années 2007, 2008 et 2009 un point de passage important vers l’Espagne), l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Turquie par la suite», nous a-t-il expliqué avant de conclure : «Il faut préciser, cependant, que derrière ces évolutions, il y a des réseaux et des passeurs. En effet, emprunter ces routes ne peut pas se faire individuellement. C’est rare».
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