Les partis sont-ils prêts à des élections anticipées ? : « L’Etat aussi doit assumer ses responsabilités »


Narjis Rerhaye
Mardi 31 Mai 2011

D’un bout à l’autre de l’échiquier politique, la question taraude tous les états-majors partisans, sans exception. Les partis politiques peuvent-ils s’adapter au nouveau calendrier électoral ? Sont-ils prêts à aller à des élections anticipées qui seront organisées très probablement aux premiers jours d’octobre 2011, une année avant la date prévue ?
Nabil Benabdallah, le leader du PPS, est formel : aucune formation politique n’est réellement prête ni en ordre de bataille pour affronter ce rendez-vous électoral anticipé. « Je pense que sur ce plan nous sommes tous sur le pied d’égalité, car tout le monde se préparait pour 2012. Cela dit, il faut bien admettre que certains partis ont mieux travaillé que d’autres en étant constamment sur le terrain. Maintenant, de vrais problèmes se posent pour aller aux législatives, des problèmes qu’il va falloir régler en deux ou trois mois. Ce qui peut représenter une véritable gageure pour peu que l’on soit un vrai parti avec de vraies structures où priment les règles de la démocratie interne », explique le successeur d’Ismaïl Alaoui.
C’est l’épineuse  question des candidats et de la couverture de l’ensemble des circonscriptions qui occupe aujourd’hui toute l’attention des dirigeants politiques. « Il y a des choix à faire, des arbitrages qui se font parfois dans la douleur. En tout cas, les candidatures sont un processus long et qui, généralement, mûrit avec le temps. Le temps, c’est justement ce qui manque si nous allons à des élections anticipées ! », soutient le patron des anciens communistes.
Même son de cloche du côté du PJD où le choix des candidats aux législatives est loin d’être une simple formalité. Explications de Lahcen Daoudi, secrétaire général adjoint du parti des islamistes du Parlement : « Le PJD organise des congrès au niveau de chaque circonscription pour que soient élus les candidats qui vont représenter le parti aux élections. Ces candidatures doivent ensuite être validées par le conseil national. Autrement dit, nos procédures demandent trois ou quatre mois ».
« Sacrifier la bonne préparation des élections sur l’autel du gouvernement ! »
Aux candidatures viennent  s’ajouter le programme électoral, la stratégie de communication et les moyens financiers. C’est en tout cas ce que tient à rappeler Nabil Benabdallah qui parle volontiers de « nerf de la guerre ».
Autant de points qui laissent à imaginer que les partis, même s’ils sont aujourd’hui plusieurs à fourbir leurs armes pré-électorales, ne sont visiblement pas prêts à faire le grand saut des législatives. « Le PJD sera prêt s’il n’a pas d’autre choix », assure Lahcen Daoudi avant de souligner que les partis n’ont plus que deux mois pour se préparer. « Les élections demandent au moins six mois de préparation. Mais que voulez-vous, on risque de sacrifier la bonne préparation sur l’autel d’Abbas Al Fassi et son gouvernement ! », s’exclame-t-il.
A l’USFP, la question des élections anticipées se pose tout à fait autrement. « Il convient de se demander d’abord si la société est prête à ces législatives anticipées. Il faut surtout poser la question de savoir si l’Etat est, lui, prêt. Est-ce que la carte d’identité nationale sera généralisée ? Les lois électorales et celle relative aux partis seront-elles prêtes à temps ? Est-ce que la loi organique de la Chambre des députés sera promulguée dans les délais », se demande Ahmed Zaïdi, le président du groupe parlementaire USFP à la Chambre basse. Ce membre du Bureau politique du parti de la Rose s’empresse de préciser que sa famille politique n’est pas, ici, en train d’en appeler à un éventuel report des législatives mais tout simplement en droit de soulever des questions déterminantes pour l’avenir électoral. « L’Etat doit assumer ses responsabilités et ne pas reproduire les erreurs d’un passé très récent, celui des dernières élections. Dans le même temps, il ne faut pas perdre de vue que ces derniers mois, la société marocaine a donné à voir de nouvelles pratiques auxquelles personne n’est habitué. Qu’a prévu l’Etat si par exemple le verbe « dégage » est conjugué à tous les temps et à tous les modes lors d’une réunion électorale ? Je ne fais que me poser la question… »
 Les institutions ne peuvent plus être en décalage »
Au Rassemblement national des indépendants, on le dit haut et fort : pas question d’attendre que les partis soient prêts pour convoquer des élections anticipées. « Le pays ne peut pas se permettre le luxe d’attendre que les formations politiques soient prêtes ! Il y a aujourd’hui des secteurs entiers qui sont paralysés : la santé, l’enseignement, la justice, les investissements.  Le défi n’est pas que les formations politiques soient prêtes, le défi réside bel et bien dans le fait de relancer la machine avec de nouvelles institutions. Visiblement, les partis ne maîtrisent plus leurs troupes, n’encadrent plus. Je pense notamment aux médecins et aux enseignants, aux grèves. Du jamais vu. On ne peut plus traîner. Ce qui compte aujourd’hui par-dessus, c’est le pays », fait valoir Rachid Talbi Alami, membre dirigeant du RNI dont il est également le président du groupe parlementaire à la Chambre des députés.
A la veille du référendum pour l’adoption de la nouvelle Constitution qui sera organisé début juillet, le Maroc vit une sorte de situation d’exception où institutions et partis sont aux premières lignes. « Nous allons vivre deux échéances électorales qui se déterminent de manière réciproque, le référendum et les législatives. Voter une nouvelle loi va créer une situation nouvelle. Il est très difficile de maintenir le fonctionnement d’institutions comme le Parlement et le gouvernement qui seront complètement en décalage par rapport à la nouvelle Constitution et qui plus est décriés par l’opinion publique. Une réforme qui n’a pas de prolongement concret se dévalorise. Plus on tarde, plus la réforme sombrera dans une sorte de banalisation préjudiciable. Il ne faut pas oublier non plus que la rue est de plus en plus manipulée par le camp des anti-réforme », conclut cet Usfpéiste blanchi sous le harnais. 


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