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Des représentantes d’associations défendant les droits des femmes du Maroc, de Tunisie, d'Egypte et du Liban se sont penchées sur cette problématique en y apportant des regards croisés lors d’un séminaire régional organisé jeudi dernier à Casablanca par l’Institut national de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) en partenariat avec Batik International, une association française créée en 1998 œuvrant pour la réduction des inégalités des catégories sociales en situation de vulnérabilité telles que les femmes.
Dans son intervention d’ouverture, Meriem Othmani, présidente de l’Insaf, a souligné que cette ONG accompagne depuis 1999 les mères célibataires en leur offrant des services essentiels tels que l’aide psychologique pour surmonter la stigmatisation et reconstruire leur estime de soi, l’accompagnement juridique pour défendre leurs droits et ceux de leurs enfants, notamment en cas de reconnaissance de paternité, ainsi qu’un soutien matériel comme l’hébergement temporaire, la distribution de produits de première nécessité et une aide financière pour leur insertion sociale et professionnelle en mettant en place des programmes de formation pour les aider à devenir économiquement indépendantes.
Meriem OthmaniDans cette veine, Insaf les prépare à des métiers tels que la couture, la restauration ou d’autres secteurs porteurs, tout en leur facilitant l’accès au marché du travail.
Ce qu'on attend de la presse, c'est qu'elle nous
aide à rendre justice aux mères célibataires et à leurs enfants
Selon Meriem Othmani, Insaf œuvre également pour prévenir l’abandon des enfants nés hors mariage, tout en menant des campagnes de plaidoyer et de sensibilisation pour changer le regard de la société marocaine sur les mères célibataires et milite pour des réformes législatives en faveur de l’égalité et de la justice sociale.
En ce sens, elle a mis l’accent sur le rôle primordial de la presse et des médias dans cette lutte contre la discrimination à l’égard des mères célibataires. « Ce qu’on attend de la presse, c’est qu’elle nous aide à leur rendre justice », a-t-elle fait savoir.
Selon des données récentes, le phénomène des mères célibataires ne cesse de croître au Maroc, révélant des problématiques sociales complexes telles que l'absence de protection juridique pour les femmes et leurs enfants nés hors mariage, ainsi que l’inégalité des droits. Ces femmes, souvent marginalisées, doivent surmonter des obstacles qui vont bien au-delà des questions financières : elles se battent également pour la reconnaissance de leur dignité et celle de leurs enfants.
En effet, cette ONG a réussi à «autonomiser plus de 12.000 femmes, en leur offrant des sessions de formation, en les accompagnant pour monter leur projet et en les soutenant dans leur développement personnel», selon un document résumant le bilan de l’action de l’Insaf depuis un quart de siècle.
Insaf assure également un accompagnement administratif et juridique aux femmes célibataires. D’après son rapport d’activité de 2021, elle a assuré, à titre d’exemple, la déclaration à l’état civil de 294 enfants et adultes dont 77 déclarations dans le délai et 217 hors délai et a accompagné 8 mères célibataires dans l’obtention de leur carte d’identité nationale. « Les actions en justice concernent principalement la reconnaissance du mariage, de la paternité et la rectification de la déclaration de l’état civil. En 2021, 83 enfants ont obtenu une reconnaissance de paternité, 22 mères célibataires ont acquis une reconnaissance de mariage ou ont été accompagnées pour des démarches de mariage », lit-on dans ledit document.
De son côté, l’experte et consultante en matière de droits humains, Choumicha Riyaha, qui a modéré ce séminaire régional, a déploré le refus de recourir aux tests d’ADN pour établir la filiation paternelle. Celle-ci constitue, selon elle, la principale revendication des associations marocaines défendant les droits des femmes. Cela prive l’enfant né hors mariage de la reconnaissance paternelle et, partant, de ses droits : droit au nom de famille du père, droit à une reconnaissance légale ou à des droits d’héritage…
A rappeler que le Conseil supérieur des oulémas a donné récemment un avis légal sur les 17 questions qui lui ont été soumises dans le cadre de la révision du Code de la famille. Son avis a été conforme à la majorité de ces questions, alors que trois d’entre elles sont relatives à des textes formels n’autorisant pas l’Ijtihad à leur sujet, en l’occurrence celles se rapportant au recours à l’expertise génétique pour établir la filiation paternelle, à l’abrogation de la règle du Taâsib et à la successibilité entre un musulman et un non musulman.
Amina KhalidPour sa part, Sarahi Gutierrez, directrice de Batik International, a relevé, sur la base de données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), que les structures familiales sont en évolution constante, notamment en ce qui concerne la proportion des familles monoparentales qui a augmenté de 1.5%, soulignant que ces femmes se retrouvent confrontées à des obstacles culturels mais aussi religieux, les empêchant d’accéder aux services essentiels.
Tout le monde sait que la société marocaine est conservatrice,
mais l'on constate en même temps que des enfants
naissent de relations extraconjugales et que leur nombre va crescendo
Elle a indiqué qu’en France par exemple, 39% des familles monoparentales qui sont "gérées" par des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, soulignant que la principale difficulté que rencontrent les mères célibataires dans le monde réside souvent dans les structures patriarcales qui les fragilisent, les exposant à la pauvreté et à la précarité.
A cet égard, Sarahi Gutierrez a soutenu que l’une des problématiques majeures rencontrées par les mères célibataires dans la région MENA réside dans les obstacles bureaucratiques ainsi que la difficulté d'accès aux services sociaux, affirmant que cela se traduit par une discrimination à l’embauche et une précarité économique dont souffrent ces mères et enfants.
Pour sa part, Amina Khalid, secrétaire générale de l'Insaf, a indiqué que ce séminaire régional intervient à la lumière du débat en cours au niveau national sur le Code de la famille et les amendements attendus de celui-ci, avec notamment les revendications soulevées par le mouvement des femmes
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Elle a souligné que le nombre d'enfants nés de relations extraconjugales est en hausse, ce qui nécessite des mesures pour trouver une solution au phénomène des mères célibataires.
Amina Khalid a mis l’accent sur un paradoxe qui ne concerne pas uniquement la société marocaine, mais également les pays de la région. «Tout le monde sait que la société marocaine est conservatrice, mais l’on constate en même temps que des enfants naissent de relations extraconjugales, et leur nombre va crescendo», a-t-elle rappelé, ajoutant que «la mère célibataire et l'enfant sont victimes de stigmatisation, et la famille les rejette, les rendant vulnérables et fragiles».
Choumicha Riyaha« Il est grand temps de trouver une solution à ce dilemme que connaît la mère sans défense », a-t-elle souligné, ajoutant que le gouvernement assume ses responsabilités en œuvrant à l’application des conventions internationales relatives aux droits des femmes et de l’enfant.
Je déplore le fait que le recours aux tests d'ADN
soit refusé pour rétablir la filiation paternelle,
alors qu'il s'agit de l'une des principales revendications des associations féministes
De son côté, Hayat Ouertani, psychologue et membre du bureau de l'association tunisienne Amal pour la famille et l'enfant, a fait savoir que les mères célibataires sont confrontées à des défis majeurs notamment des pressions sociales et juridiques, ainsi que des conditions économiques qui pouvont entraver leur promotion au sein de la société.
La militante féministe tunisienne a précisé dans son intervention que «malgré les progrès réalisés par la Tunisie dans le domaine des droits des femmes, cette catégorie sociale souffre encore de plusieurs problèmes rendant sa vie plus difficile», tout en rappelant que l'administration de la famille au sein du ministère tunisien de la Condition féminine enregistre chaque année entre 1.200 et 1.500 naissances hors mariage légal.
Elle a déclaré que divers chiffres publiés par les autorités officielles indiquent que la majorité de ces naissances sont enregistrées chez des filles célibataires âgées de 15 à 24 ans, et que les niveaux d'éducation des mères célibataires vont de l'analphabétisme au niveau primaire, et dans le meilleur des cas, l’enseignement secondaire et appartiennent à des milieux sociaux précaires sur le plan économique et éducatif.
Hayat Ouertani a rappelé que même s'il n'existe pas de lois spéciales pour les mères célibataires, un certain nombre de mesures sont prises pour prendre soin d'elles, que ce soit pendant la grossesse, l'accouchement ou après. La loi tunisienne accorde à toutes les femmes le droit d'avorter pendant les trois premiers mois de la grossesse.
Jomana Marai, directrice de l’Institut arabe des droits de l’Homme au Liban, a, quant à elle, souligné que la situation des mères célibataires au Liban est presque identique à celle des autres pays de la région. Néanmoins, la spécificité du Liban par rapport aux autres pays, c’est que le système communautaire, les tensions et les guerres aggravent énormément leur situation.
«Toutes ces circonstances amplifient la tragédie des mères célibataires et de leurs enfants au Liban», a-t-elle fait savoir, voyant dans les changements politiques qu’a connus récemment le Liban avec l’élection d’un nouveau président de la république, Joseph Aoun, et la nomination d’un nouveau chef de gouvernement, l’éminent juriste Nawaf Salam, une lueur d’espoir notamment en matière de droits de l'Homme, et tout particulièrement ceux des mères célibataires et de leurs enfants.
Il convient de rappeler que les organisateurs ont mis l’accent sur l’importance d’une coordination régionale et d’un suivi rigoureux des recommandations issues de ce séminaire, pour garantir des progrès concrets et durables quant à la protection des droits des mères célibataires et de leurs enfants.
Mourad Tabet