Août dernier fut le mois funeste de la disparition précoce du zajjal (poète composant ses vers en darija) Abdelkarim Mahi, ami de tous les acteurs du champ culturel de la ville de Mazagan. Associations et personnes de tout bord ont témoigné, chacun à sa manière, de l’immense sensibilité artistique du défunt.
« Apprenez à vos enfants à débarrasser de mon sentier les pierres
Je ne suis qu'un barjot
Être libre, c'est mon droit. »
De ce ton injonctif du tercet intitulé «Larme du barjot» et extrait de son recueil «Les larmes de l’eau» publié en juillet 2022, et à l’instar des démarches artistiques l’ayant mené vers des expériences musicales et théâtrales, se ressentait, chez feu A. Mahi, ce désir ardent d’affirmer sa singularité créative, loin des diktats de la société. Il tenait à composer sa vie par l’entier détachement de tous les impératifs du confort casanier, car seul primait pour lui, la quête des propos versifiés que lui inspiraient les lieux à palabres.
D’ailleurs, tout le microcosme culturel de la ville d’El Jadida ayant côtoyé le défunt, lui attribuait cet air d'iconoclaste, que lui-même assumait et affichait fièrement par ses accoutrements atypiques. De ses costumes d'apparat de circonstance, on le qualifiait d'extatique, combien même il aimait user des aphorismes sentencieux, il tenait mordicus à épargner à son support dialectal, l'emballage digest des allusions religieuses.
Dans ses dits crus et courroucés, étonnés par sa voix rauque, il surjouait le rôle du chantre des marginaux que la modernisation forcenée a infligé aux tissus social et économique d’une ville longtemps appréciée par sa douceur de vie, aujourd'hui assiégée par le cortège des désœuvrés logés dans des faubourgs malfamés.
Plongé malgré lui dans cette esthétique de la dystopie, que certains ont interprété à tort comme un penchant suicidaire, ses cris assonancés espéraient faire écho aux jérémiades des mal lotis et sa tentative «de briser la normalité et de combler l'impérissable désir de beauté» (1), car comme l'a fait remarquer Milan Kundera «L'homme à son insu compose sa vie d'après les lois de la beauté, jusque dans les instants du plus profond désespoir » (2).
Par Mohammed Ziane
1 : Jurgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, page 11, éditions Gallimard.
2 : Milan Kandera, L'Insoutenable légèreté de l'être, page 81, éd. Folio.
« Apprenez à vos enfants à débarrasser de mon sentier les pierres
Je ne suis qu'un barjot
Être libre, c'est mon droit. »
De ce ton injonctif du tercet intitulé «Larme du barjot» et extrait de son recueil «Les larmes de l’eau» publié en juillet 2022, et à l’instar des démarches artistiques l’ayant mené vers des expériences musicales et théâtrales, se ressentait, chez feu A. Mahi, ce désir ardent d’affirmer sa singularité créative, loin des diktats de la société. Il tenait à composer sa vie par l’entier détachement de tous les impératifs du confort casanier, car seul primait pour lui, la quête des propos versifiés que lui inspiraient les lieux à palabres.
D’ailleurs, tout le microcosme culturel de la ville d’El Jadida ayant côtoyé le défunt, lui attribuait cet air d'iconoclaste, que lui-même assumait et affichait fièrement par ses accoutrements atypiques. De ses costumes d'apparat de circonstance, on le qualifiait d'extatique, combien même il aimait user des aphorismes sentencieux, il tenait mordicus à épargner à son support dialectal, l'emballage digest des allusions religieuses.
Dans ses dits crus et courroucés, étonnés par sa voix rauque, il surjouait le rôle du chantre des marginaux que la modernisation forcenée a infligé aux tissus social et économique d’une ville longtemps appréciée par sa douceur de vie, aujourd'hui assiégée par le cortège des désœuvrés logés dans des faubourgs malfamés.
Plongé malgré lui dans cette esthétique de la dystopie, que certains ont interprété à tort comme un penchant suicidaire, ses cris assonancés espéraient faire écho aux jérémiades des mal lotis et sa tentative «de briser la normalité et de combler l'impérissable désir de beauté» (1), car comme l'a fait remarquer Milan Kundera «L'homme à son insu compose sa vie d'après les lois de la beauté, jusque dans les instants du plus profond désespoir » (2).
Par Mohammed Ziane
1 : Jurgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, page 11, éditions Gallimard.
2 : Milan Kandera, L'Insoutenable légèreté de l'être, page 81, éd. Folio.