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Les hauts cadres, c’est désormais l’affaire des walis et gouverneurs.

Leur recrutement, promotion, sanction ou révocation ne relèvent plus des compétences des présidents des collectivités territoriales


Hassan Bentaleb
Lundi 24 Juin 2024

Séparer le politique de l’administratif

Désormais, les walis et gouverneurs auront le pouvoir d'approuver la nomination, le licenciement et la mise à terme des affectations liées aux postes de direction dans l'administration des collectivités territoriales. Un décret du ministre de l'Intérieur, publié récemment dans le B.O, délègue aux walis des régions et aux gouverneurs des provinces, le pouvoir de prendre des décisions concernant les postes à responsabilité dans l'administration des collectivités territoriales, y compris les établissements de coopération intercommunale et les groupements de collectivités territoriales.

Ce pouvoir comprend le droit de ratifier les décisions et les contrats de nomination, de révocation et de cessation de fonctions, ce qui confère aux walis et gouverneurs des pouvoirs plus étendus dans la gestion des affaires locales. Toutefois, la décision a exclu les postes de directeur général des services de l'administration des régions et de la commune de Casablanca, ainsi que celui de  directeur de l'agence régionale pour la réalisation des projets, ce qui témoigne de l'importance et de la spécificité de ces postes.

Normale et nécessaire

Pour Abdelhamid Naji, spécialiste de la gestion des collectivités territoriales, il s’agit bien d’une décision « normale » qui n’est qu’un prolongement d’une autre qui a été promulguée en début d’année  concernant l’encadrement des postes des hauts cadres au sein des collectivités territoriales. Il estime également que cette décision est « nécessaire » afin d’encadrer les questions relatives aux conditions et procédures de recrutement à mettre en place.

« Le ministère tente ainsi de tirer le tapis sous les pieds des présidents des communes et d’offrir une stabilité d’emploi à ces cadres peu nombreux et difficiles à recruter. En effet, le nombre de hauts cadres dans nos communes est en chute libre et en 2025, on risque un départ massif de ces compétences. L’exemple de la ville de Rabat est édifiant. Elle souffre aujourd’hui d’un manque important de cadres techniques, d’ingénieurs, de médecins et autres. Ainsi, ladite décision a pour ambition de renforcer la position de ces cadres qui désormais ne peuvent plus être licenciés d’un trait de plume ».

Rapports de force

S’agissant des relations entre ces cadres et les présidents des communes, notre interlocuteur observe que ces liens ne sont pas un long fleuve tranquille. Il affirme, à ce propos, qu’il n’y a pas de relation de confiance ni de coopération productive ; au contraire, ce sont les rapports de force et les relations hiérarchiques qui dominent. Il souligne également que ces cadres sont souvent victimes de chantage, prenant fréquemment la forme de menaces de licenciement.

« Ces cadres montrent souvent du courage et disposent des capacités nécessaires pour affronter les présidents des communes, notamment dans les dossiers qui présentent des doutes juridiques, ce qui engendre des conflits entre les deux parties », explique-t-il. « Il est important de noter, cependant, que ces relations ne sont pas à sens unique. Les tensions et les confrontations peuvent émaner des deux côtés », observe-t-il.

En effet, les présidents des communes exercent leur pouvoir et leur autorité pour imposer leurs décisions, souvent sans tenir compte des avis techniques et juridiques des cadres. Cela crée un climat de méfiance et de tension constante. Les cadres, de leur côté, tentent de défendre leur position et leur intégrité professionnelle, ce qui les conduit à entrer en confrontation directe avec les présidents lorsque des décisions controversées sont en jeu.

« Ces situations conflictuelles peuvent être exacerbées par des enjeux politiques et personnels, rendant les relations encore plus compliquées. Les cadres se retrouvent souvent dans une position délicate, devant jongler entre la fidélité à leur rôle et la pression exercée par les autorités municipales. Ils doivent faire preuve de diplomatie et de fermeté pour naviguer dans ces eaux tumultueuses, tout en cherchant à maintenir leur emploi et leur réputation professionnelle », constate notre interlocuteur.

Vers un nouveau système

L’intervention du ministère de l’Intérieur ne peut-elle pas être considérée comme une ingérence dans la démocratie locale ? « Absolument pas », nous a répondu Abdelhamid Naji, qui estime qu’il est temps pour que le ministère de tutelle intervienne dans l’encadrement de cette relation. Il est grand temps également, selon lui, de préparer l’avenir des communes et de la régionalisation avancée en séparant le politique de l’administratif. D’après lui, la séparation des pouvoirs s’impose comme inéluctable.

« Les élus sont moins initiés à la gestion administrative et, malgré cela, ils interviennent dans le fonctionnement administratif et jouent ainsi sur les deux registres (politique et administratif). Mais avec ledit décret, le département de l’Intérieur a donné un signal fort indiquant que les temps vont changer et qu’on va s’acheminer vers une séparation entre le politique et l’administratif », précise-t-il. Et de poursuivre : « Chacun sera ainsi responsable de sa gestion et devra rendre des comptes. Cela va en symbiose avec l’évolution de la politique de décentralisation et celle visant l’amélioration de l’encadrement des collectivités territoriales ».

A ce propos, notre source explique qu’il faut s’attendre à une série de décisions qui se focalisent sur la séparation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales. « Le président de la commune ne sera plus le maître du jeu et les cadres seront soumis aux dispositions de la loi. En d’autres termes, il faut s’attendre à plus de responsabilité de la part des acteurs locaux et à davantage de contrôle. Nous avançons dans cette direction à petits pas, mais c’est sûrement le résultat escompté ».

Hassan Bentaleb


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