Les flots d’immigration massive et le rêve d’une vie meilleure


Par Hassouni Kaddour Ben Moussa *
Mardi 8 Juillet 2014

Les flots d’immigration massive  et le rêve d’une vie meilleure
Depuis une décennie, un grand nombre de personnes originaires d’Afrique subsaharienne arrive au Maroc. Avant de rejoindre le Royaume, ces émigrés ont traversé plusieurs pays au cours d’un périple qui peut durer plusieurs années. Une fois sur le territoire marocain, ils se dirigent vers les villes d’Oujda ou de Taourirt et de là, vers Tanger ou les alentours de Sebta et Mellilia occupées. Les immigrants s’adonnent à la mendicité dans les rues et marchés, phénomène qui gêne les citoyens. En 2012, plus de 3000 immigrés clandestins ont tenté de traverser les barrières grillagées des deux villes marocaines occupées Sebta et Mellilia.
La nouvelle politique migratoire du Maroc est, en effet, en faveur des pays européens  puisqu’elle constitue un obstacle qui peut arrêter les flots migratoires vers l’Europe. Mais cette nouvelle politique nécessite pour son succès, l’adoption d’initiatives d’accompagnement  régionales, voire internationales. Il s’agit d’un défi difficile à gérer que les pays les plus riches ont échoué à relever. Il serait  toutefois légitime dans ce contexte de considérer que les pays connaissant les plus forts taux d’immigration sont exposés aux plus grands troubles sociaux. L’Europe prend conscience que sa sécurité implique d’empêcher ces flots humains de traverser ses frontières et de soutenir la réforme économique et sociale au Maroc.  Notre pays n’est pas uniquement un lieu de transit mais également une terre de séjour. Il ne suffit donc pas de publier un rapport politique vague sur l’immigration, car on ne peut pas résoudre ce problème à partir des aspirations et des souhaits. Le Maroc doit être un pays très riche pour gérer le phénomène de l’immigration. Dans toute l’histoire de l’humanité, les mouvements sociaux ne se sont jamais déployés, sans, au minimum, les conditions préalables d’une situation matérielle défavorable à ceux qui les animent. La forte immigration constituerait la cause des troubles sociaux violents qu’ont connus, par exemple, les banlieues de Paris en 2005. Si corrélation n’est pas causalité, il serait toutefois légitime dans ce contexte de considérer que les pays qui connaissent les plus forts taux d’immigration sont exposés aux plus grands troubles sociaux et où les taux de chômage des jeunes «non étudiants bien sûr» sont les plus élevés : Espagne, France par exemple, c’est le désordre social. Les immigrés sont incapables de payer  leurs loyers exorbitants. On constate que ce taux  en Espagne atteint presque 10% et en France 22%, alors que le taux de chômage en Espagne atteint 46,4% et en France 14,1%.
Après avoir largement profité d’une main-d’œuvre immigrée à bon marché parce qu’elle acceptait des conditions de travail et de vie très précaires, l’Europe prend conscience de cette  «manne» de travailleurs venus du tiers monde, notamment des pays de l’Afrique du Nord. Mais lui donne aussi des responsabilités. Elle se trouve aujourd’hui confrontée à des problèmes sensibles (xénophobie, racisme, terrorisme…), dont certains sont communs entre Etats. Elle doit coordonner ses efforts pour apporter une réponse aux flux migratoires durable et conforme à ses valeurs mais, l’histoire coloniale, les facteurs géographiques, économiques et démographiques  constituent des contextes bien différents d’un pays à l’autre.
Examinons par exemple le cas de la France devenue un pays d’immigration avec un siècle d’avance sur ses voisins. L’Europe peut promouvoir une vision plus juste  sur les réalités d’une immigration réciproquement enrichissante et dynamique à condition qu’elle  repose sur un respect et un dialogue mieux équilibré. La pression des opinions publiques ne doit pas se porter sur le renforcement du contrôle des frontières, mais se tourner plutôt vers le respect de la dignité de la personne d’où qu’elle vienne. Des personnalités politiques telles que Jacques Delors et Michel Rocard soutenaient déjà cet impératif. Si l’opinion publique réclame plus d’ouverture et de respect, comme le font déjà de nombreuses ONG, peut-être l’UE saura-t-elle convenir d’une plateforme garantissant des conditions d’accueil et d’intégration, le droit de tous à un traitement humain ?
La cause la plus souvent invoquée pour expliquer les migrations, c’est la misère au sens économique du terme, c’est-à-dire l’écart quantitatif des niveaux de vie entre pays riches et pays pauvres. Or si l’on met à part les pays dits émergents, cet écart va croissant. Dès lors, le flot de migration devrait, lui aussi, aller grandissant. Si l’on n’y prend pas garde, c’est toute la misère du monde qui finirait par déferler sur les pays européens qui ne peuvent pas recevoir tous les misérables de l’Afrique via le Maroc, notre pays ne supportant pas ce flot massif d’immigrants parfois sans identité. Selon les experts,   la pauvreté est le moteur principal de la migration, mais  elle n’est pas la seule cause. Si la personne a le sentiment que par ses efforts elle peut améliorer sa situation, elle ne partira pas. Les migrants viennent le plus souvent de pays bloqués ou verrouillés, où l’égalité des chances n’existe pas,  où aucune perspective de transformation n’est concevable, où toute initiative se heurte à l’inertie, où règnent la  corruption, l’oppression et la dictature, et où aucune action collective n’est possible pour apporter des changements. Dans ces conditions défavorables, le départ est un choix rationnel. Mais la question qui se pose est la suivante : est-ce que le  Maroc peut relever ce défi et répondre aux demandes et attentes des immigrants misérables ?    
 
* Avocat au barreau d’Oujda


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