Les erreurs médicales entre omerta et souffrances

Les laissés-pour-compte de la politique de santé demandent justice


Naima Cherii
Mardi 1 Juillet 2014

Les erreurs médicales entre omerta et souffrances
Les erreurs médicales continuent de faire la Une de la presse nationale. Les cas médiatisés sont toujours choquants pour  les familles des victimes mais aussi pour l’opinion publique. La dernière affaire en date est celle de Rabab Tetouani, une jeune fille de 21 ans, décédée, il y a quelques jours, dans un hôpital public à Tanger. Convaincus que leur fille a été victime d’une erreur médicale et d’une négligence totale, les parents de Rabab veulent savoir ce qui s’est réellement passé et demandent l’ouverture d’une enquête immédiate sur les circonstances du décès de leur fille. 
Depuis qu’elle a été hospitalisée, « Rabab est devenue plus malade encore qu’elle ne l’était en entrant à l’hôpital. Ses difficultés sont devenues plus nombreuses et son poids n’a cessé de croître», affirme la famille, qui parle même de négligences graves et d’erreur médicale concernant le staff médical. Pour la famille de Rabab, qui compte donc porter plainte devant la justice, «le début d’un calvaire pour la famille a commencé avec l’hospitalisation de Rabab, laquelle a été victime d’un traitement inhumain, de négligence et de malveillance de la part du staff médical». Et c’est cette négligence qui aurait entraîné son décès, a-t-on déploré. 
Cette négligence, déplore la famille, «a malheureusement aggravé l’état de santé de Rabab. Au bout de trois mois, elle est devenue  méconnaissable. Ses problèmes de santé sont devenus encore plus nombreux et son poids n’a cessé d’augmenter pour atteindre 235 kg, suite à un dysfonctionnement hormonal». Pire, soutient la famille, «c’est le mauvais diagnostic et la négligence de l’équipe soignante qui ont coûté la vie à Rabab, laquelle souffrait d’une maladie rare et de problèmes respiratoires». 
«Dès le début, il n’a pas été fait de bon diagnostic concernant la situation de Rabab. On a beaucoup tardé à poser celui-ci. Rabab suivait un traitement médical qui n’était pas du tout réussi. On lui a administré beaucoup de comprimés que l’on prescrit normalement pour les malades cardiaques alors qu’elle souffrait de problèmes respiratoires et non de problèmes cardiaques», affirme la famille, qui accuse donc les médecins d’avoir commis des erreurs dans leur diagnostic. Et cela «a entraîné la détérioration de la santé de la jeune fille». Laquelle, a-t-on appris, a été hospitalisée dans un hôpital public à Tanger, pendant trois mois, dans une chambre où il y avait des malades atteints de tuberculose.
Mais les négligences n’existent pas seulement dans les hôpitaux publics.  Les cliniques privées sont aussi concernées par ce problème. La douloureuse expérience, Badia Dref, une autre victime d’erreur médicale, l’a également vécue. Une simple opération chirurgicale au niveau de l’oreille droite aurait pu tourner au drame, a-t-elle affirmé. Les faits remontent au mois de février 2014. Badia Dref, qui souffrait de douleurs intenses, avait été admise, le 7 février dernier, à une clinique privée de  Casablanca pour y subir une opération.
«Après cette intervention chirurgicale au niveau du tympan, les choses ont mal tourné. La situation aurait pu devenir plus grave si ma famille ne m’avait pas hospitalisée dans une autre clinique de la place. A l’heure où je vous parle, j’aurais peut-être été dans l’au-delà », lance Badia Dref, non sans émotion.
 Notre interlocutrice, qui affirme avoir été victime d’une erreur médicale et aussi de négligence de la part de l’équipe soignante, raconte qu’elle est allée consulter un autre médecin spécialiste qui l’a informée de l’échec de l’opération qu’elle venait de subir et sa famille a donc décidé de l’hospitaliser dans une autre clinique privée de la capitale économique. Cette fois, fort heureusement, les choses sont rentrées dans l'ordre, poursuit notre interlocutrice. «Plusieurs semaines plus tard, grâce aux nouveaux médicaments prescrits par le médecin spécialiste, j’ai pu me rétablir et je commence aujourd’hui, après plusieurs mois de l’opération, à mener ma vie plus ou moins normalement», a-t-elle souligné. 
Mais Badia ne compte pas en rester là. même si elle sait qu’il serait difficile de faire prévaloir ses droits. Elle envisage d’entamer les premières démarches pour porter plainte devant les tribunaux contre la négligence du staff soignant. Elle estime «irresponsable la façon dont elle a été traitée par l’équipe médicale et tient absolument à la poursuivre en justice pour réparer le préjudice qu’elle a subi pendant plusieurs mois après une simple opération chirurgicale». 
Au Maroc, on parle de plus en plus de «fautes médicales», une problématique ayant, d’ailleurs, été récemment abordée pour la première fois lors d’un colloque national à Casablanca. Au menu des discussions : lancer un débat sur une future loi devant combler le «vide juridique» qu’il y a actuellement à ce niveau. Car si les recours sont aujourd’hui nombreux devant les tribunaux contre les erreurs de staffs médicaux, aussi bien dans le domaine public que privé, les lois régissant le domaine sont dépassées et ne permettent nullement de prouver les erreurs médicales. «La responsabilité de l’erreur médicale reste difficile à déterminer, car ignorée par la législation marocaine qui, à la différence des autres pays, l’a reléguée au domaine des règles de conduite relatives à la responsabilité civile», avait même reconnu le ministre de la Santé, Lahoucine Louardi devant la Chambre des conseillers, il y a quelques semaines. 


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