Les créateurs du sud-est aux couleurs de la pluralité


Aziz Baha
Samedi 20 Mars 2010

Une première dans les annales culturelles de la région du Tafilalet. A l’initiative de la Faculté polydisciplinaire d’Errachidia, les créateurs de la région ont été honorés pour leurs œuvres. Un signe de richesse renvoyant au Maroc pluriel.
La journée consistait à présenter tous les créateurs de la région au grand public, notamment aux étudiants. Une manière de leur rendre hommage, mais aussi de créer un espace de rencontre et d’échange entre artistes de tous bords, qui s’inspiraient certes d’une même géographie, mais s’extériorisaient dans différentes langues, sur fond d’une diversité culturelle.   «Chaque acte créatif est intéressant en soi, dans la mesure où il véhicule une valeur esthétique certaine, digne d’être appréciée et valorisée», a d’emblée expliqué Abdelkebir Georgi, universitaire et membre du comité d’organisation, lors de la cérémonie d’ouverture, dédiant cette journée à feu Abdelkader Mekkioui, un artiste plasticien et acteur associatif d’Errachidia qui venait de nous quitter.
Au niveau littéraire, les écrivains s’exprimaient en trois langues : arabe, amazigh et français. Chaque catégorie linguistique comptait des genres (poésie, roman, nouvelle) qui, à leur tour, se déclinaient en expériences personnelles singulières et parcours différents. Chacun y va de sa verve créative.  «Le moment d’écriture est une situation en dehors du temps et de toutes les références habituelles du quotidien; c’est un moment qui ne peut être relaté avec l’objectivité requise», a indiqué le nouvelliste Hassan Lechhab, pour qui l’écrivain choisit un exil volontaire.
Animée par l’universitaire Said Karimi, la première séance a vu défiler une dizaine d’écrivains, dont le critique Ahmed Tayea, les poètes Mohamed Chaker et Lahcen Ayyi, le nouvelliste Miloud Benbaki, ainsi que le parolier du Melhoun, Mustapha Abdessami Alaoui.
« Bien que je n’aie pas eu de formation académique, mes lectures étaient ouvertes au début sur tous les genres et mes premières créations alternaient poésie, nouvelle et théâtre, avant d’opter pour la poésie», a précisé Mohamed Chaker, un sexagénaire, qui écrit, dit-il,  «par besoin biologique».
Pour le volet amazigh, le public a écouté les poèmes de Moha Ikken et Mohamed Agoujil, mais c’est bien avec les timdiazins chantées par le poète Omar Taous que l’amphithéâtre allait vibrer sous un tonnerre d’applaudissements. Si les premiers vers ciselés par Taous remontent à près de trente ans, ce n’est qu’en 2008 que son recueil poétique en tifinagh sera adopté en guise de manuel scolaire. Un signe de reconnaissance d’une portée symbolique.  La longue et riche expérience de Moha Souag, en tant qu’écrivain d’expression française, ne pouvait être omise lors de chaque journée. L’auteur de « La femme du soldat » montre que la création émane également de cette marge susceptible de devenir une source d’inspiration, lorsqu’on dialogue avec son terroir, dans un style électrique et sensible aux questions de l‘homme.
Les artistes plasticiens et musiciens se passeront pour une fois de leurs pinceaux fétiches et leurs chers instruments, pour épouser un verbe clair et précis. Said Njima, Moha Malal, deux peintres de renom au sud-est, ont appelé à sortir ce genre artistique de son aspect traditionnel à travers la formation.
Mais c’est le jeune artiste musicien Mbarek Oularbi, du groupe Saghru Band, qui a le plus marqué la journée par son sens de l’engagement. « L’on a certes besoin d’un art de qualité, mais l’on ressent davantage la nécessité d’exprimer un art véhiculant en même temps des valeurs et des messages en faveur de l’homme. Un signe d’engagement qui clôture en beauté une journée qui s’érigera désormais en rendez-vous annuel.


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