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S’il est un champ de formation au sein de l’espace éducatif marocain où l’excellence n’est pas uniquement un concept mais une composante inhérente à la pratique de l’enseignement, c’est bien celui des CPGE (Classes préparatoires aux Grandes écoles). D’inspiration française, ce système des CPGE transposé au Maroc, la première fois dans sa filière scientifique depuis une vingtaine d’années, représente un acquis, mais un acquis fragile. Un acquis, en effet, car ces Prépas constituent un lieu de formation exigeante destinée aux meilleurs de nos bacheliers qui s’orientent vers ce créneau afin de s’y préparer aux concours d’accès aux grandes écoles. Cette formation ayant fait ses preuves, le ministère de l’Education nationale a progressivement ouvert de nouveaux Centres CPGE un peu partout au Maroc, toutes filières confondues, de sorte que dans chaque région du pays il y en ait au moins un. La mention explicite de ces Prépas dans le Plan d’urgence témoigne de la volonté politique de promouvoir ce système dont la vocation illustre parfaitement les principes de qualité et d’excellence tant préconisés au plus haut niveau de l’Etat.
Toutefois, qu’adviendrait-il de cette élite d’étudiants au cas où un jour les grandes écoles qui les accueillent auraient modifié leurs modalités d’accès ou que des étudiants n’auraient pas réussi à intégrer telle ou telle école puisqu’ils sont confrontés à un concours ? Cette question hypothétique se pose concrètement depuis cette année, au présent et avec acuité. Cela concerne notamment les étudiants des CPGE lettres et sciences humaines. Suite à l’annulation de l’agrégation, désormais, semble-t-il, accessible aux seuls titulaires d’un master, les taupins littéraires se retrouvent, du coup, privés de cette perspective qui constituait jusque-là leur principale motivation dans leur choix des Prépas. Il est vrai qu’ils n’accédaient pas tous à cette formation fort sélective, qui s’étalait sur trois ans ; il est vrai aussi que beaucoup d’entre eux réussissaient plutôt au CPR (Centre pédagogique régional) où une formation d’un an leur permettait de devenir professeurs du cycle secondaire collégial. Mais, dès lors qu’ils n’accèdent ni à l’une ni à l’autre formation, ils devaient en toute logique pouvoir poursuivre leurs études en faculté, en l’occurrence en licence. Or, il n’existe pas d’équivalence formelle qui assure ce passage automatique de la seconde année Prépas à ce niveau de l’université. En France dont il aurait fallu s’inspirer jusqu’au bout, cette possibilité existe de fait. Pourquoi pas chez nous ? Parce que les normes universitaires marocaines seraient plus exigeantes qu’en France ? Rien n’est moins sûr. Parce que le degré de difficulté des programmes en CPGE serait en-deçà de ce qui s’enseigne dans nos facultés ? Pourquoi alors l’accès aux Prépas n’est à la portée que des meilleurs de nos bacheliers ? Parce que le système LMD (Licence-Master-Doctorat) est incompatible avec les curricula et programmes des CPGE ? Comment se fait-il alors que les étudiants issus des deux parcours se présentent également aux mêmes concours (à savoir l’agrégation, le CPR) ? Il est inutile de rappeler que les taupins s’en sortent généralement mieux que les licenciés lors de ces dites formations. Mais qu’importe. C’est peut-être juste un hasard des choses, car le pire et le meilleur se trouvent, au demeurant, partout.
Il faut dire que même le CPR risque, dès l’année prochaine, de s’adresser aux seuls titulaires d’une licence. Si tel devait être effectivement le cas, les CPGE littéraires n’auraient plus aucune raison d’exister : un brillant littéraire, aussi insensé soit-il, n’emprunterait jamais un détour de deux années extrêmement éprouvantes et finalement inutiles puisque ce chemin de croix ne mène nulle part.
Au lieu d’élargir ou du moins d’entretenir ces CPGE –dont il n’existe que deux centres dans tout le pays : à Rabat et à Meknès-, on procède à l’inverse avec le sentiment réellement ou faussement sincère de perfectionner notre système éducatif. Car, et sans vouloir porter un quelconque préjudice à la respectabilité de notre université, ce n’est pas cette dernière qui fait rêver l’élite de nos élèves. Il est scandaleux de faire de l’université la seule trajectoire qui fasse aboutir à la formation professionalisante alors que récemment encore c’est le ministre de l’Emploi en personne qui a souligné l’inadéquation des enseignements universitaires avec les attentes du marché. D’où la création de la fameuse licence professionnelle dont la pertinence reste à prouver.
En fait, le cauchemar qu’on fait vivre aujourd’hui à nos étudiants des CPGE lettres et sciences humaines ne résulte pas d’un simple accident technique, effet anodin d’une restructuration globale de la formation, somme toute bénéfique ; ce cauchemar s’inscrirait dans l’orientation conservatrice qui détermine les réflexes de certains décideurs –universitaires entre autres- qui semblent se sentir à l’étroit chaque fois qu’ils ont affaire à un mode culturel made in France, en l’occurrence les CPGE. Le dernier exemple en date qui a généré une tension larvaire au sein même du personnel universitaire remonte à l’affaire des doctorats français dont la reconnaissance officielle n’est pas décrétée à ce jour. A terme, il est à craindre que cette malédiction qui frappe cette année la crème de nos littéraires n’affecte un jour leurs homologues des CPGE scientifiques.
Le problème serait ainsi lié à une culture ambiante chez nous. Quand le premier responsable dans plus d’une université méconnaît, aux dires des taupins, l’existence même de ces Prépas littéraires pourtant mises en place au Maroc depuis plus d’une décennie, quand l’étudiant issu de ces classes, après avoir été trié sur le volet et travaillé durement deux années durant, se voit condamné à se retrouver en 1ère année Fac, quand on supprime, sans préavis, le concours d’agrégation alors qu’il fallait proposer une alternative conséquente et motivante au nec plus ultra de nos bacheliers littéraires, quand le MEN brandit le slogan de « l’Ecole de la réussite », qu’on fait officiellement de la promotion des langues une des priorités de nos réformes éducatives et qu’en même temps l’on voit le sort dramatique que l’on réserve aux étudiants les plus méritants en matière de maîtrise de ces langues…, on est en droit de se demander si l’absurde n’est pas la seconde nature de nos réformes en matière d’enseignement.
* Professeur agrégé en
CPGE LSH - Meknès.
Toutefois, qu’adviendrait-il de cette élite d’étudiants au cas où un jour les grandes écoles qui les accueillent auraient modifié leurs modalités d’accès ou que des étudiants n’auraient pas réussi à intégrer telle ou telle école puisqu’ils sont confrontés à un concours ? Cette question hypothétique se pose concrètement depuis cette année, au présent et avec acuité. Cela concerne notamment les étudiants des CPGE lettres et sciences humaines. Suite à l’annulation de l’agrégation, désormais, semble-t-il, accessible aux seuls titulaires d’un master, les taupins littéraires se retrouvent, du coup, privés de cette perspective qui constituait jusque-là leur principale motivation dans leur choix des Prépas. Il est vrai qu’ils n’accédaient pas tous à cette formation fort sélective, qui s’étalait sur trois ans ; il est vrai aussi que beaucoup d’entre eux réussissaient plutôt au CPR (Centre pédagogique régional) où une formation d’un an leur permettait de devenir professeurs du cycle secondaire collégial. Mais, dès lors qu’ils n’accèdent ni à l’une ni à l’autre formation, ils devaient en toute logique pouvoir poursuivre leurs études en faculté, en l’occurrence en licence. Or, il n’existe pas d’équivalence formelle qui assure ce passage automatique de la seconde année Prépas à ce niveau de l’université. En France dont il aurait fallu s’inspirer jusqu’au bout, cette possibilité existe de fait. Pourquoi pas chez nous ? Parce que les normes universitaires marocaines seraient plus exigeantes qu’en France ? Rien n’est moins sûr. Parce que le degré de difficulté des programmes en CPGE serait en-deçà de ce qui s’enseigne dans nos facultés ? Pourquoi alors l’accès aux Prépas n’est à la portée que des meilleurs de nos bacheliers ? Parce que le système LMD (Licence-Master-Doctorat) est incompatible avec les curricula et programmes des CPGE ? Comment se fait-il alors que les étudiants issus des deux parcours se présentent également aux mêmes concours (à savoir l’agrégation, le CPR) ? Il est inutile de rappeler que les taupins s’en sortent généralement mieux que les licenciés lors de ces dites formations. Mais qu’importe. C’est peut-être juste un hasard des choses, car le pire et le meilleur se trouvent, au demeurant, partout.
Il faut dire que même le CPR risque, dès l’année prochaine, de s’adresser aux seuls titulaires d’une licence. Si tel devait être effectivement le cas, les CPGE littéraires n’auraient plus aucune raison d’exister : un brillant littéraire, aussi insensé soit-il, n’emprunterait jamais un détour de deux années extrêmement éprouvantes et finalement inutiles puisque ce chemin de croix ne mène nulle part.
Au lieu d’élargir ou du moins d’entretenir ces CPGE –dont il n’existe que deux centres dans tout le pays : à Rabat et à Meknès-, on procède à l’inverse avec le sentiment réellement ou faussement sincère de perfectionner notre système éducatif. Car, et sans vouloir porter un quelconque préjudice à la respectabilité de notre université, ce n’est pas cette dernière qui fait rêver l’élite de nos élèves. Il est scandaleux de faire de l’université la seule trajectoire qui fasse aboutir à la formation professionalisante alors que récemment encore c’est le ministre de l’Emploi en personne qui a souligné l’inadéquation des enseignements universitaires avec les attentes du marché. D’où la création de la fameuse licence professionnelle dont la pertinence reste à prouver.
En fait, le cauchemar qu’on fait vivre aujourd’hui à nos étudiants des CPGE lettres et sciences humaines ne résulte pas d’un simple accident technique, effet anodin d’une restructuration globale de la formation, somme toute bénéfique ; ce cauchemar s’inscrirait dans l’orientation conservatrice qui détermine les réflexes de certains décideurs –universitaires entre autres- qui semblent se sentir à l’étroit chaque fois qu’ils ont affaire à un mode culturel made in France, en l’occurrence les CPGE. Le dernier exemple en date qui a généré une tension larvaire au sein même du personnel universitaire remonte à l’affaire des doctorats français dont la reconnaissance officielle n’est pas décrétée à ce jour. A terme, il est à craindre que cette malédiction qui frappe cette année la crème de nos littéraires n’affecte un jour leurs homologues des CPGE scientifiques.
Le problème serait ainsi lié à une culture ambiante chez nous. Quand le premier responsable dans plus d’une université méconnaît, aux dires des taupins, l’existence même de ces Prépas littéraires pourtant mises en place au Maroc depuis plus d’une décennie, quand l’étudiant issu de ces classes, après avoir été trié sur le volet et travaillé durement deux années durant, se voit condamné à se retrouver en 1ère année Fac, quand on supprime, sans préavis, le concours d’agrégation alors qu’il fallait proposer une alternative conséquente et motivante au nec plus ultra de nos bacheliers littéraires, quand le MEN brandit le slogan de « l’Ecole de la réussite », qu’on fait officiellement de la promotion des langues une des priorités de nos réformes éducatives et qu’en même temps l’on voit le sort dramatique que l’on réserve aux étudiants les plus méritants en matière de maîtrise de ces langues…, on est en droit de se demander si l’absurde n’est pas la seconde nature de nos réformes en matière d’enseignement.
* Professeur agrégé en
CPGE LSH - Meknès.