Grave, grave! Ce qui s’est passé hier, jour du scrutin communal à Tafraout, ne peut être assimilé qu’à un véritable coup de Jarnac infligé à notre frileux processus de transition démocratique. Des pratiques qui ont fait par le passé la triste notoriété de nos scrutins, et que, à entendre le discours officiel, seront durement punies, ont refait au contraire surface. La journée du 12 juin s’apparentait à une kermesse où l’argent sale se coulait à flots et en plein jour. Les candidats véreux tentaient de soudoyer leurs électeurs afin d’aiguiller leurs votes. Toutes les débrouillardises sont permises pour ce faire. Si certains ont opté pour le porte-à-porte en recourant aux services de leurs acolytes pour arroser les électeurs, d’autres, moins discrets, n’ont pas hésité à les inviter par téléphone, sans vergogne, en plein public, à passer les « voir » dans certains cafés de la ville avant de se rendre aux urnes. Comme ce candidat élu, surpris la main dans le sac sur la terrasse d’un café du centre-ville par son candidat concurrent, avant de changer de place. Ceci au moment où d’autres acheteurs de conscience des électeurs préfèrent leurs points de commerce afin de se livrer aux transactions illégales. Il suffit de faire une virée à travers certaines grandes avenues de la ville le jour du scrutin, pour se rendre compte que les magasins de certains commerçants candidats aux élections ne désemplissent pas. On a repéré des femmes et des jeunes se rendre en groupes inhabituels dans ces locaux, qui nous ont confié avoir encaissé des sommes avant de les voir mettre le cap sur les bureaux de vote. Ce sont particulièrement les circonscriptions du centre-ville, très convoitées, où les rivalités entre candidats sont acharnées, qui sont les plus concernées par cet affligeant fléau. On cite Doulohêl, Douar Reja Fellah, Imiyan, AdadI et II, Aguelagal, Aguerd Oudad, le quarter administratif et dans une moindre mesure certains petits village périphériques. Selon les dires des électeurs contactés par nos soins, globalement, la voix est cédée entre 100 et 300dh au début du vote. Avant d’accuser une petite hausse vers midi pour atteindre 400 dh pour pousser les réfractaires –nombreux- à se rendre aux urnes. A ces violations du code des élections, on ajoute le fait que le jour du scrutin aussi, nous avons surpris certains candidats élus embarquer dans leurs véhicules personnels ou empruntés des électeurs résidant loin des urnes et les déposer près des bureaux de vote. Notamment dans les villages de Doutalzought et Awssift. Pis, dans une circonscription, durant toute la journée de vote, plusieurs fonctionnaires de la municipalité sont repérés, pendant l’horaire de travail, rôder dans les ruelles des villages, exhortant les électeurs à aller voter. Des témoignages sur place affirment qu’ils les ont rencontrés à plusieurs reprises dans de nombreuses circonscriptions en compagnie des électeurs vers le bureau de vote, leur chuchotant les sigles à cocher de certains candidats élus.
Devant cette situation, les autorités locales de la ville ont brillé par leur mutisme impressionnant à l’égard de cette panoplie d’entorses faites au règlement électoral, donnant lieu à une situation de non-droit où tout est permis. Les réclamations des candidats plaignants auprès du pachalik se sont heurtées à un mur d’indifférence. Dans le meilleur des cas, on leur promet une intervention incessante qui ne vient jamais. C’est que le pacha s’est calfeutré dans son bureau comme s’il ne voulait rien savoir ce qui se passe ailleurs. Les candidats livrés à eux-mêmes et en l’absence de l’autorité, montent la garde pour s’épier et se prendre en filature les uns les autres. Durant toute la nuit, la veille du scrutin, la distribution de l’argent aux électeurs a atteint son paroxysme. Si bien que des affrontements entre les candidats rivaux, parfois sanglants, ont failli dans certaines situations tourner à l’irréparable. C’est à se demander enfin si les discours qui nous sont tant ressassés à la veille de ce rendez- vous électoral sur la fermeté à l’encontre des contrevenants du code électoral ne relèvent que d’un laïus de circonstance destiné à la consommation médiatique!