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Négligeant les discours et les danses folkloriques sur la place centrale, une vingtaine de producteurs, réunis au club des retraités, exposent leur yaourt fait maison.
“Je tiens le ferment de ma mère qui le tient de sa mère. Je n'oublie jamais de garder une cuiller de yaourt qui sert de ferment pour celui du lendemain”, explique Evguenia Dimitrova, enseignante retraitée du village de Lomnitsa.
Sa recette originale de yaourt de chèvre au basilic et au thym a remporté le concours dans cette catégorie.
“Le lait est bouilli pour tuer les bactéries nuisibles. Dès qu'il devient tiède, on ajoute une cuiller du yaourt de la veille et on ferme la cocotte pour l'emmitoufler dans des couvertures. Au bout de trois heures, le yaourt est prêt”, explique Stamen Tsvetkov, de Tran, dont la famille a remporté le Prix du yaourt de brebis.
La consistance du yaourt dépend du pâturage et de l'animal qui a donné le lait: l'herbe sèche rend le yaourt plus épais que l'herbe jeune, le yaourt de brebis et de bufflonne est plus gras que celui de vache et de chèvre, précise-t-il.
Ce produit, que les Bulgares chérissent comme une perle de leur patrimoine, est préparé aussi dans les monastères. Connu pour son yaourt de vache, celui de Jablenovo (ouest) en produit 750 kg par semaine.
Les Bulgares consomment chaque année 135.000 tonnes de yaourt, utilisé dans de nombreuses recettes typiques, comme le “tarator”, une soupe froide de concombres.
Dès le début du 20e siècle, le Russe Ilia Metchnikov, Prix Nobel de biologie, constata un effet du yaourt sur les processus de pourriture dans les intestins, lesquels provoquent le vieillissement. Or, une étude sur la longévité en Europe de l'Institut français Pasteur, où il travaillait, a relevé un taux de centenaires très élevé dans la chaîne des Rhodopes, en Bulgarie du sud.
Analysant la nourriture de ces montagnards, un chercheur bulgare, originaire de la région de Tran, Stamen Grigorov, a constaté une large consommation de yaourt. Il apporta à Genève, où il était stagiaire en médecine, un pot de yaourt qu'il analysa sous microscope.
Et c'est lui qui découvrit la bactérie à la base du yaourt, laquelle fut baptisée, d'après sa nationalité, lactobacillus bulgaricus (LBB).
Avec un autre micro-organisme, le streptococcus thermophilus, le LBB est incontournable pour la fabrication du yaourt, explique Julia Grigorova, petite-fille du chercheur, qui gère une fondation à son nom.
Si la découverte de Stamen Grigorov est internationalement reconnue, la question de savoir quel peuple a inventé le premier yaourt est disputée entre deux pays voisins, la Bulgarie et la Turquie, autrefois parties du même empire ottoman.
“La Bulgarie est la patrie du yaourt, car ce n'est qu'en Bulgarie que le lactobacillus bulgaricus et le streptococcus thermophilus se développent en symbiose dans la nature”, affirme Zdravko Nikolov, chef de laboratoire à l'Institut du yaourt LB bulgaricum à Sofia.
Vivement controversée par la Turquie, l'origine bulgare du yaourt, qui remonterait à l'époque des Thraces (IVe siècle avant Jésus-Christ-3e siècle av. J.-Ch.), est un dogme en Bulgarie. Selon la légende, ce sont des artisans bulgares qui introduisirent le yaourt en Turquie et au Moyen-Orient au 15e siècle, alors que la Bulgarie était sous domination ottomane.
Bulgares et Turcs sont au moins d'accord sur un fait historique présumé: convaincu des qualités curatives du yaourt, le Sultan ottoman Kanuni aurait réussi à faire guérir en 1536 de troubles intestinaux le roi français François 1er.