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Certains internautes soutiennent avec force que la région fait l’objet de théorie de « grand remplacement » et que ce processus de substitution est en cours comme en attestent la hausse du nombre des migrants, le mariage mixte, l’installation définitive des migrants dans certains pays comme le Maroc et la Tunisie... Les quartiers avoisinant la gare routière Ouled Ziane à Casablanca sont, selon certains usagers de Twitter ou Facebook, l’exemple idéel de ce début de l’invasion des migrants et la fin de la soi-disant race dite «marocaine».
La théorie du «grand remplacement »
Les derniers propos du président tunisien, Kaïs Saïed, avançant que la Tunisie fait l’objet d’un processus de substitution de sa population par une autre originaire d'Afrique subsaharienne, destiné à affaiblir l’identité arabo-islamique du pays et à changer la composition du paysage démographique en Tunisie, semblent libérer la parole sur cette question et ont permis à de nombreux individus de dire tout haut ce que chacun pense tout bas. Comme le chef d’Etat tunisien, les défenseurs de la théorie du «grand remplacement » prétendent que ce processus a été préparé depuis un certain temps par certains individus ou une certaine élite. Qui sont ces individus ou cette élite ? Personne ne le sait.
Sommes-nous vraiment face à un plan visant à remplacer la population du Nord de l’Afrique par une autre venue d’ailleurs ? Mais avant de répondre à cette question, c’est quoi la théorie du « grand remplacement » ?
Il s’agit d’«une théorie complotiste d'extrême droite introduite en 2010 par l'écrivain français Renaud Camus, et qui — fondée plus sur des impressions que sur des données démographiques réelles, biaisée par une défiance de nature xénophobe et raciste — affirme qu'il existerait en France un processus de substitution de la population française et européenne par une population non européenne, originaire en premier lieu de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb».
Selon les défenseurs de cette théorie, « ce processus conduirait à un changement de civilisation soutenu, voire organisé, par une élite politique, intellectuelle et médiatique qualifiée de «remplaciste», qui maintiendrait à ce sujet une conspiration du silence et serait motivée pour ce faire par l'idéologie ou par l'intérêt économique », lit-on sur Wikipédia.
Les historiens estiment que « de tels discours prennent racine dans l'antisémitisme sous la Troisième République et le nationalisme d'avant-guerre, qui visaient les Juifs, les Arméniens, les Italiens et les Maghrébins parmi d'autres communautés.
Ces discours se prolongent jusqu'à nos jours à travers le néonazisme, et en viennent à cibler spécifiquement les musulmans avec la théorie du complot Eurabia introduite en 2005 par l'essayiste britannique Bat Ye'or, qui préfigure les thèses avancées cinq ans plus tard par Renaud Camus dans ses différents ouvrages », rappelle Wikipédia.
Le journal Le Monde explique, en outre, que l'expression «grand remplacement» est par la suite reprise notamment par l'extrême droite française, en particulier la mouvance identitaire, tandis que le discours de Renaud Camus est jugé complotiste par certains membres du Rassemblement national, dont Marine Le Pen.
«Divers partis politiques français reprennent l'idée générale d'un «grand remplacement» du peuple français, comme Debout la France et certains ténors des Républicains, sans toujours se référer explicitement aux thèses de Renaud Camus. Cette expression est particulièrement médiatisée en France courant 2021 à l'initiative du polémiste français Éric Zemmour en vue de la campagne pour l'élection présidentielle française de 2022 ».
La même source précise que «les auteurs des attentats de Christchurch, d'El Paso et de Poway en 2019 étaient des adeptes de cette théorie qui a été dénoncée comme potentiellement meurtrière. La remigration, concept qui lui est attaché, aurait pour la directrice de l'Institute for Strategic Dialogue et pour la journaliste Cécile Guérin des «implications d'épuration ethnique». Renaud Camus se dit partisan de la non-violence, mais a été condamné pour des propos dont la justice a estimé qu'ils constituaient «une très violente stigmatisation des musulmans».
Réalité et fantasme
Qu’en est-il de cette théorie au Maroc ? Le Maroc fait-il l’objet d’une invasion massive des Subsahariens ? Au Maroc comme dans les autres pays de l’Afrique du Nord, cette théorie est quasi inexistante au niveau des pensées politiques ou culturelles. Elle n’a été adoptée par aucun courant politique ou intellectuel. D’autant que l’ensemble de ces pays ne contiennent pas de courants de pensées ou politiques affiliés directement ou indirectement à l’extrême droite.
« Une grande partie des adeptes marocains de ladite théorie ne font pas référence directe à cette dernière. Mais, ils adoptent ses grandes lignes, d’une manière inconsciente et non intellectuelle », nous a confié H.M, militant associatif casablancais. Et de poursuivre : « A noter qu’une grande partie de ces adeptes sont des anonymes qui affichent, sans complexe, leur haine face aux migrants ».
La théorie du « grand remplacement» ne tient pas la route également au vu des données du Recensement général de la population et de l’habitat de 2014. En effet, sur une population de 33,8 millions d’habitants recensés en 2014, le nombre d’étrangers résidant au Maroc a atteint 84.001 habitants ; soit une proportion de 0,25% de l’ensemble de la population marocaine. 40% (33.615) des étrangers sont des Européens, 41,6% (34.966) des Africains (dont 64,5% (22.545) sont issus de pays subsahariens et 31,9% (11.142) du Maghreb), 15,2% (12.771) des pays d’Asie (dont 82,8% (10.573) du Moyen-Orient) et enfin 3,2% (2649) proviennent d’autres continents (dont 76,9% (2037) des pays d’Amérique).
A noter une nette domination de la communauté française (25,4%) suivie de celle sénégalaise (7,2%), algérienne (6,8%) et syrienne (6,2%). A souligner également que certaines statistiques du ministère de l’Intérieur évoquent l’existence de 112 nationalités lors de la première opération de régularisation des migrants au Maroc en 2014.
« Il faut rappeler qu’un grand nombre de migrants subsahariens estiment que leur installation au Maroc n’est qu’un passage obligé avant de rejoindre l’autre rive de la Méditerranée.
Plusieurs travaux de recherches ainsi que les entretiens effectués sur le terrain par les acteurs associatifs affirment que l’installation définitive au Maroc n’est pas l’objectif de ces migrants qui pensent que notre pays ne leur offre pas l’avenir qu’ils recherchent, ni pour eux, ni pour leur enfants », nous a indiqué H.M. Et d’ajouter : « Le Maroc n’est plus attractif notamment ces dernières années où les migrants font de plus en plus l’objet d’une approche sécuritaire (arrestations, refoulements, éloignement à l’intérieur du pays, difficulté de renouveler leur carte de séjour...). D’autant que la stratégie nationale d’immigration et d’asile s’est essoufflée et n’est plus apte à remplir sa mission ».
Les adeptes marocains de la théorie du grand remplacement oublient également et souvent que notre pays compte plus de 5 millions de Marocains résidant à l’étranger dont, selon des chiffres révélés par le CESE, «plus du quart d’entre eux (27,4%) ont une double nationalité, les femmes plus que les hommes (respectivement 33,3% et 24,6%) ». Et que près de deux tiers des jeunes Marocains d’Europe sont des nationaux de leur pays de résidence».
Ces chiffres révèlent également que «la proportion de mariages mixtes concerne près d’un cinquième des migrants marocains (18,9%), avec un pourcentage plus élevé chez les femmes (27,1%) et parmi les plus jeunes de 15-29 ans (24,8%)».
En effet, pour les xénophobes marocains, en paraphrasant un journaliste français, ce n'est pas l'étranger qui pose problème pour eux, mais celui qui se voit, celui dont la présence est censée nous "sauter au visage". Il ne s’agit pas des retraités français, britanniques ou espagnols mais des Subsahariens. En d’autres termes, il s’agit des Noirs.
Hassan Bentaleb