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Le contexte conjoncturel dans lequel cette mesure est prise semble, en second lieu, peu propice compte tenu des faibles perspectives de croissance résultant non seulement des contre-performances, maintenant avérées, du secteur agricole, mais aussi de la dégradation de la demande externe. Le taux de croissance projeté pour l’ensemble de l’année s’établirait dans la meilleure des hypothèses autour de 3%, marquant ainsi un repli de 2 points par rapport à l’exercice précédent. Pesant sur les coûts et le pouvoir d’achat, les hausses affectant les produits énergétiques sont de nature à contrarier, dans une telle situation, toute dynamique de redressement de l’activité que ce soit à travers l’investissement, la consommation ou encore la demande externe.
L’opportunité de la décision de hausse se pose même si l’on élargit la sphère d’analyse en prenant en considération les difficultés actuelles au plan social. Au moment même où les centrales syndicales réclament l’activation du dialogue social et la mise en oeuvre des mesures pertinentes en faveur de la protection du pouvoir d’achat, la hausse des prix des produits énergétiques, au rythme retenu, marque quelque décalage par rapport aux objectifs annoncés. Il est peut-être utile de rappeler à ce propos le programme élaboré par les pouvoirs publics et l’ensemble des mesures qui y sont intégrées visant notamment la promotion de l’emploi, le soutien au pouvoir d’achat et l’amélioration des niveaux de vie. Les répercussions inéluctables des hausses sur les coûts de production et sur les prix à la consommation auront des effets induits sur l’activité tant du côté de l’offre que du côté de la demande. Dans un contexte social particulièrement sensible, ces effets peuvent prendre des dimensions plus amplifiées et contribuer à fragiliser davantage un équilibre social déjà fortement ébranlé compte tenu des déficits accumulés.
Une hausse imposée par l’alourdissement des charges de compensation
On relèvera cependant qu’en dépit de ces appréhensions, l’augmentation des prix intérieurs des produits pétroliers trouve sa principale justification dans la menace que fait peser la facture pétrolière sur l’équilibre des finances de l’Etat et, plus précisément, sur le système de compensation. Le cumul des hausses successives des cours du pétrole sur les marchés internationaux a fait exploser les charges de compensation supportées par le budget général au point où, selon les données disponibles, les dotations budgétaires globales prévues à cet effet pour l’exercice en cours se trouvent épuisées en totalité au terme du premier semestre. En l’absence de mesures de redressement visant l’atténuation des charges de compensation, le bouclage de l’exercice budgétaire impliquera la mobilisation de nouvelles ressources en faveur de la compensation qui ne peut se produire qu’au détriment des programmes d’investissement et de croissance. Les perspectives de développement de l’activité, de l’emploi et des niveaux de vie se trouveraient à l’avenir, dans une telle hypothèse, fortement hypothéquées.
Si l’argument de l’équilibre des finances de l’Etat et le souci de préservation des marges de manoeuvre du budget s’avèrent, en le cas d’espèces, fort pertinents, force est de constater cependant que la hausse des prix retenue apparaît très élevée eu égard aux possibilités d’adaptation des opérateurs, entreprises et ménages, ainsi qu’aux capacités d’absorption du système productif d’un choc d’une telle ampleur. Sachant que la hausse a été présentée comme un premier pas dans le cadre d’une réforme plus globale touchant le système de compensation, le réajustement des prix intérieurs des produits pétroliers aurait pu être graduel, à des rythmes plus modérés et étalés dans le temps. Le choc affectant le système productif, le pouvoir d’achat et la demande interne pourrait dans ce cas être plus maîtrisé et, à terme, plus facilement amorti.
L’évaluation de l’incidence de la hausse sur les coûts de production et les prix à la consommation s’impose dans ces conditions afin d’en apprécier les effets directs et indirects et permettre ainsi la comparaison avec une démarche plus graduelle dans le cadre d’une véritable réforme du dispositif de compensation et de l’ensemble des programmes qui lui sont rattachés. Les répercussions du renchérissement des produits pétroliers sur le niveau d’activité et des prix viennent du fait que ces produits de base interviennent à tous les niveaux des processus de production, de distribution et de consommation. Le choc pétrolier trouve par conséquent une résonance et une diffusion large dans le tissu productif, les circuits de distribution et la consommation finale. L’incidence de la hausse des cours sur les coûts de production par secteur d’activité peut être appréciée dans une première approche sur la base des données du tableau des échanges interindustriels et les coefficients des consommations intermédiaires qui en ressortent. Les données portant sur les structures de production permettent de repérer les branches d’activité qui sont les plus affectées par les hausses du prix intérieurs des produits pétroliers avec une appréciation de son incidence immédiate sur les coûts de production dans ces branches. On relève par ordre d’importance et en fonction de la densité de l’interdépendance avec le secteur énergétique que les activités de transport, de l’électricité, des industries manufacturières et de construction sont les plus exposées aux variations des cours des produits pétroliers. En dehors des activités de raffinage où le pétrole représente la principale matière première avec 89% de la valeur de la production, la part du pétrole raffiné en tant que consommation intermédiaire se situe aux environs de 21% de la valeur de la production de la branche des transports, de 8% pour la branche de l’électricité et eau, de 5,6% des industries extractives. S’agissant du secteur industriel, les produits pétroliers interviennent pour des parts se situant autour de 2% de la valeur de la valeur de la production. Les activités relevant du secteur primaires ont, quant à elles, des coefficients d’inputs en produits pétroliers variant entre 2% pour la branche de l’agriculture et 12% pour le secteur des pêches. La branche du bâtiment et des travaux publics au même titre que l’ensemble des activités tertiaires ont des consommations intermédiaires de produits pétroliers assez comparables avec des coefficients d’inputs par rapport à la valeur de la production variant entre 2 et 4%.
Impact significatif sur les coûts et le pouvoir d’achat : 1,4%
L’évaluation de l’impact total prenant en considération les effets indirects successifs qui apparaissent, notamment, à travers la consommation d’inputs à forte intensité énergétique permet par ailleurs une meilleure appréciation de l’impact sur les coûts et les prix à la production. Les résultats qui ressortent d’une telle évaluation se révèlent très significatifs tant d’un point de vue macroéconomique que par branche d’activité. Globalement, cette dernière décision de hausse des prix intérieurs des produits pétroliers au taux moyen de 13,5% devrait, au vu de la structure des coûts, avoir une incidence significative sur les prix à la production. L’effet cumulé direct et indirect est, toutes choses étant égales par ailleurs, estimé à une hausse des prix à la production de 1,4 %. Il va sans dire que cette augmentation moyenne dissimule des hausses de coûts de production nettement différenciées d’un secteur d’activité à l’autre. Les activités de transport, de production de l’électricité ainsi que celles de la construction devront subir les plus fortes hausses avec une augmentation des prix à la production variant entre 1,7% et 4%. Les branches de l’industrie manufacturière aussi bien que celles du commerce et services connaîtraient des accroissements de prix relativement plus réduits avec une moyenne de 0,8%.
L’incidence de ces hausses sur le coût de la vie peut être approchée sur la base de la structure de la demande finale de consommation telle qu’elle ressort des données portant sur les équilibres des ressources et des emplois et actualisée pour prendre en considération l’évolution de la répartition des dépenses des ménages par produit. Partant des résultats portant sur les hausses des coûts de production, et en dépit des particularités de la structure des dépenses des ménages par comparaison à la structure de production, l’incidence sur les prix à la consommation devrait se situer à un niveau comparable à celui des coûts de production. Le surcroît de hausse des prix au niveau de la consommation finale devrait, là aussi, s’établir autour de 1,4 point comparativement à la tendance moyenne, ce qui porterait le taux d’inflation prévisionnel variant de 3,5 à 4%. Cette estimation suppose évidemment une répercussion mécanique des hausses des prix à la production sur la consommation finale. Or, la répercussion des fluctuations des prix de la production sur la demande finale n’est pas toujours immédiate et prend généralement en considération la dynamique des marchés et le comportement de la demande. La liaison entre les prix à la production et les prix à la consommation est souvent soumise à des effets d’élasticité qui font que certaines variations des coûts ne peuvent être répercutées que partiellement en cas de faiblesse ou de volatilité de la demande. La pression de la demande dans un contexte conjoncturel de reprise peut induire le phénomène inverse, à savoir une répercussion plus que proportionnelle de la hausse des prix à la production.
On soulignera enfin qu’outre l’effet des anticipations des acteurs qui peuvent parfois amplifier l’impulsion initiale, ces estimations ne prennent pas en considération les effets des hausses sur l’activité réelle comme conséquence des changements affectant les comportements d’offre et de demande. Par son incidence sur les prix et les revenus, le renchérissement des produits pétroliers peut avoir une influence sensible sur la dynamique de demande tant interne qu’externe. Il en est de même du côté de l’offre dans la mesure où la compétitivité du secteur productif se trouve grevée par des surcoûts engendrés par le renchérissement de l’énergie. Dans ces conditions, l’incidence de la hausse des prix des produits pétroliers peut se ressentir de façon encore plus marquée non seulement sur les prix et le pouvoir d’achat mais aussi sur la dynamique de croissance et de productivité. En l’absence d’une approche plus anticipative cherchant à atténuer les tensions perceptibles tant au niveau des marchés que des acteurs, les incertitudes continueront de peser sur les capacités à prévenir un retour à la spirale inflationniste.