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Le face-à-face entre ces deux intellectuels, l'écrivain afro-américain James Baldwin et William F. Buckley, Jr., figure du conservatisme américain, a eu lieu à l'amicale de l'Université de Cambridge, devant un parterre d'étudiants britanniques.
Près de 60 ans plus tard, une compagnie de théâtre expérimental basée à New York, Elevator Repair Service, ressuscite, presque mot pour mot pendant une heure, ce débat qui avait pour titre: "Le rêve américain n'existe-t-il qu'aux dépens du Noir américain ?".
"Lorsque j'ai regardé le débat, j'étais choqué de découvrir à quel point les questions soulevées étaient d'actualité aujourd'hui autant qu'elles ne l'étaient hier", affirme à l'AFP l'acteur Greig Sargeant, qui incarne Baldwin et qui est à l'origine de cette performance.
Au gymnase du lycée Frédéric Mistral, deux pupitres se font face, entourés du public. Les lumières sont projetées autant sur les spectateurs que sur les interprètes.
Baldwin, dont le discours avait été ovationné debout par des étudiants, dissèque avec une éloquence saisissante "le racisme structurel" aux Etats-Unis.
"C'est un grand choc de découvrir que le pays qui est votre lieu de naissance, et à qui vous devez votre vie et votre identité, n'a pas fait en sorte qu'il y ait une place pour vous dans son système", y affirme l'écrivain mort en 1987.
L'intellectuel, qui avait dans l'un de ses écrits raconté avoir été battu par la police alors qu'il n'était âgé que de 10 ans, a connu un regain d'intérêt après la mort de George Floyd en mai 2020 à Minneapolis lors de son interpellation.
Le policier blanc Derek Chauvin l'avait asphyxié en restant agenouillé sur son cou pendant plus de neuf minutes. Son agonie, filmée par une passante et mise en ligne, avait suscité d'immenses manifestations aux Etats-Unis et dans le monde.
Pour Greig Sargeant, le racisme reste "endémique" aux Etats-Unis. "Nous avons des problèmes avec le système de santé, avec le vote. Des hommes noirs se font tuer juste parce qu'ils sont noirs et le suprémacisme blanc montre sa face hideuse", dit-il.
En face, Buckley, tout aussi éloquent, tente de déconstruire le discours de Baldwin, estimant que ses "accusations contre notre civilisation sont injustifiées".
"Il n'y a pas de remède miracle au problème racial en Amérique", juge-t-il. "L'Amérique ne doit en aucune circonstance s'entendre dire que la seule alternative est de renverser cette civilisation, qui n'est autre à nos yeux que la foi de nos pères, la foi de vos pères", martèle l'intellectuel.
"C'est un défi d'écouter le point de vue de Buckley. Ça résonne tellement avec les débats d'aujourd'hui", commente auprès de l'AFP John Collins, cofondateur de la compagnie qui se produit pour la première fois à Avignon.
"La raison pour laquelle ce débat est intemporel est qu'on n'arrive pas à se mettre d'accord sur l'Histoire", ajoute-t-il.
Il considère que, malgré les différences historiques, le face-à-face peut avoir une résonance en France, traversée également par son propre débat sur le racisme et récemment secouée par des émeutes à la suite de la mort du jeune Nahel.
La compagnie Elevator Repair Service est connue notamment pour avoir déroulé pendant huit heures l'intégralité "Gatsby le Magnifique" dans une sorte de lecture théâtrale.
Pourquoi a-t-elle voulu récréer sur scène le débat "Baldwin contre Buckley", enregistré par la BBC et disponible sur internet?
"Si vous regardez le débat sur YouTube, vous êtes un peu déconnecté. Au théâtre, on s'adresse directement au public comme s'il s’agissait d’étudiants de Cambridge, il y a une immédiateté", explique M. Collins. Et, surtout, "il est important de continuer la conversation", assure-t-il.