Le cigare cubain, un mythe qui ne fait plus rêver les fumeurs américains


AFP
Samedi 27 Décembre 2014

Le cigare cubain, un mythe qui ne fait plus rêver les fumeurs américains
Dans les arrière-salles enfumées des établissements chics de Washington, l'ouverture américaine vers Cuba initiée mercredi et la perspective de pouvoir mettre enfin la main légalement sur des cigares cubains n'émeut guère les amateurs de Havanes.
"Matt ne m'a jamais mis un cigare dans les mains que je n'ai pas aimé, et il ne vend pas de cubains", affirme Nicholas Stefanelli, un chef cuisinier, tout en tirant une bouffée chez W. Curtis Draper, décrit comme le troisième plus ancien magasin de tabac du pays.
Matt Krimm est le copropriétaire de Draper. Fauteuils de cuir et boiseries, il est situé à un jet de pierre de la Maison Blanche et accueille nombre de lobbyistes ou d'avocats dont les bureaux sont situés à proximité, dans le centre-ville de la capitale fédérale américaine.
Ces dernières années, M. Krimm a vu le marché du cigare se maintenir solidement, alors que les ventes de cigarettes, elles, déclinent.
Selon lui, les amateurs de barreaux de chaise sont gâtés de nos jours et jouissent d'une offre abondante en provenance de pays qui ont profité de l'absence de Cuba sur le marché pour se tailler la part du lion, que ce soit la République dominicaine, le Honduras ou le Nicaragua.
Si la vente légale de cigares cubains devient enfin possible "et est compatible avec ce que nous faisons", alors "nous en proposerons", dit-il.
"Mais nous sommes dans le métier depuis 127 ans, et même si nous n'avons plus le droit de vendre quoi que ce soit en provenance de Cuba depuis 50 ans nous sommes toujours là. Donc clairement ce ne sera pas un élément fondamental pour nous", estime Matt Krimm.
Depuis plus d'un siècle, l'île des Caraïbes était connue pour produire les meilleurs cigares du monde. Mais depuis l'embargo mis en place en 1962 après la révolution socialiste, les "Havanes" sont devenus un plaisir interdit pour les fumeurs américains.
Cependant, la plupart des meilleurs cigares ne sont plus produits à Cuba de nos jours: quelques maîtres du tabac se sont en effet exilés dans d'autres pays où ils ont pu bénéficier d'importants investissements et de meilleures pratiques commerciales.
Le magazine de référence Cigar Aficionado publie ainsi chaque année une liste des meilleurs produits, et sur les 25 cigares récompensés en 2014, seuls deux étaient produits à Cuba.
"Les Américains ont toujours été attirés par les vrais cigares cubains mais une génération entière de fumeurs n'a pas pu y avoir accès, et ils apprécient beaucoup les dominicains" entre autres, explique de son côté Bob Materazzi, propriétaire du Shelly's Back Room, sombre mais vivante cave à cigares du centre de Washington.
Selon lui, il faudra au moins cinq ans pour voir revenir des cigares cubains sur le marché américain, et encore, ils auront un handicap: "Ils n'ont pas de contrôles de qualité et une partie de leur production perd de son caractère", estime-t-il.
En outre, comme les Etats-Unis ne reconnaissent pas les marques cubaines, plusieurs entreprises basées à l'étranger se sont appropriées des noms de fameux cigares cubains, comme Montecristo ou Cohiba.
"Il va y avoir un problème sur le marché du cigare pour dire qui a le droit d'utiliser ces noms", ajoute ainsi Justin Russell, un collègue de M. Materazzi.
Selon lui les fumeurs américains cherchent surtout un lien social qu'ils trouvent dans le monde du cigare, peu importe la marque ou l'origine: "Je peux commander un cigare à 8 dollars et m'asseoir à côté de quelqu'un qui fume un produit à 50 dollars, et nous pouvons discuter de ce que nous voulons".
"Bien sûr des gens viendront et achèteront des cigares de Cuba", reprend Matt Krimm. "Mais il faudra voir si cela convient à leur goût".
Et un client de Draper fait remarquer discrètement que les initiés ont déjà tous goûté aux produits interdits: "La plupart d'entre nous avons des cigares cubains dans nos humidificateurs", glisse-t-il.


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