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Abd Al Malik: “Ma démarche vise
à renouveler l’esthétique du rap”
Abd Al Malik a été
fait Chevalier des
Arts et des Lettres en juin 2008. Le musicien
franco-congolais a reçu plusieurs récompenses et citations dans de
prestigieuses
manifestations tout au long de sa jeune mais déjà très
impressionnante
carrière. De passage
à Rabat, où il a
annoncé sa
participation au Festival de la culture soufie (du 18 au 25 avril prochain à Fès), et après sa prestation de la veille à l’Ecole Mohammadia
d’ingénieurs, l’auteur de «Qu’Allah bénisse la France» (Albin Michel) et de l’album «Gibraltar» s’est prêté à nos questions.
Libé : Au-delà des liens spirituels, peut-on aujourd’hui définir autrement vos rapports avec le Maroc ?
Abd Al Malik : Je ne peux les définir autrement puisque mon lien avec le Maroc est lié au fait que mon maître spirituel vit ici. Donc, je viens souvent ici pour lui rendre visite. C’est par son regard que j’apprécie le Maroc. C’est véritablement un lien spirituel, d’où mon rapport avec le Royaume.
Grand Corps Malade et vous, vous êtes présentés comme deux artistes français à avoir popularisé le slam auprès des jeunes. Qu’en pense le rappeur que vous êtes ?
Il y a un grand quiproquo au sujet du slam. Je suis rappeur et ma démarche est de renouveler l’esthétique du rap.
Il est vrai que j’ai une grande passion pour la littérature et j’ai beaucoup de respect pour les slameurs, mais je n’en suis pas un. C’est une étiquette qui m’a été collée pour avoir émergé sur la scène à une période où le slam devenait un genre à part entière en France.
Mais j’assume, d’autant plus qu’au-delà des formes, ce qui m’importe le plus, c’est de partager mes émotions avec les autres. Que ce soit à travers le slam, rap ou reggae.
Cette étiquette occulterait-elle votre démarche à propos du rap ?
Non. Je pense que la question n’est pas tant une étiquette, l’essentiel est que je puisse être moi, que j’amène ma particularité et échange avec les gens. Après, chacun a le droit d’avoir son avis, de poser des étiquettes qu’il veut. A vrai dire, je n’ai pas de problème avec ça.
« Dante » est le titre de votre dernier opus. Vous aurez pu aussi l’intituler « Molière », « Shakespeare » ou encore « Cervantès ». Pourquoi « Dante » ?
(Sourire). J’ai voulu le nommer ainsi parce qu’il y avait déjà un rapport spirituel. Mais surtout au fait qu’il a réalisé quelque chose d’assez fort, en décidant d’écrire son œuvre principale (La divine comédie), en toscan, la langue du peuple qui allait donner l’italien. A une époque où tous les intellectuels écrivaient en latin.
Ce fut un acte très fort pour l’époque, pour ne pas dire révolutionnaire. Parce que tout d’un coup, il disait haut et fort que le savoir en général n’était pas réservé à une élite, mais à tout le monde et que c’était populaire. D’une certaine manière, il a participé à la démocratisation du savoir.
Pour moi, cette démarche a quelque chose d’important parce qu’on vit dans un monde très cloisonné, élitiste où la poésie est réservée à une élite. Et même, lorsqu’on parle de rap ou d’autres choses, c’est réservé à une catégorie d’individus. Alors qu’il est vital aujourd’hui de lancer des passerelles, et d’établir des ponts entre les individus et les groupes.
J’ai le sentiment que Dante a été précurseur dans ce sens-là. Voir la haute tenue spirituelle chaque fois parce que pour moi, il y a toujours cet équilibre entre l’instant, aujourd’hui et la capacité qu’on aura à mettre quelque chose qui existe de toute éternité, à savoir la chose spirituelle.
Dans « C’est du lourd », un des titres de votre album, vous énumérez un certain nombre d’actions qui vous paraissent ou non lourdes. Si on se plaçait à l’échelle internationale, qu’est-ce qui vous paraît être lourd ou pas?
(Sourire). Je pense qu’on ne se rend pas compte finalement que tout peuple a le droit de vivre en paix dans son pays et par rapport aux autres, ça ce n’est pas du lourd.
Vous clamez votre amour pour les grands auteurs de la chanson française et dans chacune de vos chansons on retrouve des références à des intellectuels européens. Les intellectuels d’Afrique et tout particulièrement du Congo, votre pays d’origine, ne vous inspirent-ils pas ?
Pas véritablement, parce que ce n’est pas ma réflexion directe. Mais de plus en plus, j’ai envie d’aller dans ce sens: j’ai envie de faire un retour sur mes racines et de faire quelque chose qui serait strictement lié au Congo. Pour parler véritablement de mes racines, de mes ancêtres, des poètes, intellectuels et artistes du Congo. Je vais essayer de trouver la meilleure forme pour m’y prendre.
A propos, avez-vous vous déjà été sollicité au Congo? Avez-vous l’intention d’y développer un jour des projets?
Chaque fois que j’ai été sollicité, cela correspondait à des périodes où je ne pouvais pas m’y rendre. Mais il est vrai que j’ai de plus en plus envie de mener des actions en direction du Congo. Dans ce sens, mon frère aîné et moi avions beaucoup de projets sur lesquels nous travaillons. Au moment venu, nous déciderons de les monter en direction spécifiquement du Congo. On espère s’y mettre rapidement.
Pensez-vous être un « rappeur lettré et spirituel » comme l’écrit la presse française ou « un vrai poète au verbe sensible et engagé » comme le suggère Christine Albanel, la ministre française de la Culture ?
Il s’agit encore une fois du regard et du point de vue des autres, mais que je respecte. Que je sois d’accord ou non avec ceux-ci, la question ne se pose pas. Chacun est libre de me définir comme il l’entend. Ce qui est sûr, j’ai un message à transmettre : j’ai envie que chacun se rende compte qu’on fait tous partie d’une même famille : la famille humaine. Et qu’on a une responsabilité les uns vis-à-vis des autres, les uns par rapport aux autres. Car, on est là pour un bref passage. Puisque tous, on va mourir finalement, qu’aurons-nous fait dans le laps de temps qui nous est donné? Qu’est-ce qu’on aura fait pour être en paix avec soi-même et les autres ?
Vous avez été fait Chevalier des Arts et des Lettres en juin dernier et reçu plusieurs récompenses grâce notamment à l’album « Gibraltar ». On imagine que certaines vous ont surpris. Laquelle vous aura le plus marqué ?
A chaque fois que je reçois un prix, je suis toujours surpris, ému et très honoré parce que c’est une marque de reconnaissance. Cela me touche, mais à chaque fois pour des raisons différentes.
Je ne pourrai donc pas vraiment donner de préférence à telle ou telle récompense. Je suis simplement heureux qu’on comprenne finalement le message que j’ai envie de faire passer. Ce qui naturellement me touche.
On vous a vu vous mobiliser pour de nombreuses causes auxquelles vous apportez votre soutien. Au jour d’aujourd’hui, quelle est la cause qui vous tient le plus à cœur et pour laquelle vous aimeriez faire de grandes choses ?
Je travaille assez intensément depuis plusieurs années pour le Fonds d’action solidarité Sida Afrique dont je suis l’un des parrains. Cette association s’occupe à lever des fonds uniquement en direction de l’Afrique, notamment au Sud du Sahara. Elle travaille sur l’accès aux médicaments génériques et à certains médicaments destinés aux enfants.
C’est important d’autant plus qu’en Occident et en Europe, la plupart des médicaments sont destinés aux adultes du fait que les malades du sida ne sont pas des enfants. Alors qu’en Afrique, énormément d’enfants sont touchés par cette maladie. Donc, en plus d’aider les associations actives sur le terrain, notre travail consiste à encourager tout effort qui permette aux enfants et toutes personnes touchées d’accéder facilement aux médicaments.
L’un de vos grands projets serait aussi d’adapter sur grand écran votre livre « Qu’Allah bénisse la France ». Où en est le projet ?
Le projet avance très bien. Il est quasiment bouclé. On devait commencer le tournage d’ici quelques mois, sinon au plus tard au début de l’année prochaine. En ce qui concerne les lieux de tournage, nous comptons le faire dans plusieurs endroits, notamment ceux évoqués dans le livre.
Paroles de “C’est du lourd”
Je m’souviens , maman qui nous a élevés toute seule, nous réveillait pour l’école quand on était gamins, elle écoutait la radio en beurrant notre pain, et puis après elle allait au travail dans le froid, la nuit, ça c’est du lourd.
Ou le père de Majid qui a travaillé toutes ces années de ses mains, dehors, qu’il neige, qu’il vente, qu’il fasse soleil, sans jamais se plaindre, ça c’est du lourd.
Et puis t’as tous ces gens qui sont venus en France parce qu’ils avaient un rêve et même si leur quotidien après il a plus ressemblé à un cauchemar, ils ont toujours su rester dignes , ils n’ont jamais basculé dans le ressentiment, ça c’est du lourd , c’est violent.
Et puis t’as tous les autres qui se lèvent comme ça, tard dans la journée, qui se grattent les bourses, je parle des deux, celles qui font référence aux thunes, du genre “la fin justifie les moyens” et celles qui font référence aux filles, celles avec lesquelles ils essaient de voir si y’a moyen, ça c’est pas du lourd .
Les mecs qui jouent les choses zerma devant les blocs deal, un peu de coke, de temps en temps un peu de ke-cra (crack) et disent « je connais la vie moi monsieur ! », alors qu’ils connaissent rien, ça c’est pas du lourd.
Moi je pense à celui qui se bat pour faire le bien, qu’a mis sa meuf enceinte, qui lui dit j’t’aime, je vais assumer, c’est rien, c’est bien, qui va taffer des fois même pour un salaire de misère, mais le loyer qu’il va payer, la bouffe qu’il va ramener à la baraque, frère, ça sera avec de l’argent honnête, avec de l’argent propre, ça c’est du lourd.
Je pense aussi à ces filles qu’on a regardé de travers parce qu’elles venaient de cités, qu’ont montré à coup de ténacité, de force, d’intelligence, d’indépendance, qu’elles pouvaient faire quelque chose de leur vie, qu’elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient de leur vie, ça c’est du lourd.
Mais t’as le bourgeois aussi, genre emprunté, mais attention je n’généralise pas, je dis pas que tous les bourgeois sont condescendants, paternalistes ou totalement imbus de leur personne, je veux juste dire qu’il y a des gens qui comprennent pas, qui croient qu’être français c’est une religion, une couleur de peau, ou l’épaisseur d’un portefeuille en croco, ça c’est bête , c’est pas du lourd , c’est...
La France elle est belle, tu le sais en vrai, la France on l’aime, y’a qu’à voir quand on retourne au bled, la France elle est belle, regarde tous ces beaux visages qui s’entremêlent.
Et quand t’insultes ce pays, quand t’insultes ton pays, en fait tu t’insultes toi-même, il faut qu’on se lève, faut qu’on se batte dans l’ensemble, rien à faire de ces mecs qui disent “vous jouez un rôle ou vous rêvez”, ces haineux qui disent “vous allez vous réveiller”, parce que si on est arrivé, si on est arrivé à faire front avec nos différences, sous une seule bannière, comme un seul peuple, comme un seul homme, ils diront quoi tous ?
C’est du lourd, du lourd, un truc de malade…..
à renouveler l’esthétique du rap”
Abd Al Malik a été
fait Chevalier des
Arts et des Lettres en juin 2008. Le musicien
franco-congolais a reçu plusieurs récompenses et citations dans de
prestigieuses
manifestations tout au long de sa jeune mais déjà très
impressionnante
carrière. De passage
à Rabat, où il a
annoncé sa
participation au Festival de la culture soufie (du 18 au 25 avril prochain à Fès), et après sa prestation de la veille à l’Ecole Mohammadia
d’ingénieurs, l’auteur de «Qu’Allah bénisse la France» (Albin Michel) et de l’album «Gibraltar» s’est prêté à nos questions.
Libé : Au-delà des liens spirituels, peut-on aujourd’hui définir autrement vos rapports avec le Maroc ?
Abd Al Malik : Je ne peux les définir autrement puisque mon lien avec le Maroc est lié au fait que mon maître spirituel vit ici. Donc, je viens souvent ici pour lui rendre visite. C’est par son regard que j’apprécie le Maroc. C’est véritablement un lien spirituel, d’où mon rapport avec le Royaume.
Grand Corps Malade et vous, vous êtes présentés comme deux artistes français à avoir popularisé le slam auprès des jeunes. Qu’en pense le rappeur que vous êtes ?
Il y a un grand quiproquo au sujet du slam. Je suis rappeur et ma démarche est de renouveler l’esthétique du rap.
Il est vrai que j’ai une grande passion pour la littérature et j’ai beaucoup de respect pour les slameurs, mais je n’en suis pas un. C’est une étiquette qui m’a été collée pour avoir émergé sur la scène à une période où le slam devenait un genre à part entière en France.
Mais j’assume, d’autant plus qu’au-delà des formes, ce qui m’importe le plus, c’est de partager mes émotions avec les autres. Que ce soit à travers le slam, rap ou reggae.
Cette étiquette occulterait-elle votre démarche à propos du rap ?
Non. Je pense que la question n’est pas tant une étiquette, l’essentiel est que je puisse être moi, que j’amène ma particularité et échange avec les gens. Après, chacun a le droit d’avoir son avis, de poser des étiquettes qu’il veut. A vrai dire, je n’ai pas de problème avec ça.
« Dante » est le titre de votre dernier opus. Vous aurez pu aussi l’intituler « Molière », « Shakespeare » ou encore « Cervantès ». Pourquoi « Dante » ?
(Sourire). J’ai voulu le nommer ainsi parce qu’il y avait déjà un rapport spirituel. Mais surtout au fait qu’il a réalisé quelque chose d’assez fort, en décidant d’écrire son œuvre principale (La divine comédie), en toscan, la langue du peuple qui allait donner l’italien. A une époque où tous les intellectuels écrivaient en latin.
Ce fut un acte très fort pour l’époque, pour ne pas dire révolutionnaire. Parce que tout d’un coup, il disait haut et fort que le savoir en général n’était pas réservé à une élite, mais à tout le monde et que c’était populaire. D’une certaine manière, il a participé à la démocratisation du savoir.
Pour moi, cette démarche a quelque chose d’important parce qu’on vit dans un monde très cloisonné, élitiste où la poésie est réservée à une élite. Et même, lorsqu’on parle de rap ou d’autres choses, c’est réservé à une catégorie d’individus. Alors qu’il est vital aujourd’hui de lancer des passerelles, et d’établir des ponts entre les individus et les groupes.
J’ai le sentiment que Dante a été précurseur dans ce sens-là. Voir la haute tenue spirituelle chaque fois parce que pour moi, il y a toujours cet équilibre entre l’instant, aujourd’hui et la capacité qu’on aura à mettre quelque chose qui existe de toute éternité, à savoir la chose spirituelle.
Dans « C’est du lourd », un des titres de votre album, vous énumérez un certain nombre d’actions qui vous paraissent ou non lourdes. Si on se plaçait à l’échelle internationale, qu’est-ce qui vous paraît être lourd ou pas?
(Sourire). Je pense qu’on ne se rend pas compte finalement que tout peuple a le droit de vivre en paix dans son pays et par rapport aux autres, ça ce n’est pas du lourd.
Vous clamez votre amour pour les grands auteurs de la chanson française et dans chacune de vos chansons on retrouve des références à des intellectuels européens. Les intellectuels d’Afrique et tout particulièrement du Congo, votre pays d’origine, ne vous inspirent-ils pas ?
Pas véritablement, parce que ce n’est pas ma réflexion directe. Mais de plus en plus, j’ai envie d’aller dans ce sens: j’ai envie de faire un retour sur mes racines et de faire quelque chose qui serait strictement lié au Congo. Pour parler véritablement de mes racines, de mes ancêtres, des poètes, intellectuels et artistes du Congo. Je vais essayer de trouver la meilleure forme pour m’y prendre.
A propos, avez-vous vous déjà été sollicité au Congo? Avez-vous l’intention d’y développer un jour des projets?
Chaque fois que j’ai été sollicité, cela correspondait à des périodes où je ne pouvais pas m’y rendre. Mais il est vrai que j’ai de plus en plus envie de mener des actions en direction du Congo. Dans ce sens, mon frère aîné et moi avions beaucoup de projets sur lesquels nous travaillons. Au moment venu, nous déciderons de les monter en direction spécifiquement du Congo. On espère s’y mettre rapidement.
Pensez-vous être un « rappeur lettré et spirituel » comme l’écrit la presse française ou « un vrai poète au verbe sensible et engagé » comme le suggère Christine Albanel, la ministre française de la Culture ?
Il s’agit encore une fois du regard et du point de vue des autres, mais que je respecte. Que je sois d’accord ou non avec ceux-ci, la question ne se pose pas. Chacun est libre de me définir comme il l’entend. Ce qui est sûr, j’ai un message à transmettre : j’ai envie que chacun se rende compte qu’on fait tous partie d’une même famille : la famille humaine. Et qu’on a une responsabilité les uns vis-à-vis des autres, les uns par rapport aux autres. Car, on est là pour un bref passage. Puisque tous, on va mourir finalement, qu’aurons-nous fait dans le laps de temps qui nous est donné? Qu’est-ce qu’on aura fait pour être en paix avec soi-même et les autres ?
Vous avez été fait Chevalier des Arts et des Lettres en juin dernier et reçu plusieurs récompenses grâce notamment à l’album « Gibraltar ». On imagine que certaines vous ont surpris. Laquelle vous aura le plus marqué ?
A chaque fois que je reçois un prix, je suis toujours surpris, ému et très honoré parce que c’est une marque de reconnaissance. Cela me touche, mais à chaque fois pour des raisons différentes.
Je ne pourrai donc pas vraiment donner de préférence à telle ou telle récompense. Je suis simplement heureux qu’on comprenne finalement le message que j’ai envie de faire passer. Ce qui naturellement me touche.
On vous a vu vous mobiliser pour de nombreuses causes auxquelles vous apportez votre soutien. Au jour d’aujourd’hui, quelle est la cause qui vous tient le plus à cœur et pour laquelle vous aimeriez faire de grandes choses ?
Je travaille assez intensément depuis plusieurs années pour le Fonds d’action solidarité Sida Afrique dont je suis l’un des parrains. Cette association s’occupe à lever des fonds uniquement en direction de l’Afrique, notamment au Sud du Sahara. Elle travaille sur l’accès aux médicaments génériques et à certains médicaments destinés aux enfants.
C’est important d’autant plus qu’en Occident et en Europe, la plupart des médicaments sont destinés aux adultes du fait que les malades du sida ne sont pas des enfants. Alors qu’en Afrique, énormément d’enfants sont touchés par cette maladie. Donc, en plus d’aider les associations actives sur le terrain, notre travail consiste à encourager tout effort qui permette aux enfants et toutes personnes touchées d’accéder facilement aux médicaments.
L’un de vos grands projets serait aussi d’adapter sur grand écran votre livre « Qu’Allah bénisse la France ». Où en est le projet ?
Le projet avance très bien. Il est quasiment bouclé. On devait commencer le tournage d’ici quelques mois, sinon au plus tard au début de l’année prochaine. En ce qui concerne les lieux de tournage, nous comptons le faire dans plusieurs endroits, notamment ceux évoqués dans le livre.
Paroles de “C’est du lourd”
Je m’souviens , maman qui nous a élevés toute seule, nous réveillait pour l’école quand on était gamins, elle écoutait la radio en beurrant notre pain, et puis après elle allait au travail dans le froid, la nuit, ça c’est du lourd.
Ou le père de Majid qui a travaillé toutes ces années de ses mains, dehors, qu’il neige, qu’il vente, qu’il fasse soleil, sans jamais se plaindre, ça c’est du lourd.
Et puis t’as tous ces gens qui sont venus en France parce qu’ils avaient un rêve et même si leur quotidien après il a plus ressemblé à un cauchemar, ils ont toujours su rester dignes , ils n’ont jamais basculé dans le ressentiment, ça c’est du lourd , c’est violent.
Et puis t’as tous les autres qui se lèvent comme ça, tard dans la journée, qui se grattent les bourses, je parle des deux, celles qui font référence aux thunes, du genre “la fin justifie les moyens” et celles qui font référence aux filles, celles avec lesquelles ils essaient de voir si y’a moyen, ça c’est pas du lourd .
Les mecs qui jouent les choses zerma devant les blocs deal, un peu de coke, de temps en temps un peu de ke-cra (crack) et disent « je connais la vie moi monsieur ! », alors qu’ils connaissent rien, ça c’est pas du lourd.
Moi je pense à celui qui se bat pour faire le bien, qu’a mis sa meuf enceinte, qui lui dit j’t’aime, je vais assumer, c’est rien, c’est bien, qui va taffer des fois même pour un salaire de misère, mais le loyer qu’il va payer, la bouffe qu’il va ramener à la baraque, frère, ça sera avec de l’argent honnête, avec de l’argent propre, ça c’est du lourd.
Je pense aussi à ces filles qu’on a regardé de travers parce qu’elles venaient de cités, qu’ont montré à coup de ténacité, de force, d’intelligence, d’indépendance, qu’elles pouvaient faire quelque chose de leur vie, qu’elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient de leur vie, ça c’est du lourd.
Mais t’as le bourgeois aussi, genre emprunté, mais attention je n’généralise pas, je dis pas que tous les bourgeois sont condescendants, paternalistes ou totalement imbus de leur personne, je veux juste dire qu’il y a des gens qui comprennent pas, qui croient qu’être français c’est une religion, une couleur de peau, ou l’épaisseur d’un portefeuille en croco, ça c’est bête , c’est pas du lourd , c’est...
La France elle est belle, tu le sais en vrai, la France on l’aime, y’a qu’à voir quand on retourne au bled, la France elle est belle, regarde tous ces beaux visages qui s’entremêlent.
Et quand t’insultes ce pays, quand t’insultes ton pays, en fait tu t’insultes toi-même, il faut qu’on se lève, faut qu’on se batte dans l’ensemble, rien à faire de ces mecs qui disent “vous jouez un rôle ou vous rêvez”, ces haineux qui disent “vous allez vous réveiller”, parce que si on est arrivé, si on est arrivé à faire front avec nos différences, sous une seule bannière, comme un seul peuple, comme un seul homme, ils diront quoi tous ?
C’est du lourd, du lourd, un truc de malade…..