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L'appel, annoncé par le cabinet du procureur à Reuters, vise l'ordonnance prise mardi dernier par une juge d'instruction.
Françoise Desset avait jugé recevable et avait ordonné d'instruire la plainte déposée en décembre par l'ONG anti-corruption Transparency International contre les trois leaders africains pour "recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de biens sociaux, abus de confiance".
L'appel sera examiné par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, composée de trois magistrats, dans un délai probable d'environ six mois. D'ici là, il ne peut y avoir d'investigations concernant les biens d'Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang (Guinée équatoriale), visés par la plainte.
La décision du parquet n'est pas une surprise. Il avait déjà classé sans suite deux premières plaintes sur les mêmes faits en 2007 et 2008, jugeant l'infraction "insuffisamment caractérisée".
Dans cette troisième plainte avec "constitution de partie civile", la décision finale ne lui revient pas mais il s'était encore opposé à l'ouverture d'une information en invoquant une irrecevabilité de la plainte de Transparency, qui n'aurait pas selon lui qualité à agir au nom des contribuables africains.
C'est ce point que tranchera la chambre de l'instruction si elle confirme l'ordonnance du juge Desset.
Par avance, Me William Bourdon, avocat des plaignants, avait fustigé mardi l'appel probable du parquet.
"Il vise à mettre sous l'éteignoir une enquête qui menace les chefs d'Etat africains, leurs clans et leurs familles, il constitue un grand écart avec tous les engagements internationaux de la France", a-t-il dit à la presse.
Pour Me Bourdon, le parquet agit dans ce dossier comme "bras armé de la raison d'Etat", le pouvoir politique français cherchant selon lui à préserver ses intérêts économiques et politiques dans les trois pays concernés, fiefs de Total et pivots de l'influence de Paris en Afrique.
Transparency a parlé de "décision historique" à propos de la décision de la juge d'instruction et réaffirmé que l'organisation voulait restituer les biens aux populations.
La chambre de l'instruction reverra aussi le problème de la recevabilité de l'autre plainte déposée par un citoyen gabonais, Grégory Gbwa Mintsa, rejetée par le parquet comme par la juge d'instruction.
Si l'enquête était lancée, les magistrats se heurteraient à l'immunité coutumière accordée aux chefs d'Etat en exercice. Mais leurs proches n'en bénéficient pas et peuvent donc en théorie être arrêtés, sauf immunité diplomatique.
Recensés par la police lors de l'enquête préliminaire de 2007, les 39 propriétés et 70 comptes bancaires détenus par Omar Bongo et ses proches, les 24 propriétés et 112 comptes bancaires de la famille Sassou-Nguesso, ainsi que les limousines achetées par la famille Obiang risqueraient en théorie d'être saisis, même si cette perspective paraît lointaine et hypothétique. Les plaignants estiment que les biens en question n'ont pu être acquis qu'avec de l'argent détourné ou le produit de corruption. Ils soulignent que le procès Elf à Paris en 2003 avait démontré que les revenus tirés de l'"or noir" profitaient personnellement aux chefs d'Etat en question. Ces derniers nient toute malversation et soulignent qu'ils ne sont pas les seuls chefs d'Etats à avoir des résidences en France. Omar Bongo n'a pas engagé à ce jour les poursuites en diffamation annoncées.