D'un point de vue historique, le terme "terrorisme" provient de l'expérience de la terreur qui sévit lors de la révolution française en 1793 et 1794. Le siècle des Lumières a donné à l'humanité l'idée de la souveraineté populaire. C'est en son nom que la révolution propose de la défendre par le truchement d'une terreur d'Etat où les fins justifient les moyens, y compris les plus violents.
Après la Terreur, le XIXème siècle marque une longue parenthèse pour le terrorisme d'Etat, qui ne fait sa véritable réapparition qu'en 1917. Entre-temps se développe une nouvelle forme de terrorisme politique qui va se perpétuer jusqu'à nos jours. Le terrorisme dirigé contre l'Etat n'est pas un phénomène nouveau, comme nous l'avons constaté avec les Zélotes et les Hashashin (Assassins).
Les Zélotes hébreux, comme l'indiquent plusieurs documents, constituent une secte juive du Ier siècle de notre ère qui combattait le pouvoir romain les armes à la main et pratiquait le terrorisme. Les Zélotes (ou zélés, Qiniim en hébreu, de qina, jaloux, exclusif, sur la racine QYN, Caïn), combattaient le pouvoir romain les armes à la main pendant la Première Guerre judéo-romaine. Révoltés au départ contre le recensement de Quirinius, qui permet l'impôt " par tête ", ils se radicalisent et finissent par s'attaquer aussi bien à leurs compatriotes jugés timorés ou soupçonnés de collaborer avec les Romains, qu'aux païens qui - pensent-ils - souillent la Terre promise par leur seule présence. Le mouvement zélote trouve une origine biblique en la figure de Pinhas (ou Phineas) fils d'Eléazar, fils d'Aaron le prêtre (Paracha Pin'has du livre Les Nombres du Pentateuque). Ce personnage biblique s'est illustré par l'assassinat d'un Prince de tribu d'Israël qui se serait fourvoyé dans la luxure aux yeux de tous. L'exécution commise par Pinhas, au lieu d'être réprimandée, est hautement valorisée en tant qu'elle scelle une alliance de paix entre le peuple et l'Eternel. Pinhas est considéré comme le premier zélote car la Bible dit qu'il s'est montré "jaloux" pour la gloire divine. En outrepassant la loi, Tu ne tueras point, il réaffirme le caractère sacré de la loi mosaïque et, de fait, réinstalle le principe religieux comme moteur de l'action humaine. L'épisode de Pinhas constituera la principale légitimation théologique de l'activisme zélote. Les Romains leur donnent le nom de " sicaires ", du nom de leur poignard tranchant, la SICA, qui pourrait avoir aussi donné le surnom d'"Iscariote" du Judas des Évangiles. Vers l'époque de la chute du Temple, leurs chefs sont Jean de Gischala et Eléazar. Ce dernier, après la destruction de Jérusalem, se réfugie dans la forteresse de Massada avec 960 personnes - les guerriers, les femmes et leurs enfants - où ils résistent plusieurs années aux légions romaines. Préférant mourir que de se rendre, les derniers zélotes se suicidèrent collectivement pour ne pas être capturés. En revanche, la secte des assassins tire ses origines du mot haschaschin qui signifie en arabe "mangeur de haschisch". Il a été attribué pour la première fois à une société secrète chiite du XIe siècle qui réalisa de nombreux meurtres (Conrad de Montferrat, le roi de Jérusalem, ou le prince Al-Moulk).
En effet, au XIe siècle, dans le nord de l'Iran, la secte des assassins fait de l'attentat-suicide son arme favorite contre l'empire des Turcs seldjoukides. Alors que le terrorisme et les affrontements entre chiites et sunnites font rage au Moyen-Orient, cette évocation de l'Islam médiéval est riche d'enseignements.
De nos jours, le terme terrorisme est pernicieux, difficile à définir. Outre, le fait qu'il est une manifestation, spectaculaire de violence extrême, visant à créer un climat de peur et d'effroi parmi la population et qu'il s'inscrit volontairement dans une perspective de rupture totale avec le droit et avec toute considération morale, il peut prendre diverses formes, selon les acteurs impliqués (gouvernements, mouvements d'émancipation nationale ou régionale, groupuscules religieux, idéologiques ou mafieux, etc.), les méthodes utilisées et les revendications exprimées.
Le mot violence tire ses racines du mot latin "violentia" qui signifie abus de force, alors que le terrorisme, tel qu'il se manifeste à travers un acte dit terroriste, décrit d'abord un moyen utilisé par une personne ou par un groupe pour communiquer un message jugé comme étant incompris par d'autres moyens. Le terrorisme est défini également comme une tentative d'instiller un état de terreur auprès d'un groupe cible. Toutefois, le message terroriste concerne une réalité sociale, politique, économique ou religieuse. Dans le contexte moderne, ce message s'adresse non seulement aux communautés environnantes, à l'État concerné ou aux pouvoirs politiques proximaux, mais il vise aussi, en raison de sa diffusion par les médias télévisés, à provoquer le plus de terreur possible auprès du plus grand nombre de personnes possible.
Si l'on s'attache à la doctrine ou aux idées des "terroristes", le mot peut servir à disqualifier, critiquer, nier la justesse d'une cause, sa légitimité même. D'une certaine façon, le terrorisme est la violence de l'autre. Pour échapper à cette impasse, la définition du terrorisme à partir de ses techniques est un moyen certes moins habituel mais assez efficace. Les techniques du terrorisme sont en effet identifiables, en particulier dans leur opposition aux conventions du droit : le terrorisme est en ce sens le recours à des pratiques comme l'attentat à la bombe, le détournement d'avion, l'assassinat ou la prise d'otage.
Le terme en lui-même est un qualificatif à connotation négative. Un terroriste se définit rarement comme tel. Il se perçoit plutôt comme un combattant ou comme un révolutionnaire par exemple, obligé de recourir au terrorisme dans une logique du faible au fort, au service d'une cause. Des chercheurs ont recueilli 109 définitions du terme auprès d'universitaires et de fonctionnaires et les ont analysées pour trouver leurs principales composantes. Ils ont trouvé que la violence figurait dans 83,5% des définitions, les objectifs politiques dans 65% et que 51% d'entre elles avaient pour élément central la peur et la terreur. 21% des définitions seulement mentionnaient l'arbitraire et les cibles prises au hasard, et seulement 17,5% incluaient la victimisation des civils, des non-combattants, des personnes neutres et des éléments extérieurs.
Noam Chomsky se réfère à cet effet à une définition relevant du sens commun. Celle-ci précise que le terrorisme est "l'usage délibéré de la violence ou de la menace de la violence pour atteindre des objectifs qui sont de nature politique, religieuse ou idéologique [...] par le recours à l'intimidation ou à la coercition ou en inspirant la peur".
En bref, il n'existe pas de terrorisme "en soi", sorte de donnée a-historique et décontextualisé qu'il suffirait d'essentialiser et de substantifier comme le font régulièrement les médias et les politiques.
L'action terroriste reste avant tout une construction sociale qui ne peut être étudiée sans être rapportée aux logiques de l'ensemble des acteurs impliqués et exige un examen minutieux de leurs interactions complexes. Les terrorismes se caractérisent par des critères communs qui impliquent les mêmes modalités d'intervention: 1) le recours ou la menace du recours à la violence, 2) l'instauration d'un climat d'incertitude avec effets de surprise, 3) le choix de cibles symboliques et l'intention de semer la peur dans une population cible, 4) la recherche d'une médiatisation, 5) la poursuite d'un objectif précis. Le terrorisme tire aussi sa force de l'entraide de nombreux réseaux transnationaux qui se livrent bien souvent à un échange de services.
A elle seule, l'action terroriste constitue à présent un message et un défi aux États. Alors même qu'elle n'est parfois pas revendiquée, elle s'accompagne toujours d'une "signature" qui prend la forme d'une scénographie ritualisée. Tout devient signifiant pour composer la syntaxe terroriste: le choix de la date, du lieu, de la cible, du type d'arme et d'éventuelles redondances.
Par leurs actions violentes et spectaculaires, les terroristes montrent également qu'ils détiennent le pouvoir de convertir de simples actes individuels, micropolitiques, en résultats macropolitiques (attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis d'Amériques, du 16 mai 2003 à Casablanca, du 11 mars à Madrid, etc.).
(A suivre)