“La culture de la pastèque dans la région de Zagora n’utilise pas de semences génétiquement modifiées », c’est la réponse de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) après les rumeurs ayant circulé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux. Il a également précisé que l’importation des différentes espèces végétales est conditionnée à une autorisation préalable. Pourtant, pour la population locale, le vrai problème est ailleurs, à savoir les dégâts et les effets néfastes causés par cette culture au niveau du sol et de la nappe phréatique. Selon Jamal Akchbabe, président de l'Association des amis de l'environnement à Zagora (AAEZ), la région vit ses pires moments et la menace de tensions sociales plane si la situation actuelle perdure. « La culture de la pastèque continue à détruire nos sols et à épuiser nos ressources en eau. Nous risquons des mois de sécheresse plus graves que les années précédentes», nous a-t-il indiqué. Et de préciser : « La situation est catastrophique au niveau des ressources hydrauliques notamment celles souterraines qui sont épuisées. Aujourd’hui, il faut creuser des puits à plus de 100 m de profondeur pour trouver de l’eau et ce n’est pas toujours le cas. Les palmiers n’arrivent plus à être irrigués suffisamment. On assiste à une morte lente de notre oasis. D’ici l’été prochain, plus de 1,40 million de ces plantes risquent de disparaître à cause de la sécheresse. Même les eaux de surface n’arrivent plus à répondre aux besoins en irrigation ou en eau potable. Le barrage El Mansour Eddahbi n’assure que 20% des besoins. Nous assistons dernièrement au retour des citernes d’eau pour approvisionner la population en eau potable comme c’était le cas en 2017. Les petits agriculteurs se plaignent aussi de cette situation ». Notre interlocuteur estime que s’il y a une crise de l’eau, c’est parce qu’il y a un laxisme et un laisser-faire concernant le creusement des puits et l’exploitation de ces derniers, notamment par les producteurs des pastèques dont la culture exige des quantités énormes d’eau. Un phénomène qui s’est amplifié davantage dernièrement notamment avec l’utilisation des ressources énergétiques durables. « Aujourd’hui, les producteurs épuisent davantage les eaux souterraines puisqu’ils utilisent une énergie gratuite et non plus le gaz butane ou le gazole qui coûtent cher comme c’était le cas auparavant. Une situation des plus dramatiques puisqu’il n’y a pas de contrôle ou surveillance au niveau de la prospection des eaux souterraines ou leur exploitation de la part de n’importe quelle autorité locale. En effet, l’Agence du bassin hydraulique chargée, entre autres, d’élaborer et d’appliquer le plan directeur d’aménagement intégré des ressources en eau (PDAIRE) ainsi que de délivrer les autorisations et les concessions d’utilisation du domaine public, est située à Guelmim, à 1.000 km de Zagora et ne dispose d’aucune délégation dans la ville. Les agriculteurs préfèrent, au lieu d’aller chercher une autorisation à des centaines de kilomètres, creuser clandestinement des puits et les exploiter sans peur d’être inquiétés puisqu’il n‘y a pas de police de l’eau et ne paient rien vu qu’il n’y a pas de compteurs d’eau permettant d'évaluer la consommation », nous a-t-il expliqué. Mais, il n’y a pas que le manque des ressources d’eau qui pose problème, la dégradation des sols et leur appauvrissement dus à un usage excessif des engrais chimiques et des pesticides suscitent aussi des appréhensions. « Les agriculteurs utilisent toutes sortes de pesticides. Souvent, d’une manière irrationnelle et incorrecte. Ils utilisent ces engrais chimiques en vue d'augmenter le rendement des cultures ou pour changer le goût ou la couleur de leurs productions, mais d’une manière flagrante. A tel point que Zagora connaît à présent une recrudescence du nombre des droguistes qui ont ouvert des boutiques dans la ville pour vendre pesticides et engrais», a noté Jamal Akchbabe. Selon ce dernier, cet usage anarchique se fait sans que ces producteurs soient formés dans le domaine et sans contrôle ni de l’ONCA (Office national de conseil agricole) ni de l’ONSSA. « Ce dernier est quasi inexistant dans la région. Seul un vétérinaire représente cet institut dans notre vaste région », a-t-il souligné. Et de préciser : « Les pesticides ne posent pas problème en tant que tels, puisqu’ils sont utilisés dans les diverses cultures. C’est leur méthode d’usage qui demeure problématique. En effet, si un produit est traité par des pesticides, sa vente doit s’effectuer 15 jours après et non pas le lendemain comme le font plusieurs agriculteurs de la région. A noter que cette utilisation anarchique a eu des conséquences sur les sols qui subissent une dégradation et un appauvrissement continus ». Face à cette situation, les membres de l’AAEZ ont demandé au gouverneur de la région de décréter Zagora comme zone sinistrée comme ce fut le cas auparavant pour la province de Tata après l’épuisement de ses ressources en eau à cause de la culture de la pastèque. « Cette demande a été tout simplement rejetée et personne ne sait pourquoi. Pourtant, plusieurs interrogations entourent ce refus. En fait, le sujet de la culture de la pastèque est devenu un tabou dans la région et même les responsables refusent de l’évoquer publiquement. C’est le cas de certains ingénieurs du ministère de l’Agriculture qui estiment que la situation est grave, mais n’osent pas le déclarer publiquement », nous a-t-il confié. Et de conclure : « En effet, la culture de la pastèque qui a débuté dans la région en 2008 et dont la superficie est passée de 2.000 à 20.000 hectares, a eu des conséquences au-delà de l’environnement. En 2017, la pénurie en eau a donné lieu à des séries de protestations de la population locale ainsi qu’à la détention de plusieurs jeunes. Aujourd’hui, tout le monde s’interroge sur le silence assourdissant du ministère de tutelle, de l’Agence du bassin hydraulique et des autorités provinciales alors que la lutte contre cette culture importée a débuté dès 2010 sachant qu’il y a des lois nationales qui pénalisent l’épuisement des ressources hydriques et qu’il s’agit bien de la sécurité hydrique de la région ».