La lutte contre la transhumance politique au Maroc, un exemple pour le Sénégal


Par Malick Ndaw
Vendredi 2 Mai 2014

La lutte contre la transhumance politique au Maroc, un exemple pour le Sénégal
Une proposition de loi contre la transhumance. Ce n’est pas une première au Sénégal. En mai 2012 à Linguère, en marge d’une réunion de préparation des législatives du 1er juillet 2012, Dixit Djibo Leyti Ka, secrétaire général de l’URD  préconisait l’adoption d’une loi pour combattre la transhumance politique. «Je suis foncièrement contre la transhumance qui est une tare pour la démocratie. C’est un manque de citoyenneté», déclarait-il alors.  
Cependant, la proposition faite lundi dernier par Me Djibril War, pèse de tout son poids symbolique eu égard à son statut de président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, mais surtout en tant que responsable «apériste», parti au pouvoir. Reste juste à savoir si sa majorité plurielle à l’Assemblée et si prompte à voter, machinalement, tous les projets de lois émanant de ses membres, tournera la roue dans le même sens.   
Toujours est-il que, si le Sénégal n’est pas «un îlot au milieu d’un océan », pour reprendre une expression très usitée par les politiques, il n’y a qu’à promener le regard chez nos voisins proches et lointains où le débat sur la transhumance politique alimente régulièrement la vie politique, pour s’arrêter et s’interroger. 
Exit le Bénin qui a «réglé le problème» depuis 2001, précisément le 24 juillet, en faisant voter, en 2001, une «Nouvelle charte des partis politiques » dont une des dispositions stipule : «Tout élu à un mandat représentatif sous la bannière d’un parti qui vient à en démissionner en cours de mandat quel que soit le motif perd son siège et est immédiatement remplacé par son suppléant». 
En Côte d’Ivoire,  l’idée est agitée depuis l’année dernière au sein de la classe politique et des responsables de la société civile. Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, lors de la rentrée parlementaire, le 25 avril dernier, à Yamoussoukro, avait abordé brièvement la question, estimant que « c’est un phénomène à combattre ». Mais le député Konan Kouadio Bertin (KKB) était allé plus loin en déclarant «Je suis en train d’envisager de proposer une loi pour mettre fin au nomadisme politique en Côte d’Ivoire parce qu’il y a des gens qui sont dangereux pour la République, pour la nation». Plusieurs partis politiques ivoiriens ont donné un avis favorable au souhait de ce député du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA, mouvance présidentielle) de présenter une loi contre la transhumance politique.
Un peu plus haut, au Maroc, les projets de loi organiques sur la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers interdisent (en l’occurrence l’article 61) la transhumance politique. «Ainsi tout membre de l’une des deux Chambres du Parlement marocain qui renonce à son appartenance politique au nom de laquelle il s’est porté candidat aux élections ou le groupe ou groupement parlementaire auquel il appartient, est déchu de son mandat».
L’exemple marocain est sans doute le plus abouti car, dans la dynamique d’«assainissement» du paysage politique, outre la lutte contre la transhumance, les critères de financement des partis politiques, ainsi que le renforcement du rôle de la justice sont, entre autres, les grandes lignes contenues dans le projet de loi organique sur les partis politiques.
Au Togo où en mars 2012 l’affaire des 9 députés UFC passés dans les rangs de l’ANC a posé la question de la transhumance, la société civile et particulièrement la presse togolaise avait souligné la nécessité de disposer d’une loi qui interdit le débauchage, « source d’instabilité politique » avec des majorités qui peuvent changer à tout moment.
Plus loin au Malawi, en juin 2001, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle loi sur la transhumance parlementaire, qui prévoit que tout parlementaire qui quitte son parti perdra son siège de circonscription et qu’il sera alors procédé à une élection partielle en vue de pourvoir le siège vacant.
Si la Constitution sénégalaise prévoit qu’un député qui quitte son parti politique perd son mandat à l’Assemblée nationale, une mention que l’on retrouve par ailleurs dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, force est de convenir que cela n’a qu’un effet de principe de surcroît… sans effet. Par ailleurs, la problématique transcende en fait le parlementaire et embrasse toute la classe politique dans son ensemble. Tout le monde n’est pas élu tandis que tout politique est un potentiel «berger».   
Par conséquent, l’exemple marocain, toute proportion gardée, apparaît ici pertinent en ce sens qu’au-delà de la plaie «transhumance», c’est un «bilan de santé politique» qu’il suggère à travers notamment l’autre «plaie» purulente du financement des partis politiques, sujet plus que d’actualité au Sénégal.   
 
* Chroniqueur au journal 
sénégalais Sud Quotidien


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