La crise des jeunes au Maroc. Entre échec gouvernemental et conséquences du chômage


Mohamed ASSOUALI
Lundi 23 Septembre 2024

La crise des jeunes au Maroc. Entre échec gouvernemental et conséquences du chômage
La jeunesse au Maroc vit des conditions difficiles et précaires en raison de l'aggravation de la situation économique et sociale que traverse le pays. Le chômage, le manque de perspectives et la rareté des opportunités sont les principaux titres qui résument la souffrance des jeunes Marocains, poussant nombre d'entre eux à recourir à l'immigration clandestine ou à s'engager dans des pratiques désespérées pour survivre. Bien que l’exécutif actuel ait adopté un programme gouvernemental » « ambitieux », l'évaluation de sa performance après trois ans de gestion des affaires nationales, régionales et locales révèle que peu de choses ont été réalisées.

Cette période n'a pas abouti à des réalisations concrètes, mais au contraire, elle a été marquée par des grèves et des manifestations, ainsi que par la détérioration croissante du pouvoir d'achat des citoyens, en plus de l'échec total de l'instauration de l'Etat social.
 
Dans cet article, nous aborderons deux axes principaux :
Premièrement, l'échec du gouvernement à gérer les affaires de la jeunesse et les conséquences du chômage,
Deuxièmement, les solutions possibles pour sortir de cette crise, avec un accent particulier sur l'initiative du Groupe parlementaire de l'Union socialiste des forces populaires appelant le gouvernement à fournir des explications concernant les événements tragiques liés à l'immigration massive des jeunes  et l'échec des programmes incitatifs qui leur sont destinés..
 
L’échec du gouvernement dans la gestion des affaires des jeunes et les répercussions du chômage
 
Le Maroc a connu ces dernières années une hausse inquiétante du taux de chômage, notamment parmi les jeunes, où il a atteint des niveaux sans précédent (dépassant 14%). La jeunesse, qui constitue le pilier principal du développement économique et social dans toute société, se retrouve face à une réalité tragique marquée par l’absence de perspectives et la baisse des opportunités. Malgré les promesses récurrentes du gouvernement de remédier à cette situation, les politiques mises en œuvre n’ont pas été à la hauteur des véritables défis.

Parmi ces politiques, on peut citer les programmes incitatifs destinés aux jeunes, tels que «Intilaka», qui visait à soutenir les petites et moyennes entreprises en offrant des facilités de financement et de crédit. Toutefois, ce programme a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de ses procédures complexes, rendant difficile l'accès des jeunes à ses avantages. Le décalage entre les promesses gouvernementales et l'application sur le terrain a poussé de nombreux jeunes à percevoir le programme comme déconnecté de leur réalité économique et sociale.

De même, le programme « Awrach », qui avait pour objectif de fournir des emplois temporaires aux jeunes dans le cadre de projets locaux, n'a pas répondu aux attentes. Malgré les bonnes intentions derrière ce programme, le manque de financement, la continuité insuffisante et la faiblesse des infrastructures institutionnelles dans certaines régions ont conduit à son échec. Les opportunités offertes étaient limitées et non durables, ce qui n’a fait qu’accroître la frustration parmi les jeunes.

En outre, deux jours seulement avant la vague de migration massive des jeunes vers le nord, le chef du gouvernement a prononcé un discours devant la jeunesse de son parti à Agadir, dans lequel il a longuement parlé des «succès» de son gouvernement dans la mise en œuvre de projets de développement, les qualifiant de nécessaires pour l’instauration de l'Etat social. Il a mentionné le soutien direct, la couverture médicale et la réduction des taux de chômage et d’inflation. Cependant, il n’a pas du tout évoqué la crise sociale qui s’aggrave, ni le phénomène de la hausse des prix qui pèse lourdement sur les familles marocaines, ni le désespoir croissant ressenti par les jeunes et les autres catégories sociales. Ce discours, qui était éloigné de la réalité que traverse le pays, a accentué le sentiment de déconnexion entre le gouvernement et le peuple, confirmant l’échec du gouvernement à anticiper et à gérer les questions cruciales qui touchent directement la jeunesse.
 
Le silence mortel du gouvernement face aux événements de Fnideq
 
Alors que la ville de Fnideq vivait des événements douloureux liés à la migration massive de jeunes et de mineurs vers Sebta, le gouvernement a réagi à cette crise par un silence mortel et inexplicable. Le gouvernement n’a pris aucune initiative pour accompagner ces événements sur le plan médiatique ou sur le terrain afin de fournir les explications nécessaires, laissant ainsi libre cours à la diffusion d’images et d’informations trompeuses qui ont terni l'image du pays.

Malgré l'absence des médias officiels et celle notable du gouvernement face à un événement d'une telle ampleur, les autorités sécuritaires se sont investies avec professionnalisme dans la gestion de ces événements. Les forces de sécurité ont réussi à contenir la situation sur le terrain, évitant ainsi une catastrophe qui aurait pu avoir de plus grandes conséquences sur le pays. Les forces publiques ont abordé la crise avec discernement et professionnalisme, parvenant à maîtriser la situation sans qu’il y ait de surenchère, tandis que le gouvernement est resté absent du paysage et n’a émis aucune réaction officielle pour rassurer l’opinion publique sur la réalité des faits.

Ce silence du gouvernement reflète un échec retentissant dans la gestion des crises majeures qui menacent la stabilité du pays, et accentue le sentiment de frustration chez les jeunes, qui voient en ce gouvernement une entité incapable à  répondre à leurs attentes ou à résoudre les problèmes qui compromettent leur avenir.
 
L'initiative du Groupe parlementaire de l'Union socialiste des forces populaires
 
Face à l'absence du gouvernement pour fournir des explications claires sur ce qui s'est passé dans la ville de Fnideq, avec la migration massive et douloureuse des jeunes vers l'enclave occupée, accompagnée de la diffusion d'images et d'informations nuisibles au pays, le Groupe parlementaire de l'Union socialiste des forces populaires a pris l'initiative d'appeler à une réunion conjointe de la Commission de l'intérieur et la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme. L'objectif de cette initiative est de demander au gouvernement de fournir les explications nécessaires sur ces événements et de clarifier les mesures prises pour empêcher la répétition de ces tragiques incidents.

Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'une tentative de l’USFP d'engager un dialogue responsable avec le gouvernement sur les questions de migration massive des jeunes et les conséquences de ce phénomène sur l'image du pays et la stabilité sociale. Par l’intermédiaire de son Groupe parlementaire, le parti de la Rose appelle à enquêter sur les véritables raisons de cette migration collective et à travailler sur le traitement de ses racines économiques et sociales.
 
Les solutions possibles pour sortir de la crise
 
Malgré les grands défis auxquels fait face la jeunesse marocaine, il existe des solutions que le gouvernement pourrait adopter pour atténuer la crise.
Premièrement, il est nécessaire d'élaborer une stratégie nationale intégrée visant à offrir de véritables opportunités d'emploi pour les jeunes, en améliorant le lien entre l'éducation et le marché du travail. L'accent doit être mis sur la formation professionnelle et le développement des compétences demandées par le marché.

Deuxièmement, le gouvernement devrait accorder un soutien accru aux petites et moyennes entreprises et faciliter l'accès des jeunes au financement à travers des programmes incitatifs leur permettant de lancer leurs propres projets. Ces initiatives contribueraient directement à la création d'emplois et au développement de l'économie locale, offrant ainsi aux jeunes la possibilité de devenir des acteurs économiques au lieu d'attendre des opportunités qui ne se matérialisent pas.

Troisièmement, il est impératif que le gouvernement mette en place des plans clairs pour encourager l'investissement national et étranger dans des secteurs susceptibles de créer un grand nombre d'emplois, comme le tourisme, la technologie, et les énergies renouvelables. Des réformes structurelles des lois économiques sont également nécessaires pour faciliter l'accès des startups au marché et leur offrir les incitations nécessaires à leur maintien et à leur croissance.

Quatrièmement, le gouvernement doit adopter une nouvelle approche dans ses relations avec l'opposition parlementaire. Cette approche doit être fondée sur la transparence et la reconnaissance de son échec à mettre en œuvre les directives Royales dans les secteurs sociaux et de développement. Admettre l’échec n'est pas une faiblesse, mais un premier pas vers un véritable changement. Cela permettrait d’ouvrir un dialogue constructif axé sur la recherche de solutions communes entre les différents acteurs politiques. La collaboration avec l’opposition renforcerait la transparence et la responsabilité, tout en contribuant à la mise en œuvre de programmes de développement plus efficaces pour améliorer concrètement les conditions de la vie des jeunes et résoudre leurs problèmes.

En somme, les jeunes au Maroc vivent sous le poids de crises économiques et sociales profondes, ce qui pousse beaucoup d'entre eux à rechercher des solutions désespérées telles que l'immigration clandestine. L’incapacité du gouvernement à fournir des solutions radicales à ces problèmes a exacerbé la crise, ce qui a conduit l’USFP à intervenir et à demander une clarification de la position officielle concernant la migration de masse.

Cependant, la solution réside dans l'adoption de stratégies globales visant à offrir de véritables opportunités aux jeunes et à leur fournir un soutien réel pour construire leur avenir au sein de leur pays, tout en développant et en rendant les programmes gouvernementaux actuels plus efficaces et plus réactifs aux besoins des jeunes.

Il est peut-être temps pour le gouvernement d’admettre que l’attitude condescendante avec laquelle il traite les Marocains et son recours au principe de la majorité obtenue par ses partis lors des élections ne contribuent ni à répondre aux attentes des citoyens, ni à alléger leurs souffrances face à une vague de hausse des prix sans précédent, et souvent injustifiée.

Le gouvernement doit également se demander s'il est capable de répondre aux exigences de la période qui nous sépare des prochaines échéances électorales, alors que le Maroc se prépare à organiser la Coupe du monde 2030 en collaboration avec l'Espagne et le Portugal.

Cet événement majeur ne nécessite pas seulement la construction et la réhabilitation des stades, mais aussi des projets structurants et un développement global. La préparation à la Coupe du monde exige l’expansion des aéroports, la connexion des villes via des autoroutes et des routes rapides, ainsi que le développement des liaisons ferroviaires entre les villes hôtes et celles où résideront et s'entraîneront les équipes. De plus, il faut rendre les  villes attractives, construire des hôtels et des complexes touristiques, et renforcer les services sociaux essentiels tels que la santé, l'éducation, l’emploi et le logement.

Organiser la Coupe du monde n’est pas uniquement un événement sportif, c’est un projet national global nécessitant une planification à long terme et d'importants investissements dans les infrastructures et les services. Cela semble hors de portée dans les conditions actuelles, alors que le gouvernement échoue à instaurer l'Etat social et à atteindre les objectifs de développement requis.

Dans une telle situation, la responsabilité des partis de gauche et démocratiques, notamment l'Union socialiste des forces populaires, est très grande, surtout à l'approche des élections législatives de 2026 et des élections communales, régionales et provinciales ainsi que celles des Chambres professionnelles de 2027. Il incombe à ces partis de gauche de sortir le pays de cette crise étouffante, comme ils l'ont fait autrefois en dirigeant le gouvernement de l'alternance qui a sauvé le Maroc d'une crise politique et économique grave.

Dans ce contexte, l'Union socialiste des forces populaires doit accélérer le renforcement de sa structure interne, travailler à consolider ses organisations régionales et locales ainsi que ses organisations parallèles, tout en se rapprochant davantage des citoyens afin de regagner leur confiance et leur soutien lors des prochaines élections.

Par Mohamed ASSOUALI
Membre du Comité national
d'arbitrage et d'éthique.


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