
C’est dans ce contexte que l’intervention du Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, a fait l’objet d’un débat houleux au Maroc. Accusé par certains de « trahison », salué par d'autres pour son courage intellectuel, il a soulevé une question essentielle : quel est le prix réel que paie le peuple palestinien ? Et avons-nous le droit moral de ne pas le questionner ?
J’ai suivi avec attention cette intervention, dans laquelle Driss Lachguar a rappelé la position constante de son parti en faveur de la cause palestinienne, en parfaite cohérence avec les sentiments profonds du peuple marocain et son histoire de soutien indéfectible à la lutte palestinienne pour un État indépendant dans les frontières de 1967, avec Al-Qods Al-Charif pour capitale.
Mais ce qui a marqué les esprits, ce sont les réactions. Une partie du débat s’est transformée en chasse aux sorcières, dans laquelle la loyauté est mesurée à l’aune d’un discours unique, fermé à toute nuance. La critique s’est vue criminalisée, comme si poser des questions était déjà trahir la cause.
Le prix du sang avant les slogans
Ce qui a dérangé, ce sont des questions aussi simples que dérangeantes : le choix unilatéral du 7 octobre, mené par le Hamas sans coordination avec les autres factions palestiniennes, était-il justifié ?
Quel est le prix réel que paie le peuple palestinien ?Les conséquences sont désastreuses : plus de 37.000 morts, 70.000 blessés, 70 % des infrastructures détruites, 1,9 million de déplacés internes, 360.000 maisons réduites en poussière, 32 hôpitaux ciblés, 2,2 millions de Palestiniens privés des besoins essentiels. Tous ces chiffres proviennent de rapports des Nations unies.
Et avons-nous le droit moral de ne pas le questionner ?
Ce n’est pas la légitimité de la résistance qu’il faut remettre en cause, mais l’absence d’une stratégie globale et la banalisation du sacrifice civil. Peut-on continuer d’encourager un modèle qui transforme Gaza en un champ de ruines tout en prétendant œuvrer pour la libération ?
Quand la critique devient-elle trahison ?
Ceux qui ont tenté de discréditer Lachguar ont curieusement fini par reprendre ses propos : cessez-le-feu, échanges de prisonniers, retour au dialogue politique. La réalité les a ramenés vers la voie du réalisme, que Lachguar a anticipée avec lucidité. Car ce n’est pas la colère seule qui construit la paix, mais la vision, la stratégie, et le courage d’anticiper.
Le paradoxe est flagrant : certains accusent ceux qui posent les bonnes questions, mais ne proposent aucune alternative politique ou stratégique viable. Ils confondent la loyauté à la cause avec la soumission au discours dominant.
Le Maroc, pour sa part — Roi, gouvernement et peuple — a toujours été aux côtés du peuple palestinien. Et la présidence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Comité Al-Qods illustre avec force la place centrale du Maroc dans la défense des causes justes, notamment celle d’Al-Qods Al-Charif. Cet engagement ne saurait être mis en doute par quiconque.
Résister sans disparaître
Il ne s'agit nullement de délégitimer la résistance, mais de défendre la cause palestinienne par des outils stratégiques durables, politiques et humains à la fois. La question n’est pas de choisir entre résistance et paix, mais de comprendre que la libération d’un peuple ne peut se faire au prix de son anéantissement, ni en dehors de toute coordination nationale.
Ceux qui accusent aujourd’hui Lachguar d’avoir osé poser des questions douloureuses, rejoignent malgré eux l’option du dialogue : échanges de prisonniers, cessez-le-feu, corridors humanitaires, relance du processus politique. Tous ces éléments qu’ils dénonçaient hier sont devenus les piliers du discours international aujourd’hui.
Penser l’avenir, pas seulement brandir un drapeau
Le Maroc, par son peuple, ses institutions et la Haute autorité de Sa Majesté le Roi, restera indéfectiblement aux côtés de la cause palestinienne. Mais cet engagement ne doit pas exclure l’exigence de lucidité et de responsabilité politique.
Le choix unilatéral du 7 octobre, mené par le Hamas sans coordination avec les autres factions palestiniennes, était-il justifié ?
Les conséquences sont désastreuses :
plus de 37.000 morts, 70.000 blessés,
70% des infrastructures détruites,
1,9 million de déplacés internes,
360.000 maisons réduites en poussière,
32 hôpitaux ciblés,
2,2 millions de Palestiniens privés des besoins essentiels

Par Mohamed Assouali
Membre de la commission nationale d’arbitrage et d’éthique de l’USFP.