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A l’heure où les chefs d’Etats européens et méditerranéens, qui se réuniront à Paris le 13 juillet prochain, entendent donner un nouveau souffle à la relation séculaire des pays du Nord et du Sud méditerranéens, les défis sont naturellement multiples : sécurité, développement durable, éducation, questions énergétiques et alimentaires aussi, peut-être. Mais en amont, cette vaste entreprise devra se fonder, en la réinventant, sur la tradition d’échanges sur laquelle l’espace méditerranéen s’est bâti et développé.
Lors de sa visite officielle en Algérie, en décembre dernier, le Président de la République déclarait:«La Méditerranée ne se place à l’avant-garde de la civilisation mondiale que lorsqu’elle sait brasser les hommes et les idées ». Porter aujourd’hui cette ambition est impensable, et surtout impossible, sans inscrire la société de l’information – médias, audiovisuel, technologies numériques – au cœur de la réflexion et de l’action qui vont être conduites demain.
Dès 1995, la conférence de Barcelone soulignait la nécessité d’un « renforcement du rôle des médias dans le développement du dialogue interculturel ». La radio, la télévision et aujourd’hui l’Internet sont évidemment de puissants miroirs de la diversité culturelle. Parce qu’ils sont de formidables vecteurs de savoirs et de connaissance, ils sont aussi les plus sûrs relais des valeurs dont la Méditerranée est le creuset depuis plus de trois mille ans : l’égalité et la justice, la tolérance et le progrès, la démocratie et les droits de l’Homme… Et comment ne pas être convaincu du rôle irremplaçable que les médias jouent dans la lutte contre toutes les formes d’obscurantisme ou d’intégrisme, et dans la promotion des libertés de croire, d’informer, de s’exprimer?
Les images sont devenues notre langue commune. Il est urgent de les inscrire, aussi, dans une politique commune, qui en incite la production, la diffusion et la circulation dans cette région du monde. A l’ère du numérique, ignorer cette exigence serait une négligence et même une erreur.
Certes, les programmes Euromed initiés par l’Union européenne ont contribué à l’émergence d’un secteur audiovisuel en Méditerranée. C’était nécessaire, mais ce n’est plus suffisant. Traversés hier encore par de profondes disparités, les paysages audiovisuels méditerranéens sont aujourd’hui confrontés à des enjeux similaires et convergents : l’arrivée d’Internet et de la télévision numérique terrestre, l’explosion spectaculaire des télécoms, la fin des monopoles publics, la concurrence exacerbée entre les secteurs public et privé, mais aussi entre les télévisions nationales et internationales – notamment dans le domaine de l’information –, le besoin toujours plus affirmé d’une régulation du secteur…
Encore jeune, fragmenté et complexe, l’audiovisuel méditerranéen est résolument un marché d’avenir, qui dispose de ressources productives importantes au service d’un public vaste et captif. L’extrême diversité des acteurs (institutionnels, publics, surtout privés), des réseaux (hertziens, satellitaires, numériques), des défis (politiques, économiques, culturels, financiers) impose d’engager une dynamique que seule l’Union pour la Méditerranée pourra fédérer et incarner.
Comment ne pas porter un ambitieux dessein pour cette mer qui a vu naître les sept Merveilles du Monde ? Alors que la splendeur de ces chef-d’œuvres de pierre ne demeure plus, désormais, que dans la mémoire des hommes – à l’exception du phare d’Alexandrie – le temps n’est-il pas venu que le génie créatif méditerranéen s’incarne aujourd’hui dans des projets qui seront, demain, les sept Merveilles du monde audiovisuel et numérique ?
Tentons une énumération. Tout d’abord, les infrastructures, en développant la fibre optique et ainsi l’accès au haut débit, afin de partager toujours plus d’informations et de créations. Puis la mémoire, avec la mise en ligne d’un grand site d’archives qui présenterait sur la Toile l’ensemble des fonds audiovisuels méditerranéens numérisés. La formation, évidemment, avec l’ouverture d’une université méditerranéenne des métiers du son et de l’image, qui dispenserait, aux étudiants venus de toute la Méditerranée, des formations reconnues dans l’ensemble du bassin. La création, bien sûr, avec l’instauration de règles communes garantissant un statut aux artistes, la protection de leurs œuvres contre le piratage, le respect de leurs droits d’auteur et de leur liberté d’expression. La diffusion, aussi, avec la constitution d’une banque d’échanges de programmes, qui permettrait aux talents et aux œuvres de circuler largement – et plus seulement du Nord vers le Sud – et, pourquoi pas, la création d’une « Arte de la Méditerranée ». Enfin, la production, avec la généralisation des accords de production, en espérant notamment voir naître un jour un grand feuilleton populaire suivi chaque jour par des millions de femmes et d’hommes sur les deux rives.
A la variété des paysages, des mers, des civilisations chère à Braudel, s’ajoute aujourd’hui la diversité des œuvres, des créations et des talents qui s’expriment sur nos écrans. Ils vont, demain, contribuer à faire de la Mare nostrum une Mare numericum, ouverte à son temps et à l’avenir. N’est-ce pas là, aussi, que le projet de la future Union de la Méditerranée prend tout son sens ?