La nouvelle est tombée dans l’après-midi du jeudi 21 mai, provoquant stupeur dans les états-majors des partis politiques. A Rabat et à Tanger, le tribunal administratif a annulé les décisions administratives relatives au rejet de la candidature de deux députés du Parti Authenticité et Modernité, PAM, aux élections communales. On s’en souvient, l’application de l’article 5 de la loi sur les partis, interdisant la transhumance politique, décidée par le ministère de l’Intérieur, a failli provoquer une crise politico-gouvernementale. Le PAM, particulièrement visé par cette mesure parce que bon client du nomadisme, a très vite réagi, menaçant de quitter Parlement et majorité, arguant de la non constitutionnalité de l’article 5 qui, une fois appliqué, porterait atteinte à la liberté de choix politique et partisan de tout candidat. Dans cette affaire, Chakib Benmoussa est pourtant allé jusqu’au bout. Et 24 heures après le début de l’opération de dépôt des candidatures pour les communales du 12 juin prochain, les premiers refus ont été signifiés à des candidats du parti aux destinées duquel préside Mohamed Cheikh Biadillah par les autorités. Le PAM a donc choisi de saisir la justice à chaque fois que le dossier de l’un de ses candidats a été rejeté pour cause de transhumance. Et à Rabat et Tanger, la justice a donné raison à cette formation politique en procédant donc à l’annulation des décisions de rejet de candidatures de deux députés élus à la première Chambre sous une couleur politique et qui, aux communales, ont choisi de se présenter sous la bannière du PAM. Pour M’hamed Grine, membre dirigeant du PPS, un parti largement victime de ce vent de transhumance, les jugements rendus par le tribunal administratif ont certes la force de la chose jugée, mais reste toute la question de la crédibilité de l’action politique. Il faut, explique-t-il, absolument clarifier la loi pour que soit mis fin au fléau du nomadisme politique. « Le PPS va déposer dans les tout prochains jours une proposition de loi qui précise l’article 5 de la loi sur les partis. Nous proposons clairement que les députés, conseillers ainsi que les présidents de communes qui changent de couleur politique au cours de leur mandat voient leur élection annulée et que de nouvelles élections soient organisées. Il faut que ces nomades aient le courage politique de retourner devant les électeurs pour que l’on sache si les citoyens ont voté pour le parti ou pour eux », soutient M’Hamed Grine. «On tue les élections !» Et face à la polémique née de la moralisation de la vie politique, ce militant de gauche livre sa profonde conviction : il faut savoir raison garder. « Aujourd’hui, il est important de dépassionner le débat. Nous devons tous débattre de manière sereine car notre démocratie doit avancer. Il est essentiel de sauvegarder les acquis, d’autant que tous ces bénéfices recueillis peuvent être utilisés par les fossoyeurs de la démocratie ». Dans les rangs de l’opposition et au PJD, on porte un regard très critique sur ces transhumants finalement autorisés à se présenter aux communales. « C’est une comédie bien tragique. On tue la démocratie, on tue les élections. La comédie a assez duré face à un gouvernement qui ne fait rien ou agit tardivement et mal!», s’exclame l’islamiste Lahcen Daoudi. «Quels repères aujourd’hui pour les Marocains avec des décisions de moralisation annulées en 24 heures ? Tout cela, c’est du bricolage alors que le Maroc vient d’obtenir le statut avancé avec l’Union Européenne », soupire le député de Fès. A l’USFP enfin, une réunion du Bureau politique était prévue dans l’après-midi du vendredi 22 mai. Une réunion qui s’inscrit dans le cadre des préparatifs du scrutin communal et qui examinera ces jugements des tribunaux administratifs de Rabat et Tanger. Pour ce dirigeant du parti de la Rose, cette décision de la justice est surprenante. « C’est une interprétation qui ne défend pas l’éthique en politique. La loi doit être interprétée de façon morale tout en ayant un fondement juridique. D’autant qu’il appartient également à la justice de donner de la crédibilité aux institutions », conclut ce cacique ittihadi.
o Sans appel
«Le ministère de l’Intérieur se doit d’exécuter les jugements prononcés par le tribunal administratif de Rabat et le tribunal de première instance de Tanger» qui se sont prononcés pour l’annulation de la décision administrative interdisant aux élus nomades de présenter leurs candidatures aux prochaines communales, a déclaré Chakib Benmoussa, ajoutant qu’il s’agit là de jugements qui ne sont pas passibles de recours en appel. Voilà qui est fait pour étonner plus d’un ; les tribunaux concernés ayant préféré se référer aux dispositions du Code électoral plutôt qu’à la loi sur les partis politiques qui s’impose, de facto, dans le cas d’espèce.