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Dans cet entretien accordé à Libé, le secrétaire général de la FDT et parlementaire représentant cette centrale syndicale à la Chambre des représentants, Youssef Aïdi, affirme que la célébration de la Fête du travail au Maroc cette année s’inscrit dans un contexte marqué notamment par l’effritement du pouvoir d'achat des citoyens à cause de la hausse excessive des prix des produits alimentaires, des biens de consommation et des services. Youssef Aidi, qui présidera ce lundi un meeting à l’occasion du 1er Mai à Dar Attakafa à M'diq à partir de 10 heures, a souligné que le dialogue social engagé actuellement ne répond pas aux aspirations légitimes des salariés et des fonctionnaires et n’apporte pas de réelles solutions aux problèmes sociaux.
Libé : La classe ouvrière marocaine célèbre ce lundi (1er mai) la Journée internationale des travailleurs. Dans quel contexte cette célébration s'inscrit-elle cette année ?
Youssef Aidi : La célébration de la Journée internationale des travailleurs par la classe ouvrière marocaine s’inscrit cette année dans un contexte international fort difficile marqué par une crise sans précédent impactant tous les pays du monde, laquelle crise se caractérise notamment par des problèmes au niveau des chaînes d'approvisionnement et par une inflation galopante.
Elle célèbre également cette journée dans un contexte local marqué par la sécheresse pour la deuxième année consécutive, l’effritement du pouvoir d'achat des citoyens et, partant, l’augmentation des taux de pauvreté et de précarité. La Fédération démocratique du travail (FDT) n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme face à cette situation alarmante et d’appeler l’Exécutif à prendre des mesures urgentes allant dans le sens de la consolidation des acquis, de la protection de la classe moyenne en perte de vitesse et du soutien des classes populaires et défavorisées pour leur permettre de vivre dans la dignité.
Pourquoi la FDT a-t-elle choisi cette année le slogan « L'amélioration des conditions matérielles des salariés comme levier fondamental de l'Etat social » ?
Pour nous, ce slogan exprime, d’une part, notre aspiration à l’édification d’un Etat social, qui constitue, en fait, l’identité social-démocrate de la FDT et traduit, d’autre part, l’une de nos principales revendications, à savoir l'amélioration des conditions matérielles des travailleurs.
Nous considérons que l'augmentation des salaires devient aujourd'hui une nécessité impérieuse vu le contexte actuel marqué par l’érosion du pouvoir d'achat des Marocains à cause de la hausse excessive des prix des produits alimentaires, des biens de consommation et des services, y compris des produits alimentaires d'origine locale.
Le citoyen marocain est mis à rude épreuve face à la flambée des prix, et le gouvernement doit dans ce contexte assumer sa responsabilité pour protéger le pouvoir d'achat des citoyens, non seulement par des mécanismes de contrôle ou des mesures de répression contre les pratiques monopolistiques, mais aussi par le soutien de la classe ouvrière et de tous les groupes vulnérables en révisant le système de rémunération de manière plus équitable et en garantissant les conditions minimales d’une vie décente.
Quel bilan faites-vous du dialogue social engagé entre le gouvernement et les centrales syndicales? Ce dialogue peut-il répondre aux revendications des salariés et de l’ensemble des employés et fonctionnaires ?
Nous pensons que la cadence du dialogue social est très lente, ce qui explique qu’il n’a pas abouti à des résultats concrets. A l'exception des acquis réalisés par le SNE-Sup pour les enseignants du supérieur et par les syndicats les plus représentatifs de l'enseignement, il n'y a rien de concret en ce qui concerne les salariés, ni dans le secteur public ni dans le secteur privé. Et si ce dialogue social devait aboutir à quelque chose de tangible, l’on ne peut s'attendre qu’à une augmentation de 100 ou 200 dirhams, voire moins dans le secteur privé.
Ces montants sont d’autant dérisoires qu’ils constituent une insulte à l’intelligence des Marocains ne prenant pas en compte l'ampleur de la crise sociale qui frappe de plein fouet les salariés.
Sur un autre plan, on s'interroge sur les résultats de ce dialogue et ce qui a été réalisé au niveau de la structuration du champ syndical et de l'institutionnalisation et la consolidation des droits et des libertés syndicales. Où est la loi relative aux organisations syndicales ? Où est la loi organique sur le droit à la grève ? Qu’en est-il de la révision du Code du travail ? Quid de l'abrogation de l’article 288 du Code pénal ?
Nous pensons qu'il y a une perte de temps. Le dialogue social engagé actuellement ne répond pas aux aspirations légitimes de la classe ouvrière marocaine et n’apporte pas de réelles solutions aux problèmes posés, dont notamment la protection du pouvoir d'achat des salariés.
La crise économique et l'inflation ont également contribué à l’érosion du pouvoir d'achat de la classe moyenne, socle de l’édifice social et base de la stabilité dans notre pays. Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour sauvegarder le pouvoir d'achat de cette catégorie sociale ?
Il faut une révision complète du système de rémunération et la mise en place d’un système fiscal équitable pour réduire la pression fiscale sur les salariés, en plus d'un ensemble de mesures urgentes liées à la gouvernance, à la lutte contre les pratiques monopolistiques et la spéculation.
Il faut également penser à accorder des facilités pour certaines catégories sociales vulnérables, comme la mise en place d’un système de gratuité dans les transports pour les retraités et les personnes âgées, etc.
Comment voyez-vous l'exclusion de la FDT du dialogue social, sachant qu'elle bénéficie d’une représentativité syndicale importante dans le secteur public ? Comment résoudre cette contradiction voire cette anomalie?
Nous avons considéré dès le début que cette exclusion est due à une interprétation aussi bien erronée qu’arbitraire des dispositions du Code du travail, et nous tenons toujours à notre droit de prendre part au dialogue social, compte tenu de l'importante représentativité de la FDT dans le secteur public. Nous avons déjà mis en garde le gouvernement contre cette situation et nous lui avons demandé de faire la distinction entre la représentativité syndicale dans le secteur public et celle dans le secteur privé et de ne pas les confondre. C’est cette approche que S.M le Roi a adoptée à l'occasion de la nomination des membres du Conseil économique, social et environnemental. En effet, S.M le Roi a fait la distinction entre la représentativité syndicale dans le secteur public et le secteur privé et a nommé un membre d’une centrale syndicale qui n'avait pas obtenu 6% du total du nombre des délégués des salariés élus dans les secteurs public et privé, mais qui avait une représentativité importante dans le secteur public. C’est cette approche que le gouvernement doit suivre aujourd'hui dans le traitement de la représentativité des centrales syndicales.
Il y a des informations qui circulent concernant la possibilité de porter l'âge de la retraite à 65 ans. Comment réagissez-vous à cette question au sein de la FDT ?
Effectivement, il y a des fuites visant à tâter le pouls de la classe ouvrière, et nous considérons que ce qu’on envisage serait une aventure aux conséquences incalculables. Autant nous exprimons notre rejet absolu de toute mesure qui touche aux droits et acquis des retraités, autant nous affirmons notre disponibilité à faire face à toutes les mesures régressives. Par ailleurs, nous sommes prêts à dialoguer sur la base d'un projet de réforme intégrée mettant fin à la crise des retraites sans affecter les revenus et les acquis des retraités ni imposer des obligations supplémentaires aux salariés.
Propos recueillis par Mourad Tabet
Libé : La classe ouvrière marocaine célèbre ce lundi (1er mai) la Journée internationale des travailleurs. Dans quel contexte cette célébration s'inscrit-elle cette année ?
Youssef Aidi : La célébration de la Journée internationale des travailleurs par la classe ouvrière marocaine s’inscrit cette année dans un contexte international fort difficile marqué par une crise sans précédent impactant tous les pays du monde, laquelle crise se caractérise notamment par des problèmes au niveau des chaînes d'approvisionnement et par une inflation galopante.
Elle célèbre également cette journée dans un contexte local marqué par la sécheresse pour la deuxième année consécutive, l’effritement du pouvoir d'achat des citoyens et, partant, l’augmentation des taux de pauvreté et de précarité. La Fédération démocratique du travail (FDT) n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme face à cette situation alarmante et d’appeler l’Exécutif à prendre des mesures urgentes allant dans le sens de la consolidation des acquis, de la protection de la classe moyenne en perte de vitesse et du soutien des classes populaires et défavorisées pour leur permettre de vivre dans la dignité.
Pourquoi la FDT a-t-elle choisi cette année le slogan « L'amélioration des conditions matérielles des salariés comme levier fondamental de l'Etat social » ?
Pour nous, ce slogan exprime, d’une part, notre aspiration à l’édification d’un Etat social, qui constitue, en fait, l’identité social-démocrate de la FDT et traduit, d’autre part, l’une de nos principales revendications, à savoir l'amélioration des conditions matérielles des travailleurs.
Nous considérons que l'augmentation des salaires devient aujourd'hui une nécessité impérieuse vu le contexte actuel marqué par l’érosion du pouvoir d'achat des Marocains à cause de la hausse excessive des prix des produits alimentaires, des biens de consommation et des services, y compris des produits alimentaires d'origine locale.
Le citoyen marocain est mis à rude épreuve face à la flambée des prix, et le gouvernement doit dans ce contexte assumer sa responsabilité pour protéger le pouvoir d'achat des citoyens, non seulement par des mécanismes de contrôle ou des mesures de répression contre les pratiques monopolistiques, mais aussi par le soutien de la classe ouvrière et de tous les groupes vulnérables en révisant le système de rémunération de manière plus équitable et en garantissant les conditions minimales d’une vie décente.
Quel bilan faites-vous du dialogue social engagé entre le gouvernement et les centrales syndicales? Ce dialogue peut-il répondre aux revendications des salariés et de l’ensemble des employés et fonctionnaires ?
Nous pensons que la cadence du dialogue social est très lente, ce qui explique qu’il n’a pas abouti à des résultats concrets. A l'exception des acquis réalisés par le SNE-Sup pour les enseignants du supérieur et par les syndicats les plus représentatifs de l'enseignement, il n'y a rien de concret en ce qui concerne les salariés, ni dans le secteur public ni dans le secteur privé. Et si ce dialogue social devait aboutir à quelque chose de tangible, l’on ne peut s'attendre qu’à une augmentation de 100 ou 200 dirhams, voire moins dans le secteur privé.
Ces montants sont d’autant dérisoires qu’ils constituent une insulte à l’intelligence des Marocains ne prenant pas en compte l'ampleur de la crise sociale qui frappe de plein fouet les salariés.
Sur un autre plan, on s'interroge sur les résultats de ce dialogue et ce qui a été réalisé au niveau de la structuration du champ syndical et de l'institutionnalisation et la consolidation des droits et des libertés syndicales. Où est la loi relative aux organisations syndicales ? Où est la loi organique sur le droit à la grève ? Qu’en est-il de la révision du Code du travail ? Quid de l'abrogation de l’article 288 du Code pénal ?
Nous pensons qu'il y a une perte de temps. Le dialogue social engagé actuellement ne répond pas aux aspirations légitimes de la classe ouvrière marocaine et n’apporte pas de réelles solutions aux problèmes posés, dont notamment la protection du pouvoir d'achat des salariés.
La crise économique et l'inflation ont également contribué à l’érosion du pouvoir d'achat de la classe moyenne, socle de l’édifice social et base de la stabilité dans notre pays. Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour sauvegarder le pouvoir d'achat de cette catégorie sociale ?
Il faut une révision complète du système de rémunération et la mise en place d’un système fiscal équitable pour réduire la pression fiscale sur les salariés, en plus d'un ensemble de mesures urgentes liées à la gouvernance, à la lutte contre les pratiques monopolistiques et la spéculation.
Il faut également penser à accorder des facilités pour certaines catégories sociales vulnérables, comme la mise en place d’un système de gratuité dans les transports pour les retraités et les personnes âgées, etc.
Comment voyez-vous l'exclusion de la FDT du dialogue social, sachant qu'elle bénéficie d’une représentativité syndicale importante dans le secteur public ? Comment résoudre cette contradiction voire cette anomalie?
Nous avons considéré dès le début que cette exclusion est due à une interprétation aussi bien erronée qu’arbitraire des dispositions du Code du travail, et nous tenons toujours à notre droit de prendre part au dialogue social, compte tenu de l'importante représentativité de la FDT dans le secteur public. Nous avons déjà mis en garde le gouvernement contre cette situation et nous lui avons demandé de faire la distinction entre la représentativité syndicale dans le secteur public et celle dans le secteur privé et de ne pas les confondre. C’est cette approche que S.M le Roi a adoptée à l'occasion de la nomination des membres du Conseil économique, social et environnemental. En effet, S.M le Roi a fait la distinction entre la représentativité syndicale dans le secteur public et le secteur privé et a nommé un membre d’une centrale syndicale qui n'avait pas obtenu 6% du total du nombre des délégués des salariés élus dans les secteurs public et privé, mais qui avait une représentativité importante dans le secteur public. C’est cette approche que le gouvernement doit suivre aujourd'hui dans le traitement de la représentativité des centrales syndicales.
Il y a des informations qui circulent concernant la possibilité de porter l'âge de la retraite à 65 ans. Comment réagissez-vous à cette question au sein de la FDT ?
Effectivement, il y a des fuites visant à tâter le pouls de la classe ouvrière, et nous considérons que ce qu’on envisage serait une aventure aux conséquences incalculables. Autant nous exprimons notre rejet absolu de toute mesure qui touche aux droits et acquis des retraités, autant nous affirmons notre disponibilité à faire face à toutes les mesures régressives. Par ailleurs, nous sommes prêts à dialoguer sur la base d'un projet de réforme intégrée mettant fin à la crise des retraites sans affecter les revenus et les acquis des retraités ni imposer des obligations supplémentaires aux salariés.
Propos recueillis par Mourad Tabet