Avant d’aborder cette question, encore faut-il se demander quel est le rôle de l’université aujourd’hui; en d’autres termes : est-ce que l’université joue véritablement son rôle à l’heure actuelle ?
Nous ne le croyons pas. L’université souffre, et les professeurs avec. Idem pour les étudiants ! Ces derniers sont les principales victimes d’un tel système si ennuyeux qu’il n’en a l’air.
En effet, on impose aux étudiants d’ânonner en récitant leurs leçons sans s’en lasser, sans pour autant en savoir l’intérêt. Ils se trouvent déçus dès lors qu’ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas profiter d’une certaine liberté durant l’apprentissage.
C’est pourquoi nous assistons à une véritable défaillance intellectuelle consistant à exiger simplement à ce qu’on apprenne les cours sans les remettre en question. Beaucoup d’étudiants sont conscients de l’insuffisance de ce genre d’apprentissage, pourtant ils sont obligés d’en assumer la peine dès lors qu’ils s’aperçoivent que les professeurs offrent les bonnes notes aux étudiants qui font preuve d’un bon rendement. Les étudiants, pour le coup, ont inventé dans ce sens une espèce d’adage («marchandises à rendre !») pour désigner indirectement les enseignants qui évaluent l’apprenant sur sa capacité d’apprendre par cœur les leçons transmises.
Ainsi posé, ce qui est de plus en plus inquiétant, c’est le fait que l’université n’encourage point la lecture. L’on oserait même dire qu’elle interdit d’une certaine manière aux étudiants de forger une bonne habitude envers la lecture. Cela s’explique de la manière suivante :
Premièrement, il y a le fait d’insister beaucoup trop sur ce qu’on appelle l’angle d’attaque, c’est-à-dire le point de vue qu’il faut adopter pour étudier le corpus. Il résulte de cette insistance que l’apprenant néglige le corpus au profit des concepts à étudier. Un exemple suffit : nous nous souvenons tous que, lorsqu’on devait par exemple analyser les œuvres au programme, on passait tout notre temps à chercher à comprendre le schéma actanciel au lieu de chercher à comprendre les œuvres au programme, du coup, la fin est oubliée au profit du moyen.
Deuxièmement, nous avons perdu le goût et la passion pour la littérature, et du même coup, nous n’avons plus de contact sérieux avec les œuvres. Le chef-d’œuvre perd désormais de son aura et de son potentiel. Il n’a plus de pouvoir à force d’être envahi par le charme du spectacle, du paraître et de la mode. Par conséquent, la littérature classique est en danger, laquelle étant tout de même au cœur de toute littérature soi-disant moderne.
Troisièmement, il y a un déficit intellectuel envers les classiques actuellement. Nous constatons qu’on les prend rarement au sérieux. Où sont passés les Zola, Flaubert, Balzac, Marx, Al-Mutanabbi, Nietzsche, Proust, la poésie arabe classique, la poésie tout court? C’est ce qui a fort justement conduit un écrivain comme Italo Calvino à écrire « Pourquoi lire les classiques? » Lui sait bien que la lecture a un rapport avec les classiques. On ne peut pas prétendre être lecteur si on ne lit pas les classiques, c’est une exigence indépassable, si étrange que cela puisse paraître !
Tant que la lecture s’amoindrit, l’université est en danger. Nous avons fabriqué des individus qui n’ont plus le courage de lire, car nous leur avons appris que la lecture ne sert à rien puisqu’on leur a montré qu’il suffit d’être un bon élève pour réussir, c’est-à-dire, qu’il suffit de réviser ses cours par cœur pour atteindre l’objectif souhaité. Résultat : Métamorphose de l’objectif !
Et, pour notre malheur, les professeurs, eux-mêmes, ne lisent plus !
Il n’y a pas une seule discipline à enseigner qui ne soit pas en lien avec d’autres sciences, ce qui nécessite de lire beaucoup de choses. Il est impossible de prétendre à l’enseignement sans se documenter au maximum sur le sujet ou la thématique qu’il s’agit de transmettre. Pas de transmission sans suffisamment de lecture !
La situation est grave et c’est la société qui en souffre le plus. Nous connaissons les raisons de ce grand dégât, et, cela va de soi. La responsabilité revient aux décideurs ! Arrêtons donc de parler d’insuffisance pédagogique et didactique à l’université, théoriquement, elle en regorge mais elle manque d’une bonne prise de décision politique, celle-ci étant seule en mesure de changer l’état miséreux dans lequel baigne l’éducation marocaine.
Il faut agir d’urgence. C’est même l’humanité qui est en péril. L’humanité, ce n’est pas n’importe quelle acception, c’est notre raison d’être! (Certes, ce mot apparaît de plus en plus galvaudé à l’heure actuelle!). Il faut mettre au premier plan l’enseignement de la littérature. Il faut même s’en persuader désormais : quand c’est la littérature qui est en mauvais état, c’est la violence qui triomphe!
Najib Allioui
Nous ne le croyons pas. L’université souffre, et les professeurs avec. Idem pour les étudiants ! Ces derniers sont les principales victimes d’un tel système si ennuyeux qu’il n’en a l’air.
En effet, on impose aux étudiants d’ânonner en récitant leurs leçons sans s’en lasser, sans pour autant en savoir l’intérêt. Ils se trouvent déçus dès lors qu’ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas profiter d’une certaine liberté durant l’apprentissage.
C’est pourquoi nous assistons à une véritable défaillance intellectuelle consistant à exiger simplement à ce qu’on apprenne les cours sans les remettre en question. Beaucoup d’étudiants sont conscients de l’insuffisance de ce genre d’apprentissage, pourtant ils sont obligés d’en assumer la peine dès lors qu’ils s’aperçoivent que les professeurs offrent les bonnes notes aux étudiants qui font preuve d’un bon rendement. Les étudiants, pour le coup, ont inventé dans ce sens une espèce d’adage («marchandises à rendre !») pour désigner indirectement les enseignants qui évaluent l’apprenant sur sa capacité d’apprendre par cœur les leçons transmises.
Ainsi posé, ce qui est de plus en plus inquiétant, c’est le fait que l’université n’encourage point la lecture. L’on oserait même dire qu’elle interdit d’une certaine manière aux étudiants de forger une bonne habitude envers la lecture. Cela s’explique de la manière suivante :
Premièrement, il y a le fait d’insister beaucoup trop sur ce qu’on appelle l’angle d’attaque, c’est-à-dire le point de vue qu’il faut adopter pour étudier le corpus. Il résulte de cette insistance que l’apprenant néglige le corpus au profit des concepts à étudier. Un exemple suffit : nous nous souvenons tous que, lorsqu’on devait par exemple analyser les œuvres au programme, on passait tout notre temps à chercher à comprendre le schéma actanciel au lieu de chercher à comprendre les œuvres au programme, du coup, la fin est oubliée au profit du moyen.
Deuxièmement, nous avons perdu le goût et la passion pour la littérature, et du même coup, nous n’avons plus de contact sérieux avec les œuvres. Le chef-d’œuvre perd désormais de son aura et de son potentiel. Il n’a plus de pouvoir à force d’être envahi par le charme du spectacle, du paraître et de la mode. Par conséquent, la littérature classique est en danger, laquelle étant tout de même au cœur de toute littérature soi-disant moderne.
Troisièmement, il y a un déficit intellectuel envers les classiques actuellement. Nous constatons qu’on les prend rarement au sérieux. Où sont passés les Zola, Flaubert, Balzac, Marx, Al-Mutanabbi, Nietzsche, Proust, la poésie arabe classique, la poésie tout court? C’est ce qui a fort justement conduit un écrivain comme Italo Calvino à écrire « Pourquoi lire les classiques? » Lui sait bien que la lecture a un rapport avec les classiques. On ne peut pas prétendre être lecteur si on ne lit pas les classiques, c’est une exigence indépassable, si étrange que cela puisse paraître !
Tant que la lecture s’amoindrit, l’université est en danger. Nous avons fabriqué des individus qui n’ont plus le courage de lire, car nous leur avons appris que la lecture ne sert à rien puisqu’on leur a montré qu’il suffit d’être un bon élève pour réussir, c’est-à-dire, qu’il suffit de réviser ses cours par cœur pour atteindre l’objectif souhaité. Résultat : Métamorphose de l’objectif !
Et, pour notre malheur, les professeurs, eux-mêmes, ne lisent plus !
Il n’y a pas une seule discipline à enseigner qui ne soit pas en lien avec d’autres sciences, ce qui nécessite de lire beaucoup de choses. Il est impossible de prétendre à l’enseignement sans se documenter au maximum sur le sujet ou la thématique qu’il s’agit de transmettre. Pas de transmission sans suffisamment de lecture !
La situation est grave et c’est la société qui en souffre le plus. Nous connaissons les raisons de ce grand dégât, et, cela va de soi. La responsabilité revient aux décideurs ! Arrêtons donc de parler d’insuffisance pédagogique et didactique à l’université, théoriquement, elle en regorge mais elle manque d’une bonne prise de décision politique, celle-ci étant seule en mesure de changer l’état miséreux dans lequel baigne l’éducation marocaine.
Il faut agir d’urgence. C’est même l’humanité qui est en péril. L’humanité, ce n’est pas n’importe quelle acception, c’est notre raison d’être! (Certes, ce mot apparaît de plus en plus galvaudé à l’heure actuelle!). Il faut mettre au premier plan l’enseignement de la littérature. Il faut même s’en persuader désormais : quand c’est la littérature qui est en mauvais état, c’est la violence qui triomphe!
Najib Allioui