Théâtre marocain : Entre authenticité et créativité, une scène en pleine évolution

Le théâtre, ou le Père de tous les arts, est un espace d'expression et de réflexion où la parole prend vie et la magie du texte, de l'interprétation et de l'émotion se tissent pour créer une œuvre vivante.

Ainsi, la Journée mondiale du théâtre, célébrée chaque année le 27 mars, offre l’opportunité de réfléchir à l'impact de cet art majeur sur la société, d’explorer son évolution à travers le monde, de sensibiliser les gens à la valeur du théâtre sous toutes ses formes, ainsi que de permettre aux communautés théâtrales de promouvoir leur travail à grande échelle.

Au Maroc, cette journée revêt une dimension particulière en mettant en lumière à la fois la richesse du patrimoine culturel national et l’histoire du théâtre marocain, qui a été marquée par des transformations majeures au fil des décennies, passant de représentations populaires dans les souks et les places publiques à des productions modernes et professionnelles sur des scènes prestigieuses.

Entre la préservation de son héritage séculaire et l'aspiration à de nouvelles formes d'expression, le Royaume se trouve ainsi au carrefour de l’évolution scénique. En effet, la scène théâtrale marocaine a grandement évolué ces dernières années, portée par une volonté commune de renouveler le langage et d’aborder de nouveaux enjeux sociaux et culturels.

Les metteurs en scène, dramaturges et artistes marocains ne cessent de réinventer le théâtre en abordant des thématiques de plus en plus variées, tout en explorant de nouvelles formes d’expressions telles que la danse, la musique, ou encore les arts numériques.

“La scène théâtrale marocaine a connu ces dernières années un essor remarquable, notamment à travers la création de programmes de soutien au théâtre et aux projets culturels et artistiques qui ont permis l’émergence de plusieurs troupes et la réalisation de productions théâtrales de haut niveau”, a souligné le dramaturge marocain Zoubeir Ben Bouchta dans une interview accordée à la MAP, notant que durant chaque saison culturelle, le théâtre national connaît de nouvelles productions qui explorent divers sujets d’actualité.

Pour M. Ben Bouchta, le théâtre marocain vit ces dernières décennies son "âge d’or", tant par la diversité de ses productions et créations à travers le Royaume que par l'engagement artistique des différentes parties prenantes.

De son côté, le metteur en scène et dramaturge marocain Bousselham Daif a indiqué dans une interview similaire que "le théâtre national est un théâtre en pleine mutation créative, qui se distingue par son ouverture aux expériences internationales", ajoutant qu’il connaît aussi de nombreuses transformations, notamment structurelles, sociales et techniques, en lien avec les évolutions observées dans la société marocaine ainsi qu'à l'échelle mondiale.

Cette évolution permet de faire vivre une scène dynamique, à même de s’adapter aux réalités actuelles tout en restant fidèle à son identité culturelle. Toutefois, comme tout type d’art, les deux dramaturges soulèvent certains défis auxquels fait face le théâtre marocain, notamment des contraintes structurelles et organisationnelles, le cadre juridique réglementant la profession et l'organisation de la saison théâtrale.

Saluant les efforts déployés par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication pour surmonter ces défis, les deux artistes ont mis l'accent sur la nécessité d’une collaboration plus étroite entre les différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des institutions publiques, des acteurs privés, ou des collectivités locales, afin de garantir une véritable dynamique de changement.

Dans cette optique, ils ont insisté sur l'importance d'intégrer cette discipline dans les cursus scolaires, relevant que le théâtre est un moyen non seulement pour développer les compétences artistiques des élèves, mais aussi pour les sensibiliser aux enjeux sociaux et culturels qui les entourent, contribuant ainsi à forger une société plus ouverte et plus réceptive aux valeurs de dialogue, de respect et de tolérance.

"Pour que le théâtre puisse jouer son rôle de sensibilisation et d'éducation, il est nécessaire de l’introduire de manière claire et structurée dans le système éducatif, tout en le rendant plus accessible aux différentes tranches de la société, notamment à travers la mise en place de théâtres de proximité et la multiplication des Maisons de jeunes qui contribuent à la promotion de la culture théâtrale", a indiqué le metteur en scène Bousselham Daif.

Abondant dans le même sens, le dramaturge Zoubeir Ben Bouchta a souligné la nécessité d'élaborer une véritable stratégie entre le ministère de l'Education nationale, du Préscolaire et des Sports et le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication visant à créer des pôles de formation au sein des écoles et des universités, ainsi qu'à mettre en place des ateliers quotidiens en faveur des élèves et des étudiants des différents niveaux scolaires.

Concernant l’écriture théâtrale, qui possède des spécificités uniques, elle exige du dramaturge une capacité d’affiner constamment ses observations, tout en développant ses outils et son vocabulaire, et en renouvelant sans cesse ses perspectives pour enrichir son art et en offrir une expérience authentique.

Pour M. Ben Bouchta, le véritable défi de l’écriture théâtrale au Maroc réside dans le fait que de nombreuses troupes et metteurs en scène négligent le texte marocain, se tournant souvent vers des adaptations de pièces étrangères.
"Cette situation appelle à promouvoir une dramaturgie locale qui résonne avec les réalités et les préoccupations de la société marocaine contemporaine", a-t-il affirmé.

Dans le contexte actuel, marqué par l’essor de l’intelligence artificielle, la tâche du dramaturge se complexifie davantage, a noté M. Daif, ajoutant que le théâtre doit revenir à sa simplicité essentielle, à sa profondeur, où l’essence réside dans le mot, l’acte et la véritable rencontre entre les comédiens et le public.
 
Porté par une nouvelle génération d’artistes engagés et des institutions de plus en plus impliquées dans la promotion de cet art, le théâtre marocain continue ainsi d’évoluer et de se réinventer, tout en restant fidèle à ses racines profondes.

Par Kawtar Tijari (MAP)