L'équipe de Vincent Balter, du Laboratoire de géologie de Lyon (CNRS/ENS), et José Braga, du Laboratoire d'anthropologie moléculaire de Toulouse, a ainsi mis en évidence, grâce à la mesure d'"éléments traces", les différences de régimes alimentaires des australopithèques, paranthropes et Homo.
L'équipe française s'est intéressée au strontium et au baryum contenus dans l'émail dentaire, deux marqueurs de la position des mammifères dans la chaîne alimentaire.
Cette étude, publiée mercredi par la revue scientifique britannique Nature, vient compléter d'autres travaux sur le régime alimentaire des hominidés, à partir de l'analyse isotopique du carbone des dents fossiles, ou encore de l'usure de l'émail dentaire. "On a un schéma qui commence à devenir cohérent avec ce que les anatomistes et les archéologues attendaient", a expliqué à l'AFP Vincent Balter.
Les australopithèques, ancêtres communs des paranthropes et Homo, qui ont vécu entre environ 4 millions et 2 millions d'années avant notre ère, "étaient beaucoup plus opportunistes", relève le chercheur et avaient ainsi une alimentation beaucoup plus variée que les deux autres genres d'hominidés.
Ils se mettaient sous la dent "ce qu'ils trouvaient dans la nature", baies, fruits et éventuellement des carcasses d'animaux morts.
Une étude de chercheurs allemands et américains, publiée fin juin dans Nature, avait déjà montré qu'Australopithecus sediba (Afrique du Sud), se nourrissait aussi de bois et d'écorce.
Il y a environ 2 millions d'années, les australopithèques laissent la place aux paranthropes et aux Homo, chacun étant plus "spécialiste" que leur ancêtre commun.
Les paranthropes (environ 2,5 à 1,2 million d'années) consommaient uniquement des végétaux. "On les imagine manger des racines, de l'écorce, des choses assez dures à broyer", commente Vincent Balter.
Les Homo, genre qui réunit l'Homme moderne et les espèces apparentées, apparu il y a environ 2,3 à 2,4 millions d'années, était lui "beaucoup plus +viandard+". Probablement aidés par leurs outils, ils se nourrissaient principalement de la chasse.
"Ils avaient besoin de cette viande pour subvenir aux demandes énergétiques d'un cerveau qui ne cessait de grossir", analyse Vincent Balter.
L'équipe a réalisé ses recherches sur des dents fossiles conservées au Muséum du Transvaal (Pretoria), "cassées ou déjà coupées en deux". Les chercheurs ont utilisé un laser pour y faire de minuscules trous avant d'analyser la composition chimique de l'émail dentaire.
L'utilisation du faisceau-laser a permis de réaliser des "profils" suivant la croissance de l'émail et d'enregistrer, "pour chacune des dents, une tranche de vie et l'évolution du régime alimentaire pendant cette tranche de vie", a expliqué Vincent Balter.
La comparaison des tranches de vie de chacun des trois genres d'hominidés a ainsi montré que celles-ci "sont beaucoup plus variables pour les australopithèques".