"Le péronisme doit beaucoup à Evita et une femme, en particulier, encore plus", dit à l'AFP, en référence à la président Kirchner, l'historien Felipe Pigna, auteur de la biographie "Tranches de vie" qui vient de paraître. "Dans ce que le kirchnérisme a bâti, Evita est très présente".
L'image mythique d'Evita, qui rencontre Juan Domingo Peron en 1944, avant qu'il ne devienne trois fois président (1946-52, 1952-55, 1973-74), est revendiquée par des courants opposés au sein du péronisme, un mouvement devenu la principale force politique du pays dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Bien avant l'arrivée au pouvoir en 2007 de Cristina Kirchner, la troisième épouse de Peron, Maria Estela Martinez, appelée "Isabelita", avait essayé en vain de jouer le rôle d'Evita, dont on célèbre jeudi les 60 ans de la mort.
Loin de réunir les conditions nécessaires pour gouverner un pays, Isabelita avait réussi pourtant à obtenir ce qu'on avait refusé à Evita : être candidate à la vice-présidence au côté de Peron en 1973, devenant présidente après le décès de son mari en 1974 et jusqu'au coup d'Etat de 1976.
Cristina Kirchner, 59 ans, a du caractère, une incontestable aisance pour les discours sans notes et des goûts de luxe tout comme Maria Eva Duarte qui, couverte de bijoux et habillée chez Dior, avait défié une classe dirigeante qui la considérait comme une parvenue.
Là s'arrêtent sans doute les ressemblances. "Elles ont une toute autre formation, une autre vie", explique à l'AFP Norberto Galasso, auteur du tout récent "Evita militante".
"Cristina est une intellectuelle, issue de la classe moyenne universitaire et longtemps parlementaire", souligne-t-il. "Evita était une intuitive : elle permettait à Peron de garder les pieds sur terre".
Evita, jusqu'alors une actrice connue des feuilletons radio, n'aura connu que cinq ans de vie politique, pendant lesquels elle obtiendra le droit de vote pour les femmes et mènera une vaste action sociale grâce à sa Fondation.
Pourtant, "elle parviendra à marquer le péronisme et à le transformer à jamais", dit Pigna.
"Sans Evita, il est difficile d'imaginer une présidente comme Cristina (Kirchner) qui se fiche pas mal de plaire ou pas", déclare à l'AFP l'historienne Ema Cibotti. "Evita avait déjà montré sa forte personnalité, allant jusqu'à se démarquer de Peron".
En 1951, alors que Peron avait été victime d'une tentative de coup d'Etat, Evita avait préparé un plan pour distribuer 5.000 armes et former des milices.
C'est pourquoi elle a été revendiquée par l'aile gauche du péronisme, voire par la guérilla des Montoneros, dont le slogan dans les années 70 disait : "Si Evita vivait, elle serait montonera".
"Elle était la plus haïe mais aussi la plus aimée, insultée mais vénérée, profanée mais aujourd'hui éternellement victorieuse", a résumé Mme Kirchner en inaugurant l'année dernière une image d'Evita qui recouvre deux façades du ministère de l'Action sociale en plein coeur de Buenos Aires.
Pour Ema Cibotti, la classe politique dans son ensemble et non seulement le péronisme à dû évoluer et s'adapter à l'héritage d'Evita, qui a été la première à "toucher les gens, à être proche d'eux, à faire tomber les barrières".
Avec le temps, "même l'oligarchie lui a tout pardonné", relève Ema Cibotti. Une exposition en hommage à Evita est d'ailleurs organisée au Parlement de la ville par le parti Pro (droite) du maire de Buenos Aires Mauricio Macri.