L’exode des cerveaux marocains à l’étranger : Impacts et recommandations


Par Rachid Baji
Mardi 6 Mai 2014

L’exode des cerveaux marocains à l’étranger : Impacts et recommandations
L’émigration des Marocains vers les pays du Nord est un phénomène dont les origines remontent à la période de colonisation et qui connaît une accélération rapide depuis les années 60. Certes, l’exode a débuté par une migration de nature temporaire et ponctuelle, mais il est devenu une migration permanente par la suite, pour prendre un caractère de clandestinité à partir des années 90 et qui s’étend maintenant aux cerveaux du pays.
En 2011, le ministre chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration estime cette diaspora à plus de 4,2 millions. Elle n’est pas répartie uniformément sur les cinq continents, puisqu’environ 85 % de ceux-ci résident en Europe. Dans une autre rencontre, le même ministre a déclaré que la fuite des cerveaux marocains dépassait de 18,5 % le nombre de diplômés sortant des écoles et universités marocaines. Cela place le Maroc au 3ème rang mondial et le premier du monde arabe au niveau de l’exode de cerveaux, selon l’affirmation du secrétaire général de l’Union des universités arabes, lors d’un séminaire sous le thème «L’enseignement universitaire dans le monde arabe : réalités et perspectives». Le secrétaire général a souligné que le Maroc perd chaque année 32 % de ses ingénieurs et 15 % de ses scientifiques. Selon le journal «Le Matin», on constate que dans certaines écoles supérieures, jusqu’à 70 % de la promotion quitte le Maroc, et dès la fin de sa formation en Europe, émigre aux États-Unis et au Canada. Ainsi que partout dans le monde, on retrouve des cadres marocains dans certains secteurs stratégiques et dans le monde des affaires.
 Il n’est pas innocent que les représentants des pays étrangers nouent des relations étroites avec les centres de formation, les écoles supérieures et les universités du pays.
Mais avant d’analyser les impacts de l’émigration sur les différents secteurs marocains, et les mesures à recommander, il faut connaître les causes de ce phénomène.
Il existe diverses raisons incitant les travailleurs qualifiés à quitter le Maroc.
La décision de faire une démarche de l’émigration est basée sur une logique simple : un travailleur qualifié a tout intérêt à résider dans le pays qui lui garantit le bien-être le plus élevé. Pourtant, au Maroc comme dans la plupart des pays en développement, on constate plusieurs facteurs qui poussent cette population à émigrer, notamment les conditions de vie, le gel des salaires, la mondialisation, les firmes de dimension internationale qui ont besoin de mobilité humaine et leur savoir et savoir-faire. En plus, on constate aussi que le travailleur marocain est préoccupé par l’épanouissement de la vie de sa famille et de ses enfants.
Impacts de l’exode des cerveaux.
La mobilité internationale des travailleurs marocains qui amènent avec eux leurs compétences et une partie de leurs biens perturbe plusieurs secteurs nationaux. La première question devant être évaluée est la perte du capital humain et tout ce qu’implique cette perte, tel que le recouvrement des coûts de formation, ainsi que les effets négatifs sur le taux de croissance, notamment en matière de redistribution des richesses. En partant du principe que les travailleurs qualifiés sont généralement des personnes ayant des salaires plus élevés, leur départ prive par conséquent le Maroc d’une part importante des recettes fiscales.
Perte des coûts de formation
Il s’agit de l’impact négatif le plus immédiat affectant le Maroc, car cela implique une perte nette de l’investissement réalisé pour la formation d’une partie de la population. En partant de la règle générale que les bénéfices que procure l’enseignement sont répartis entre l’individu et la collectivité, il est tout à fait logique que les coûts le soient aussi. Les coûts de formation sont en réalité très divers et variés; ils vont donc des coûts d’opportunités supportés par les parents aux coûts financiers .
Certes aucun chiffre officiel n’est disponible pour déterminer l’ampleur de ce phénomène. En prenant l’exemple des écoles d’ingénierie marocaines, on constate qu’elles sortent 1800 diplômés chaque année, un nombre largement insuffisant par rapport aux besoins du marché, estimés à quelque 8000 ingénieurs. Pourtant, leur émigration coûte cher au gouvernement marocain, sachant que la formation d’un seul ingénieur sorti de l’École nationale des postes et télécommunications coûte environ un million de dirhams pour les cinq ans de formation.
Quand on parle de la perte des coûts de formation, nous recourons immédiatement aux dépenses financières en matière d’éducation et d’enseignement, qui se calculent en pourcentage du PIB, ce qui démontre la part de la richesse publique de l’État marocain consacrée à l’éducation.
Les dépenses des ministères de l’Education et de l’Enseignement supérieur sont majoritairement constituées des traitements des enseignants; il s’agit donc de dépenses au niveau des ressources humaines. Leurs salaires constituent une part très importante des dépenses budgétaires publiques, soit le tiers de la masse salariale de la Fonction publique marocaine. 
 
Réduction au niveau fiscal :
Les travailleurs les plus qualifiés et ayant des diplômes supérieurs sont ceux qui cotisent et contribuent le plus au budget général de l’Etat. En tant que pays d’origine, le Maroc perd une part importante des revenus pouvant être taxés et redistribués. Le gouvernement marocain finance donc l’éducation et la formation des émigrants sans recevoir les bénéfices de cet investissement.
Réduction des opportunités 
de croissance
Conformément aux théories de la croissance endogène pour lesquelles l’élément principal de la croissance est l’accumulation des connaissances, la perte du capital humain engendrée par l’émigration de travailleurs qualifiés réduirait le revenu des travailleurs sédentaires et le taux de croissance du pays d’origine.
Dans la réalité, beaucoup de diplômés qui obtiennent leur diplôme au Maroc partent travailler à l’étranger. Ce qui représente une perte à gagner au niveau de la croissance économique. Cette réduction des opportunités de développement se comprend à travers la perte en matière de capital humain. Certes, l’éducation, parce qu’elle augmente le rendement d’un travailleur, constitue un facteur indispensable des performances individuelles en matière de rémunération. Elle s’implique de plus au progrès de performance de l’économie marocaine, en favorisant la croissance.
A titre d’illustration, nous citons l’exemple des infirmières et des praticiens, car le domaine de la santé est fortement affecté. Au Maroc, 50 % des praticiens de la santé tels que pharmaciens,  infirmières, dentistes et médecins ont émigré. Ce phénomène, s’il continue au même rythme, causera probablement des problèmes majeurs au niveau du secteur public, qui souffre déjà. 
    Actions à recommander :
Après avoir déterminé les impacts de l’émigration des travailleurs qualifiés, nous proposons quelques actions afin de remédier aux effets négatifs de ce phénomène.
Taxer les travailleurs qualifiés ayant émigré à l’étranger.
Appliquer une taxe sur les revenus des travailleurs qualifiés ayant émigré à l’étranger, le but de cette action étant d’éviter le déséquilibre économique du Maroc, le taux et la durée de prélèvement de cette taxe devront être limités à 10 % du revenu net pendant dix ans à partir de la date de départ. L’émigrant, selon cette proposition, compensera la perte subie par le pays.
Augmenter les gains dus aux 
transferts de fonds
Les transferts de fonds sont considérés comme un résultat positif de l’émigration. Dans le cas du Maroc, ils se chiffrent à l’équivalent de 25 % des importations, représentent environ un cinquième des recettes courantes de la balance des paiements et excèdent les investissements étrangers directs.
Dans ce contexte, le gouvernement devra mettre en place des actions visant à encourager les ressortissants marocains à transférer davantage de fonds, par exemple par la création de comptes bancaires en monnaies étrangères servant des taux d’intérêt et de change supérieurs à ceux du marché. Et traduire une partie des gains créés par les transferts de fonds en faveur de la réforme et la modernisation du secteur de l’éducation et de l’enseignement.
Créer un programme de parrainage des
 « cerveaux »
Il serait possible que le gouvernement avec la participation des parties prenantes (entreprises, université et sociétés civiles) mette en place un fonds destiné à appuyer financièrement le retour des cadres afin de faciliter leur réinstallation. 
Programme d’attraction
Le gouvernement marocain devra mettre en œuvre des plans d’attraction à moyen et long termes, en mettant l’emphase plus particulièrement sur des stages au sein des organisations privées et de la Fonction publique pour les universitaires et les étudiants des écoles supérieures, en ciblant principalement les secteurs jugés vulnérables.
 
* Maîtrise en management
Doctorat en Droit public 


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1.Posté par azergui le 09/05/2014 08:37
Pourquoi ma fille (bac +12) a quitté ses parents, sa famille, ses amis et le pays de ses ancêtres pour aller travailler loin très loin en Europe du Nord ? Elle est partie en pleurs , le coeur serré et la mort dans l'âme Elle nous laisse nous ses parents abassourdis de tristesse Sa chambre est à jamais fermée, ses affaires ( livres, gadgets, PC , guitares , bicyclette et autres) entassés dans un cagibi sans vie et âme
Mes discours de vieux prof univ tombent en miettes devant ses aguments d'airain impossibles à réfuter
1) Népotisme flagrant exercé par les familes arabistes aussi bien dans le Public que dans le Privé
2) Emoluments de misère dans le service public où elle voulait s'investir et se sacrifier comme son père
3)Horizons de carrière fermés pour une issue du peuple et de surcroît amazighe de nom et de souche
4) impossibilité d'une vie décente avec des salaires non décents à côté de bourgoisie sauvage de la cité
5) Absence presque totale de liberté pour la femme dans le pays gouverné par les barbus et voilées

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