L’accès aux établissements d’enseignement supérieur peut-il se faire sans concours après le bac ?


Par Mustapha Bachiri *
Lundi 22 Juin 2015

L’accès aux établissements d’enseignement supérieur peut-il se faire sans concours après le bac ?
L’obtention du baccalauréat marque pour le jeune marocain et sa famille la fin de la scolarité au lycée et le début d’une formation orientée vers un métier. Cette transition génère souvent  des tensions, des frustrations, des injustices… le mode d’accès aux différents établissements d’enseignement supérieur, notamment ceux à accès régulé en est  un exemple éloquent. Il faut souligner qu’au regard des places disponibles dans ces établissements d’un côté et du nombre de bacheliers de l’autre, le système connaît tout logiquement un goulot d’étranglement. La  sélection se fait alors en deux temps : une présélection sur la base des notes obtenues au baccalauréat, contrôle continu compris, puis un concours d’accès la plupart du temps sur les mêmes disciplines du baccalauréat. 
La présélection a créé au fil du temps une "inflation" dans les notes du baccalauréat. Chaque année, on assiste à une surenchère sur la moyenne minimale exigée par tel ou tel établissement, à tel point qu’un 16 sur 20 par exemple ne représente plus rien aujourd’hui pour le jeune et sa famille qui se trouvent complément désarmés face à cette situation de plus en plus incontrôlable. Le salut est venu, partiellement, des notes du contrôle continu qui deviennent alors une variable endogène. Certains établissements ont bien saisi ce désarroi et ont fondé leur offre de formation implicitement sur l’avantage tiré de la manipulation des notes du contrôle continu qui caracolent autour de 18 sur 20. Cela bien évidemment a créé une grande injustice pour nos jeunes qui fréquentent les lycées d’enseignement public notamment.  
Par ailleurs, après la présélection, le bachelier fraîchement diplômé est appelé à passer un concours, la plupart du temps, dans les mêmes disciplines sur lesquelles il a été amené à composer quelques semaines auparavant. Le jeune et ses parents sont alors appelés à faire le "tour du Maroc" pour sillonner les différents villes du Royaume dans l’espoir de trouver une école qui accepterait bien de le prendre après le test. Peu importe si la formation ne correspond pas aux aspirations ni au profil même du bachelier. Il suffit de faire un tour devant les ENCG ou la Faculté de médecine par exemple le jour du  concours pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. Les concours représentent ainsi un budget non négligeable pour les familles qui doivent faire ce "tour" mais également des journées de travail perdues. Cela représente également un coût non négligeable pour les établissements qui organisent ces concours (logistique, surveillance, correction…),  bref une mobilisation et un investissement conséquent sans pour autant gagner en efficacité. 
La solution pourrait donc venir de la mise en place d’un système de sélection plus intelligent et, de surcroit, centralisé au niveau national. La suppression des concours envisagée par le ministère de l’Enseignement supérieur pourrait apporter une solution efficace à l’accès des bacheliers aux différents établissements, mais sous conditions. On peut donc s’inspirer de modes de sélection qui existent déjà dans notre système éducatif. A titre d’exemple, la sélection aux classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) dont j’avais la charge de coordination dans son volet économique et commercial, s’est toujours faite sur la base d’une moyenne calculée à partir des notes obtenues dans les matières électives pour chaque spécialité. La candidature se fait de manière centralisée au niveau national par un simple clic sur un site dédié. L’affectation aux différents établissements s’effectue  par la suite par ordre de mérite, selon le choix exprimé par le bachelier et selon sa zone géographique. La sélection se fait ainsi sans concours, de manière juste, efficace et transparente.  
La sélection peut également se faire au niveau de chaque établissement, de manière décentralisée, mais en optant pour un système de classement par ordre de mérite en ne retenant que les notes de l’examen national et celles du régional. Cela permettrait d’instaurer plus de justice dans le mode de sélection et de supprimer, par la même occasion, tout le commerce bâti autour du contrôle continu. Cela permettrait enfin de recentrer le débat sur le mérite et calmer l’émotion populaire qui ressurgit en chaque fin d’année scolaire, au moment de l’examen du baccalauréat et des concours post-bac. 
Un travail non moins important doit également être entrepris en amont pour sensibiliser et orienter les lycéens sur les différents métiers possibles dans lesquels ils seront appelés à évoluer. L’expérience montre que les jeunes qui arrivent dans les établissements d’enseignement supérieur, même à accès régulé, le sont généralement par défaut voire par hasard. On gagnerait donc à mieux les accompagner dans le choix de leur projet professionnel. Cela faciliterait leur accès à l’enseignement supérieur et permettrait de doter ainsi l’économie marocaine de profils adéquats à même de relever les défis auxquels notre pays est confronté. 

 * Professeur chercheur  
Université Mohammed V-Rabat


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