L’IA générative de beaucoup d'argent, mais pas encore de rentabilité


Libé
Samedi 15 Février 2025

Pas moins de 109 milliards d'euros investis en France dans les prochaines années, 500 milliards de dollars aux Etats-Unis, des capitalisations boursières astronomiques: l'intelligence artificielle (IA) générative concentre les attentes de nombreux acteurs économiques et politiques, mais la rentabilité des géants du secteur se fait toujours attendre.

Depuis l'irruption fin 2022 du logiciel ChatGPT, capable de répondre à toutes sortes de questions posées par les utilisateurs, l'IA générative s'est développée à très grande vitesse et les pays rivalisent pour se faire une place sur la carte mondiale de cette technologie, souvent à coup d'investissements massifs.

Mais derrière l'enthousiasme pour ce que certains considèrent comme une nouvelle révolution industrielle, les géants du secteur comme OpenAI ou les jeunes pépites comme le français Mistral AI restent en quête de rentabilité.
 
"Le sujet" pour Mistral AI, "ce n'est pas la levée de fonds: ils claquent des doigts et demain, ils ont 2-3 milliards d'euros", a souligné lundi Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. "Le sujet, c'est les revenus. Il faut que Mistral fasse 500 millions de chiffre d'affaires en 2025."

Car l'IA générative requiert des ressources matérielles substantielles avec la construction d'immenses centres de données (ou "data centers") et une quantité d'énergie considérable pour les faire tourner, des puces ultra-sophistiquées que peu d'entreprises produisent et l'embauche d'ingénieurs très qualifiés.

Pour combler ces besoins, les géants de la Tech américains alignent les milliards, par dizaines: Google et Amazon ont ainsi annoncé récemment pour 2025 des dépenses cumulées en capitaux de respectivement 75 et 100 milliards de dollars, principalement consacrées à l'IA.

Pour gagner de l'argent, les entreprises d'IA génératives peuvent compter sur les abonnements premium, mais aussi proposer aux entreprises d'intégrer leur système pour gagner en productivité. Mardi, les opérateurs téléphoniques Bouygues Telecom et Orange ont officialisé des partenariats, respectivement l'américaine Perplexity et la française Mistral AI.

Mais les dépenses massives d'investissements dans l'IA "n'ont guère donné de résultats jusqu'à présent", notait la banque américaine Goldman Sachs en juin 2024, dans un rapport intitulé "IA générative: trop de dépenses, pas assez de bénéfices ?".
D'après le média américain The Information, OpenAI ne prévoit pas de dégager un bénéfice avant 2029.

"Il y a un pari. Dans les nouvelles technologies, on parie sur l'avenir, on accepte des pertes de court terme pour des gains de long terme", plaide auprès de l'AFP l'économiste Philippe Aghion, coprésident du "Comité de l'intelligence artificielle générative" mis en place par le gouvernement.

Cette dimension de pari peut favoriser un phénomène de bulle économique - lorsque la valorisation d'un bien s'avère largement supérieure aux bénéfices qu'il peut apporter - qui finit par éclater.

Fin janvier, le secteur de la "tech" a d'ailleurs traversé de grosses turbulences lorsque la start-up chinoise DeepSeek a dévoilé un modèle concurrent de ceux de l'américain OpenAI.
Le 27 janvier, en Bourse, Nvidia, géant américain des processeurs fournissant les puces sophistiquées nécessaires au développement de l'intelligence artificielle, a perdu en séance 589 milliards de dollars de capitalisation, l'une des pires pertes de l'histoire selon la presse américaine.

Ce jour-là, le marché a pris "un virage dans sa thèse d'investissement", commentait Raphaël Thuin, directeur des stratégies de marchés de Tikehau Capital. DeepSeek venait de déclarer n'avoir dépensé que 5,6 millions de dollars pour développer son modèle, ce qui a interrogé les investisseurs sur les milliards dépensés par les groupes américains dans l'IA ces dernières années.

"La baisse des coûts est une bonne nouvelle sur la tendance long terme de l'IA. En revanche, cela interroge sur la valorisation et le positionnement qui entourent la tech américaine", ajoutait Raphaël Thuin.

"Bien sûr qu'il peut y avoir des bulles", relativise Philippe Aghion, prenant l'exemple de la bulle internet qui avait éclaté en 2000: "Cela n'a pas empêché les Gafam de grandir grâce à internet et de devenir hyper profitables". Pour lui, ces éventuelles bulles n'empêcheront pas "des gains de croissance très importants" qui seront "en grande partie rentabilisés".

Philippe Aghion prédit un surplus de productivité de "0,7 point par an pendant dix ans" induit par le développement de l'IA. D'autres sont plus prudents, comme le prix Nobel d'économie 2024 Daron Acemoglu, qui projette un gain de productivité dix fois inférieur dans une étude pour le MIT.


Lu 258 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Dossiers du weekend | Actualité | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | Economie_Automobile | TVLibe




Flux RSS