Interdit en RDA, le Monopoly y était fait maison


AFP
Mercredi 5 Novembre 2014

Interdit en RDA, le Monopoly y était fait maison
Les jeux de société de l'Ouest capitaliste, Monopoly en tête, rencontraient un vif succès en RDA, mais dans des versions "faites maison", témoignages d'un pays disparu que deux passionnés collectionnent.
Martin Thiele et Michael Geithner avaient quatre ans lorsque le Mur de Berlin est tombé, il y a 25 ans. Un jour, les deux amis se sont souvenus que leurs "familles avaient des jeux de société faits maison", raconte à l'AFP le premier des deux. "On s'est demandé s'il s'agissait d'un phénomène important ou d'un hasard."
Au printemps 2011, ils lancent un blog, reçoivent plusieurs dizaines de réponses. En octobre, l'influent magazine Der Spiegel évoque leur travail. "A partir de là, c'est devenu très important", souligne Martin Thiele qui évoque, dans le livre "Nachgemacht. Spielekopien aus der DDR" ("Imitations. Copies de jeux en RDA"), co-écrit avec son compère, une "rocambolesque chasse au trésor".
Aujourd'hui, ils ont rassemblé 175 jeux copiés par des bricoleurs de l'Est. Et au fil de leur quête, ils ont pu en apprendre plus sur le pays d'où ils venaient.
"Je suis clairement un Allemand de l'Est mais je ne savais pas grand-chose de la RDA, explique le jeune homme. Après avoir compris qu'il s'agissait d'un phénomène de grande ampleur et que personne ne l'avait étudié, on s'est dit qu'il y avait beaucoup à raconter, en particulier parce que ces jeux faits main sont une excellente porte d'entrée pour engager la discussion avec les générations précédentes."
Selon Martin Thiele, "il y a en fait une certaine timidité, voire une certaine peur de l'ancienne génération face à l'évocation de leur passé parce que la RDA, dans les médias, est la plupart du temps dépeinte de manière très péjorative. Implicitement se pose toujours la question : +Pourquoi n'as-tu rien fait, n'as-tu pas protesté ?+ Il y a souvent ce reproche."
Parmi les jeux retrouvés, une large part - "près d'un quart" - sont des Monopoly. "Certains sont des copies exactes, d'autres sont très différentes (...) beaucoup ont construit le jeu sans avoir vu l'original", raconte M. Thiele.
"L'un d'eux en a façonné un sans savoir ce qui se trouvait sur les cartes, il les a donc inventées. Cela avait parfois une connotation politique, comme sur celle-ci : +Cette blague politique vous coûte une année de travaux forcés pour la réalisation du plan (quinquennal)+."
Cluedo, Scrabble, Mastermind, Uno, etc. Tous les grands succès du jeu de société occidental ont trouvé leur pendant artisanal est-allemand, souvent réalisé avec un goût du détail impressionnant. Mais l'histoire "la plus folle", selon M. Thiele, est celle du Bürokratopoly, qui n'était pas une imitation de l'Ouest mais "un jeu et tout à la fois un portrait de la société est-allemande".
Le but de ce jeu, inventé par un opposant, était de devenir secrétaire général du parti communiste, si possible en grugeant, en magouillant ou en dénonçant. Le Musée de la RDA, à Berlin, l'a aujourd'hui réédité pour qu'il serve d'outil pédagogique en cours d'histoire, au lycée.
A travers le jeu de société, c'est un pays disparu qui se raconte, explique encore Martin Thiele, se souvenant notamment d'une interview avec un bricoleur qui avait mis au point son jeu pendant son service militaire. "En fait, l'interview n'a rien eu à voir avec le jeu mais beaucoup avec son expérience au sein de l'Armée nationale populaire (NVA).".
Les jeux rassemblés par MM. Thiele et Geithner sont désormais pour la plupart visibles au Musée allemand des Jeux, à Chemnitz, ex-Karl-Marx-Stadt (est).
Et au moment où les célébrations des 25 ans de la chute du Mur approchent, Martin Thiele estime qu'il est temps, entre "Ostalgie" et condamnation, de trouver "un juste milieu" pour raconter l'Allemagne de l'Est, un pays certes régi par un système totalitaire mais qui sert encore de décor aux souvenirs d'enfance et de jeunesse de millions d'Allemands.
"Nous sommes à un moment clé, où la génération plus jeune, la mienne, est devenue assez mûre pour chercher le dialogue" et pour "observer ce passé de manière neutre", juge-t-il.
 


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